“Quand l’écriture prend le pas sur ma tête” – Entretien avec Amélie Charcosset 1/3

Amélie Charcosset ateliers d'écriture

J’ai connu Amélie via un groupe facebook d’entrepreneur-e-s. J’ai découvert et adoré ses posts, son écriture, son groupe de poésie Fondu.e.s de fondus, sa newsletter, ses formidables ateliers d’écriture et programmes d’écriture en autonomie, puis son très beau roman et ses coulisses d’écriture sur Tipeee, et le plaisir de nos longues conversations zoom, whatsapp ou parisiennes quand ses trains la font, bien malgré elle, passer par ici. 

Amélie Charcosset est autrice, animatrice d’ateliers d’écriture et enseignante de Français Langue Étrangère. Elle a publié son premier roman Je ne suis pas née ce matin en 2021, et elle est en train d’écrire le deuxième. Ah oui, et elle vit en Suisse, quand elle n’est pas (ce qui arrive souvent) en travadrouille ou en autorésidence d’écriture.

L’interview est composée de 3 parties. Tu peux accéder ici à l’épisode 2 et l’épisode 3.

Voici le premier épisode, qui parle d’écriture et de créativité, de compta et de canapés, de courage et de comparaison, de voyage à vélo et d’entrepreneuriat, de lumière, d’autocâlin et d’amitié.

Prends une tisane ou du champagne, et peut-être un jour de RTT : bonne écoute et/ou bonne lecture !

L’épisode 1 version audio

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L’épisode 1 version texte (et petits audios)

C’est une interview sur tes thèmes d’atelier. Première question autour du thème “Boîtes”. Ça m’a évoqué, entre autres choses, les boîtes à idées. Comment tu fais quand tu as l’impression de ne pas avoir d’idées, que ce soit pour ta newsletter, ou pour continuer ton roman ? Est-ce que ça arrive d’abord : un peu, souvent ?

Ça m’arrive souvent, surtout pour la newsletter, et dans ce cas-là, je commence en général à écrire “je n’ai pas d’idées, j’en ai marre, qu’est-ce que je vais écrire, je sais pas quoi écrire”. Puis, pour la newsletter, je commence à raconter ma semaine et à un moment, il y a un truc saillant qui m’apparaît, soit quelque chose dont j’ai pris conscience, soit un truc que j’ai découvert et que j’ai envie de partager, plutôt culturel, soit une rencontre que j’ai faite. Vu que la newsletter s’appuie toujours sur ce qui se passe de vivant pour moi, parfois un peu à retardement, il y a cette idée de commencer à raconter comme si j’écrivais mon journal, pour en sortir ensuite ce qui pourrait être intéressant pour d’autres.

Et pour le roman, c’est un peu le même principe. Je réfléchis à ce que j’ai pu vivre que ma narratrice pourrait vivre aussi, et du coup je lui attribue et je démarre comme ça.

Deuxième question autour d’un autre thème qui est “Dedans-Dehors” : comment l’un et l’autre nourrissent ta créativité ?

Quand je me vois “dehors”, c’est sur mon vélo en train de pédaler sans but précis, il y a quelque chose qui s’apaise dedans. Qui permet au dedans de se déposer. Je suis un peu moins dans ma tête, c’est moins étroit. Le dehors nourrit ma créativité parce qu’il permet de décanter des choses, d’arrêter d’être en boucle. Et le “dedans”, c’est tout l’espace où je lis, où j’écoute des podcasts, où je dors, où je rêve, où je cuisine, et tout ça c’est des choses qui nourrissent ma créativité, me permettent de faire des liens, d’entretenir des relations entre les idées qui se baladent dans ma tête.

Sur le thème “Courage”,  c’est quel courage, ça mobilise quel(s) courage(s) chez toi, d’écrire ?

Pour l’instant, je sais pas encore lequel mais ça en mobilise beaucoup ! C’est une belle question. Je lisais hier quelqu’un qui racontait que c’était tellement difficile d’écrire, et je me disais “oh oui oui oui, c’est vrai”. Et puis cette personne disait “mais bon je continue parce que j’aime trop cette stimulation intellectuelle, j’aime trop ce que ça fait, réfléchir aux liens dans l’histoire, à la structure, à ce qui se passe et découvrir les personnages”, et oui, c’est vrai aussi ! Évidemment, il y a une forme de courage qui est le courage de plonger en soi, de plonger dans la matière, de faire des trucs qui ne servent à rien (je prends plein de pincettes pour dire ça, mais j’ai quand même parfois cet “à quoi bon ?” qui me rattrape). En même temps, c’est aussi le courage de prendre le temps de la lenteur, dans un monde qui n’a pas trop le temps pour ça. Quand je vois le temps que ça me prend d’écrire un livre… pfiou…

Toujours sur le thème “Courage”, ça mobilise quel(s) courage(s) chez toi d’être entrepreneure ? Est-ce que ça te demande de dépasser des choses ?

C’est une question qui me challenge en ce moment, alors qu’être entrepreneure a toujours été, non pas simple mais de l’ordre de l’évidence.  Bon, au début, j’étais indépendante parce que c’était le seul statut pour bosser dans le lieu où je travaillais. Mais je me suis appropriée cette identité et je l’adore. Mais en ce moment, je trouve ça dur. Je crois que ce qui est dur et le courage que ça demande, c’est de constater qu’un modèle qui a fonctionné pour moi à un moment ne fonctionne plus aussi bien, et qu’il y a des choses à modifier ou à ré-inventer alors que, moi, ces modèles, ils continuent de m’aller. Ça demande du courage d’accepter de changer des choses, sans savoir bien quoi, ni comment – alors qu’on les aime bien comme elles sont -, parce qu’elles ne produisent plus les résultats escomptés.

Et sinon, même s’il y a aussi beaucoup de joie, ça demande du courage de tester des trucs et que ça prenne pas, d’exposer ce qu’on a envie de faire et que les gens n’accrochent pas, des gens qu’on respecte, qu’on admire, qu’on apprécie. Ça demande du courage de se vendre, de vendre des prestations, d’affirmer des prix et de les défendre, de prendre conscience de sa valeur, de la valeur de ce qu’on propose. Ça demande du courage de faire de la compta !

Et ça demande du courage d’aller chercher des ressources pour nous aider, de ne pas rester seule, d’assumer d’avoir besoin d’aide pour certains trucs, de nos pairs, d’autres entrepreneur-e-s, y compris d’autres domaines.

Et moi ça me va très bien, mais quand j’en parle à l’extérieur, j’ai l’impression que c’est ça aussi que les gens trouvent courageux : c’est de décider pour soi-même. Je me lève, j’organise ma journée comme je veux, je travaille d’où je veux, si j’aime pas une offre, je peux l’arrêter (mais  faut que j’en crée une nouvelle) : cette liberté-là. Je me dis toujours que je pourrais pas être salariée, mais souvent les gens me disent que c’est ça qui est courageux chez l’entrepreneur-e.

On part sur un autre thème : “les autres”. Beaucoup d’auteur-e-s parlent de la solitude dans le travail d’écriture, et c’est une chose qu’on ne ressent pas beaucoup en te lisant. Sans doute parce que tu as mis en place beaucoup de dispositifs pour ne pas être seule dans l’écriture, même s’il y a des phases solitaires. Quel est ton rapport aux autres et à la solitude, et notamment dans l’écriture ?

J’ai besoin d’être seule pour me ressourcer, je fais partie de la team introvertie. Mais la solitude est aussi une chose dans laquelle je peux me noyer… noyer c’est peut-être un peu fort… errer. Et ça rejoint ce que je disais avant sur le fait de demander de l’aide, de demander des contacts. C’est pas toujours simple mais j’ai vraiment appris à le faire. Et notamment, oui, dans l’écriture. Mon écriture, depuis longtemps, est très liée aux ateliers, donc à un espace où il y a des gens, d’autres personnes avec qui la partager. Et aujourd’hui, oui j’ai mis en place, comme tu dis, plein de dispositifs pour ne pas vivre cette solitude de l’écriture. Pour qu’elle soit choisie quand elle est là. Que ce soit pas là par défaut. Oui, j’ai des temps où je pars écrire toute seule quelques jours et qui me font un bien fou, mais parce que ce sont des moments choisis, où je sais que je vais être seule, tout en sachant que je peux faire appel justement à telle personne ou à tel cadre si jamais ça ne va pas.

Toujours sur le thème “les autres”, j’ai une autre question : est-ce que tu es humaine ? Est-ce qu’il t’arrive de te comparer aux autres, et de ressentir parfois, oh grands dieux, de la jalousie ? Si oui, de qui, de quoi, et qu’est-ce que tu fais de ça ? Comment tu te dépatouilles, toi, avec ça (si ça t’arrive, si tu es humaine) ?

Alors ça m’arrive hyper souvent, c’est drôle que tu sembles en douter ! De qui je suis jalouse ? Pfff… Je suis jalouse des gens qui ont écrit et publié des livres avant 30 ans. Mais la frontière est assez ténue : Clémentine Beauvais par exemple a 33 ans et a publié 35 bouquins, et je l’adore, je n’ai pas une once de jalousie envers elle. D’autres gens, qui ont publié avant 30 ans, ça m’agace beaucoup plus et je ne sais pas encore exactement la différence. [NDLR : Oh dommage, une partie de l’enregistrement a disparu. Censure ? Problème technique ? Nul ne sait.]. Ça c’était la première partie de ta question, de qui es-tu jalouse. Je crois que t’avais une partie : comment je m’en sors. Bah tu vois en m’en entendant parler… je ne m’en sors pas ! Alors, et comment je m’en sors ? J’essaie de pas trop être sur Instagram. Du coup j’y suis mais seulement en consommation. Mais c’est encore pire en fait, je viens juste lire ce que font les autres. C’est vraiment ce truc des réseaux sociaux où tu vois tout ce que font les autres et toi tu fais rien puisque t’as décidé de plus communiquer sur les réseaux.

Ce que je fais sinon…franchement, pas grand chose… J’ai rien de très convaincant. J’ai une boîte à compliments sur mon ordinateur, j’y range des captures d’écran de jolis mots que je reçois, que ce soit en retour de mon roman, ou à la fin des ateliers. J’en fais des copies, je les mets dans cette boîte numérique. Et parfois, je les lis. C’est pas tant quand je suis jalouse… c’est plus quand je me sens franchement nulle et  inutile dans le monde que je reparcours ces phrases-là. Ça aide un peu.

[ERRATUM : en relisant l’entretien, Amélie précise qu’il s’agit d’une « boîte à confiance » et non d’une « boîte à compliments »]

On va vers les “Lucioles” : quelles sont tes plus grandes sources de lumière quand tu erres, quand tu doutes ?

Le premier truc qui me vient, c’est la tendresse. Je suis une grande fan de câlins.
Le deuxième, c’est l’amitié. Et ça va ensemble mais amitiés féminines, parce que j’ai principalement des amies femmes.
Et à nouveau : les livres !

C’est déjà un bon trio je trouve.

Sur le thème “Illusions” : quelles idées fausses tu avais, et qui se sont déconstruites au fil des années, sur l’écriture, sur la créativité, sur l’entrepreneuriat, ou sur toi-même ?

Ah, on peut faire 2h d’interview juste sur cette question ! J’ai l’impression que c’est un truc immense et que j’ai 60 000 réponses à te donner, mais par laquelle commencer ?

Une chose : ça m’a pris du temps d’accepter qu’on pouvait travailler dans des métiers créatifs / artistiques, et vouloir gagner sa vie, correctement, et gagner sa vie correctement. J’ai l’impression que c’est assez bien accepté et répandu que les deux ne sont pas compatibles. Ça me gave. Et ça me pose plein de questions et de débats intérieurs. Mais je vois aussi ce qu’il y a à déconstruire là-dedans pour pouvoir vivre aussi de ce qu’on aime faire et de ce qu’on fait.

Une autre idée fausse : je pensais, en écrivant mon premier roman, que j’avais ce livre-là à écrire et que probablement après je n’aurais rien d’autre, que j’aurais écrit tout ce que j’avais à écrire. Et finalement, assez rapidement, autre chose est venu. Pas tout de suite de manière claire. Des images qui ont commencé à se pointer. Et ce que j’ai découvert, c’est que le fait de vivre ajoute de la matière à ce qu’on a à écrire. Cette peur-là de ne plus avoir de choses à raconter après, je ne sais pas si elle a disparu… En tout cas, elle s’est atténuée. Même si je vois plein de liens entre le texte que j’écris maintenant et le roman précédent, je vois aussi que c’est un autre livre.

Sur la créativité, il y a beaucoup de choses qui ont bougé depuis longtemps. Que je vois souvent avec les participant-e-s aux ateliers. On a des images très figées de la créativité, et de ce à quoi devrait ressembler le travail d’écriture. Et notamment l’idée de choses très longues, avec une notion de sérieux, très appuyé, et d’effort. Je vais rien nier de tout ça, j’en ai parlé tout à l’heure, dans le sens où, oui, l’écriture est un processus long, que le livre que j’écris me demande beaucoup, me prend beaucoup d’énergie. Et à la fois, ce que je propose dans les ateliers, c’est de casser ça, et de permettre aux gens de découvrir qu’en 3 minutes, en 6 minutes, en 12 minutes, on écrit, il se passe des choses, il y a déjà des choses qui naissent, et que souvent la peur vient du fantasme, et de l’inaction. Quand on n’agit pas, on a tout le temps de penser. Et quand on agit, tout de suite le cerveau peut se ré-adapter à ce qui est en train de se passer concrètement, à l’instant T. Dans les ateliers, les personnes disent souvent qu’elles ne pensaient pas pouvoir écrire en si peu de temps, qu’elles sont surprises de voir ce qui s’est passé en 4 ou 8 minutes. J’adore quand on découvre des personnages. Quelqu’un qui dit “ah bah t’étais là, toi ?” en parlant d’un personnage qui n’existait pas quinze minutes plus tôt. Je trouve ça génial ! C’est ce à quoi j’ai envie de reconnecter les gens, les gens qui ont peur que la créativité, ce ne soit pas pour eux. Je pense que la créativité, elle est pour tout le monde, et accessible à tout le monde, c’est juste que c’est un muscle. C’est comme quand on fait du sport, on découvre des muscles qu’on pensait pas avoir. Là, c’est un peu pareil, il y a des trucs qui tirent le lendemain, et on se dit “ah tiens mais il y a un truc ici !”. Ça, c’est la créativité, quand on l’a jamais trop prise en compte avant !

Ce qui me fait penser à une autre idée fausse que j’avais : pendant extrêmement longtemps, j’étais persuadée que moi j’étais pas créative, alors qu’on me renvoyait quand même beaucoup le contraire. C’est parce que j’avais une définition très limitée de la créativité, qui était :

1) être très à l’aise dans tout ce qui est manuel, loisirs créatifs. Ça, pour moi : galère et inintérêt conséquent ! J’aime faire des collages mais sinon, c’est pas trop mon truc.

et 2) pour être créatif, je me disais qu’il fallait avoir mille idées à la seconde. En fait, moi j’ai pas du tout mille idées à la seconde. J’ai des idées qui prennent leur temps. Alors, parfois j’ai une idée comme ça, et en général, je n’en ai qu’une ! Je me disais du coup que j’étais pas créative. Ça a été du chemin de défaire ça, et d’embrasser les différentes formes de créativité que chacun-e a, et de pouvoir développer ça.

Alors, c’est pas tout à fait un thème d’atelier, c’est le nom d’un de tes programmes : “Matin Crayon”,  et donc une question là-dessus, très pratique, sur ta façon de faire, c’est quoi pour toi les meilleurs espaces et temps pour écrire ? De quoi tu as besoin pour créer, quelles sont tes habitudes par rapport à ça ?

Je crois que je suis plutôt du matin. Je dis “je crois” parce que je suis dans un rythme de vie, comme je disais tout à l’heure, où j’ai pas forcément besoin de me lever tôt, et j’ai un amoureux qui est plutôt lève-tard, et il se trouve que mon bureau est juste à côté du lit. C’est assez fréquent que je commence la journée avec une forme de frustration parce que j’aimerais être à mon bureau plus tôt, et que je n’y suis pas. Du coup, je commence un peu dans le canapé. J’ai l’impression que ça ne me met pas vraiment dans l’élan. Quand je suis en autorésidence, toute seule, dans des espaces où je ne dois composer avec personne d’autre, je dirais que je suis plutôt du matin. J’écris souvent sur le canapé – enfin, sur mon ordinateur mais assise dans le canapé, parce que je respecte les canapés des airbnb !

Par contre, dans le roman que j’écris et avec lequel j’ai parfois l’impression d’entretenir une vraie lutte, je me suis aperçue qu’il y avait des passages dans lesquels j’arrivais à aller quand j’étais sur le point de m’endormir en fait, où il y avait quelque chose qui lâchait : t’as envie d’aller dormir, vas-y lâche ce truc qui est difficile à écrire et tu verras après. Du coup, il y a des scènes assez clés que j’ai écrites plutôt très tard. Donc pas du tout dans mes habitudes.

Et j’adorerais dire que j’aime écrire dans les cafés, mais en vrai j’arrive pas trop à me concentrer dans les cafés. Quand j’y vais, c ‘est plutôt pour faire des mails ou de la compta. Parce que la compta c’est tellement chiant, faut bien un café pour faire passer le truc !

À partir du nom d’un autre de tes programmes “L’étincelle” : tu écris ton 2e roman en ce moment, à quoi ça tient selon toi ces moments où ça fait des étincelles, où tu tiens quelque chose et te dis “ah oui là, c’est ça, c’est bon” ! Qu’est-ce qu’il y a dedans à ce moment-là ?

Je crois que ces moments-là, c’est quand l’écriture prend le pas sur ma tête. Il y a tout ce qu’on veut faire, tout ce qu’on projette de faire, tout ce qu’on décide de faire. Puis il y a les moments où l’écriture elle fait “Coucou ! Et si on faisait plutôt ça ?”. Ou bien quand deux trucs étaient pas du tout liés, et d’un coup, l’écriture en une phrase relie les deux, et tu te dis “ah mais oui, en fait… trop bien !”. Je crois que c’est ça : quand je suis surprise moi-même. L’étincelle, c’est cette surprise, cet étonnement. Et ce que je trouve absolument magique dans l’écriture, c’est que parfois je bouine sur le truc, j’ai du mal à m’y mettre, je procrastine à mort, et quand j’arrive à m’y mettre, ça prend genre 10 minutes avant qu’il y ait ce truc, c’est hyper rapide en fait ! Parfois oui, je galère 4 heures sur cinq phrases, mais quand même régulièrement, revient le plaisir de l’écriture, ce “ah mais en fait ce truc auquel j’avais pensé, il pourrait aller là”. Ou bien, moi, je joue beaucoup sur les sonorités proches entre les mots et c’est souvent qu’une idée me vient parce qu’elle est associée de manière phonétique à autre chose, et je me dis que c’est trop bien ce lien entre ces deux mots, c’est chouette ce qu’on va pouvoir en faire. J’ai l’impression que cet accès-là, il est rapide. Alors c’est peut-être parce que j’ai bouiné quatre heures avant, mais à chaque fois je me dis “bah ! franchement, t’aurais pu t’y mettre plus tôt !”. Voilà de quoi est faite l’étincelle.

5 mots qui qualifient ta relation à l’écriture en ce moment, aujourd’hui ou cette semaine, sur un présent très proche ?

Intimidante. Ample. Je cherche mes mots, je vois ce que je veux dire mais je cherche les mots qui disent ça. Incarnée. Et il y a quelque chose en contraste avec intimidante, quelque chose de ce qu’on disait tout à l’heure sur l’étincelle. Là j’ai réussi à contourner un blocage, à trouver une façon d’avancer dans un endroit où j’avais pas trop envie d’aller, donc il y a une forme de joie, de trouver… Il y a un peu une idée de corps-à-corps avec l’écriture quand même, dans ce que ça peut avoir de beau et de tendre, et aussi de violent. Surtout au vu des thèmes que je traite. Oui, voilà, corps-à-corps, ça fait trois d’un coup.

4 choses que tu as faites ou qui se sont passées en cette année 2022 et qui ont compté pour toi, et desquelles tu as peut-être appris des choses ?

J’ai fait un voyage à vélo toute seule, et ça m’a appris que j’en étais capable, et que ma façon de m’organiser était aussi valable que des façons que pourraient avoir d’autres gens. J’avais un peu oublié ça, je m’étais beaucoup reposée sur la façon d’organiser de mon amoureux, tout en me disant que je ne savais pas faire vu que je ne fais absolument pas comme lui. Voyager à vélo sans lui m’a permis de me rendre compte que ma façon de faire était tout aussi valable.

J’ai repris une thérapie. Qu’est-ce que ça m’a appris ? Beaucoup de choses. Ça m’a appris que les sujets qu’on croit avoir traités ne sont jamais tout à fait terminés. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ! Et ça m’a appris que des parts de moi n’avaient pas été écoutées depuis longtemps. Voilà… processus en cours.

Qu’est-ce que j’ai fait d’autre ? J’ai refait mon site internet – enfin j’ai fait refaire mon site internet serait beaucoup plus juste. Ça m’a appris que mon positionnement s’était beaucoup affirmé depuis deux, trois ans, et que j’avais plus de finesse dans ma façon de dire et de faire. Et c’est assez drôle parce que quand je retombe sur des documents aux couleurs de mon ancien site, ça me paraît hyper criard, alors que j’ai adoré ce site et ces couleurs. Mais quand je les vois, j’ai vraiment l’impression que j’étais une enfant. Je suis beaucoup plus à l’aise aujourd’hui avec les couleurs du nouveau site. 

Et 4 : [NDLR : Oups, encore une partie de l’enregistrement disparue.]

3 objets qui te mettent en joie ou symbolisent quelque chose d’important pour toi ? Idéalement des objets qui sont autour de toi.

Alors, le premier, c’est déjà un objet en trois parties. Ce sont trois figurines Lego, trois femmes. C’est mon amoureux qui me les a ramenées des Pays-Bas, où il les a fabriquées. Quand il me les a données, il m’a dit “C’est quoi leur point commun ?”. J’ai dit : “C’est des femmes”. Il a dit : “Oui, et puis elles portent toutes du violet, c’est des militantes de la grève féministe”. J’aime bien les avoir, là.

Le deuxième, c’est une petite poupée que ma grand-mère m’a offerte, en me disant “C’est ta poupée d’écriture, pour t’accompagner quand tu écris”. Ça m’a hyper touchée et émue. Du coup, elle est là sur mon bureau pour m’accompagner quand j’écris. C’est assez rigolo, parce que selon l’orientation dans laquelle je la mets, je peux vraiment avoir l’impression qu’elle me regarde. Genre, là, elle me regarde : ok, ok, je m’y mets.

La dernière chose, c’est une sérigraphie de Solange te parle, en duo avec Samuel Eckert. Je l’aime beaucoup. C’est une personne, de dos, il y a écrit autocâlin, et on voit juste ses mains qui accrochent son dos. Quand on écrit, et dans la vie en fait, qu’on écrive ou pas, c’est important cette idée d’autocâlin, d’autoempathie, et d’autocompassion. Je crois pas du tout que ce soit quelque chose d’égoïste et d’individualiste. Et moi, ça m’aide beaucoup d’avoir ça pas loin. Quand je fais des visios, je le vois, elle est derrière moi. Dans le texte que j’écris, il y a plein de moments où je me dis “passe pas en force, et là c’est ok d’avoir besoin d’un autocâlin”.

2 questions que tu pourrais te poser à toi-même en ce moment ?

De quoi as-tu vraiment envie ?
Et qu’est-ce que tu peux faire pour t’aider à traverser les prochaines turbulences ?

Et 1 : si tu devais choisir une seule façon de dire ce que tu fais, une seule façon de te présenter ?

Je pars du présupposé que les histoires en chacun, chacune, peuvent aider à mieux vivre le monde.

Merci Amélie !

Et maintenant ? Tu peux écouter-lire l’épisode 2 et l’épisode 3 de cet entretien.

Pour suivre ses ateliers, ses programmes d’écriture en autonomie, te procurer son roman et t’abonner à sa newsletter  : https://ameliecharcosset.com/ et pour lire ses coulisses d’écriture : https://fr.tipeee.com/ameliecharcosset

Crédit photo : Nirine Arnold

Reprendre le fil

personne lisant une carte routière

De deux sources différentes, le même message. Qui sonne la cloche dans ma caboche.

J’écoute “Procrastination”, saison 7, épisode 15, “Se mettre dans l’écriture”

“Se ménager un petit sas temporel pour fermer proprement sa session de création, ranger ses notes, déterminer où on en est, et en fait, préparer la session d’après, c’est tout bête mais ça peut aider  !” 

Quelques heures plus tard, sur Tipeee, j’écoute les coulisses de la fabrication d’une scène du prochain roman d’Amélie Charcosset qui dit : 

“Cet épisode (….), je l’ai mis en gras parce que ça fait partie des prochaines scènes que je pourrais écrire. J’ai essayé d’identifer dans ma trame les scènes un peu pivots qui pourraient être importantes. Parce que je vais partir en vacances, et je vais laisser le texte pendant plusieurs semaines, et donc j’ai envie de savoir, quand  je rentre, par quoi je vais pouvoir commencer, à quoi je vais pouvoir m’attaquer, comment je vais pouvoir reprendre le fil du projet. Donc, j’ai cette scène-là : je sais ce que je veux que ça raconte, c’est en gras, ça fait partie de mes priorités quand je m’y remettrai.”  

Oh comme j’aurais été bien inspirée d’écouter ça plus tôt !

Je dois reprendre le fil d’un des écrits que je dois produire d’ici fin juillet. (Catégorie #reprisedetudes, pas de scénario ni roman en vue pour le moment, je sais votre immense déception) 

Dernière entrée bien foutraque, je ne sais plus du tout où j’en étais, ni quelles étaient mes pensées les plus pressantes à ce sujet, ma boussole, mon Nord, my next-step. Je suis perdue ! 

Notes pour plus tard : quand tu quittes un écrit, un projet, laisse-toi une miette, un petit bout d’idée-de-là-où-tu-en-étais, et d’où tu allais, une intention, un souvenir, une coloration,  un post-it, consigne, didascalie, pringles, caillou, cacahuète (n’importe quoi !!) qui t’aiguillera la prochaine fois que tu t’y plongeras. 

Un semblant de carte pour retrouver ton chemin.

Voilà, je voulais vous partarger ces deux témoignages, utiles, salutaires, entendus le même jour par chez moi, qui ont résonné fort avec l’épreuve du moment : se replonger dans un projet en cours (mais délaissé). Que la friche soit avec vous ! Et laissez-vous des cailloux.

Quand je reviens écrire ici

Y a pas photo. Quand je reviens écrire par ici, c’est généralement que j’ai un travail à faire + du temps pour le faire + une flemmatrouille maximale de le faire. 

Bingo. C’est bien le cas en ce moment. Et moi qui croyais que j’entretenais une relation houleuse avec mon écriture, ma créativité, toussa toussa. Et qu’on était ces jours-ci… comme en mars, comme en janvier, comme au printemps dernier, en pleine réconciliation après des semaines à s’ignorer. En réalité, j’entretiens aussi-surtout une relation houleuse avec mes études où se suivent des pics insensés d’énergie-boulot et des trous noirs de productivité.  Et ce blog se fait alors le meilleur allié de ma procrastination. 

C’est quand même le bon côté de la procrastination. Quand elle nous pousse à ressortir nos crayons pour dessiner, marie-kondo pour trier, nos éponges pour récurer, nos tapis de gym abandonnés, nos identifiants du site des impôts et ces vieux textos auxquels on s’était juré de répondre six mois plus tôt. 

Comme soudain tout s’agite, tout bouillonne. Comme on a l’air de faire des choses bien, au lieu de faire celles qu’il faut.

Bref, j’ai donc trouvé la recette pour maintenir ce blog en vie, et le sortir des limbes où sans cesse je le congédie. Il me suffit donc d’une deadline qui m’effraie – encore plus que d’écrire ici – et d’un agenda dégagé. 

Pas si compliqué. 

P.S. : sur la procrastination productive, il y a cette planche géniale de Claire Brétecher : “Création” (parue, je crois, dans Les Frustrés)

Merci les pages du matin

Truth be told, il y a quelques jours, ça n’allait pas très fort. J’étais dans un creux poisseux. Un camion-benne de tristesse. 

Incapable de décider si je dois oui ou non partir cette semaine. Vers un lieu associé à beaucoup de joie, de rires et d’amour, et aussi parfois, ces dernières années, de malaise et d’amertume. Je lutte maintenant pour m’y sentir (chez) moi. Et j’y reviens, sans cesse, malgré tout. J’ai du travail, et peu d’espoir de réussir à le faire une fois là-bas. J’hésite.

Je t’épargne la bouillasse de mes tergiversations. Peu importe finalement. 

J’en parle dans mes pages du matin. 

Premier jour : j’essaie vaguement de déceler ce qui me freine et ce qui me peine. J’y consacre à peine 6 lignes. Et j’étouffe bien vite. J’écris Allez, quelle que soit la décision, tout ira bien. J’essaie de prendre the high road, la grand-route, la tête haute. Je parle d’amour. Et je zappe, zou. 

Le camion-benne bat son plein. 

Deuxième jour: j’explore un peu plus. Je me pose des questions. Qu’est-ce qui a changé ? …. Quoi d’autre ? … Je chouine. J’étale ma plainte, mes doléances. Je réclame justice, réparation. Je me donne de l’espace. Je ne cherche pas l’attitude la plus noble. J’écris des pffff, des points d’exclamation. 

Je déverse mon camion-benne. 

J’écris.

Et les mots viennent enfin me souffler l’important : quand je suis là-bas, mes idées, mes envies meurent (…) Reste connectée à toi, tes idées, tes envies. Faire ton travail. Vivre ta vie. Ne pas te noyer, fuir dans le passé. Faire ma vie et ne pas prendre ce village pour alibi. Poursuivre les envies, les choyer. Le village reprendra sa place. Juste. Il faut que ce lieu – et sa compagnie – reprennent une juste place. Une place dans ma vie. Et non pas à la place de ma vie. 

Je sens mon corps inquiet se rassembler. Se raffermir. Et toute la tristesse se transformer. Non pas disparaître. Se transformer. En clarté.

Je sens mon regard se déplacer. Le problème se renverser. Je vois mieux l’enjeu. 

Je décide que les conditions, les bonnes raisons, pour y aller, tout de suite, ne sont pas réunies.

Je remets au premier plan de mes journées des choses qui comptent pour moi, qui m’aident à faire ma vie.

Je n’exclus pas d’y aller dans les prochains jours. Pour l’heure, je suis là. 

Et je chuchote merci, les pages du matin. Car sans les mots, sans les pages, je n’aurais peut-être jamais senti-compris. “Une place dans ma vie. Et non pas à la place de ma vie”.

Carnet libre

Faisons comme si je n’avais pas délaissé le blog depuis le mois de mars. Faisons comme si. Merci d’être là et de supporter les hauts, les bas, les parfois là, souvent pas.

Parmi les joies simples des dernières semaines, il y a mon nouveau carnet.

J’ai suivi un atelier « Carnet d’idées » qui préconise notamment de n’utiliser qu’un seul carnet. Un carnet unique, où tout se suit dans l’ordre chronologique. Même si les « entrées » n’ont rien à voir les unes avec les autres. On enchaîne, on juxtapose, on avance, on laisse venir, on titre, on date, on contextualise, et on fera si on peut un index. Et on a un objet qu’on va pouvoir feuilleter, re-feuilleter, annoter, explorer. Où on va pouvoir puiser.

Disposant alors de 4 ou 5 carnets actifs entamés, j’ai trouvé le concept très très pertinent. Les jours suivants, j’ai programmé un détour chez Rougier & Plé, et pris mon temps devant l’immense rayon des carnets de dessin. Passé le moment où je me suis sentie noyée devant tous les choix possibles, prête à boire la tasse de mon indécision, j’ai tranché pour le carnet…parfait.

Noir, simple, à la couverture pas lisse, épais, capable de tenir presque à plat une fois ouvert, des pages consistantes, un peu granuleuses, avec un dos me permettant d’y écrire mois-année-mois-année dessus quand il sera terminé. Sans lignes, comme l’atelier le recommande, pour garder plus de liberté sur la page. Une révolution pour moi qui ne jure depuis des années que par des carnets lignés. Et sans numéros de page, je réalise soudain, feignasseforever, que ce n’est quand même pas très compliqué de les ajouter manuellement au fur et à mesure.

J’en ai acheté deux, et je les ai glissés, très fière de moi – il m’en faut peu -, dans mon gros sac à dos ce jour-là. Le lendemain, j’ai commencé ce carnet baptisé « Carnet libre ». Tandis que je traçais en première page de grosses lettres au bic et stabilo, je sentais un large sourire se dessiner sur mon visage. Une petite voix jugeait : qu’est-ce que c’est laid, et ça sert à rien…franchement, Claire, les adultes ne font pas ça. Une autre petite voix s’extasiait. J’avais à nouveau 7 ou 8 ans, tenant mon premier journal à cadenas entre mes mains. J’ai refermé le Carnet libre après avoir écrit quelques lignes, et je l’ai serré contre moi, contre ma joue, comme un cadeau de Noël inespéré. J’avais à nouveau 7 ou 8 ans.

Depuis j’y note un peu tout, des bouts de journal – sans renoncer à mon journal tapé sur ordi -, des bouts de conversation, des citations, des inspirations, des étonnements, des to-do, mon best-of du mois, des pensées furtives, des listes de « j’aimerais », des plaisirs et des chagrins, tout ce qui veut exister.

D’avoir un espace, précis, où recueillir et récolter… eh bah…ça fait du bien !

Un lieu à la lisière du dehors et du dedans, plus tout à fait à l’intérieur de moi, pas tout à fait encore à l’extérieur. Au seuil de soi, au bord du monde.

Ajustements : au début, j’ai pensé que j’y ferai mes pages du matin, mais j’ai senti dès le premier essai que ça n’était pas le bon endroit. Pour les PM, je prends soit mon ordi soit un autre cahier, ligné cette fois. Et bien sûr, pour mes gros « projets » ou « activités », j’ai d’autres carnets : un carnet pour mon stage, un carnet pour les écoutes, et des carnets pour mes cours. Le carnet unique c’est pour…tout le reste ! Un beau vrac organisé. Comme le dit l’atelier, « creative chaos in chronological order ».

Voilà. J’ai un nouveau carnet. Il m’a procuré une joie simple et immense à la fois. Des retrouvailles avec ce plaisir oublié, cette légèreté solennelle du carnet à soi, de la vie joueuse, curieuse.

Quelques jours plus tard, je terminais enfin Libérez votre créativité de Julia Cameron (va savoir pourquoi, le livre m’était tombé des mains il y a quelques années, versus Big Magic que j’ai déjà relu 2 fois). J’y lis ce passage :

« La meilleure façon d’amener notre enfant artiste au travail, c’est de considérer le travail comme un jeu. La peinture, c’est un truc génial. C’est amusant d’avoir soixante crayons taillés. De nombreux écrivains n’utilisent pas l’ordinateur parce qu’ils préfèrent entendre le cliquetis réconfortant, sympathique, de la puissante machine à écrire qui avance, tel un poney au trot. Pour bien travailler, de nombreux artistes ont résolu leur espace de travail en le concevant comme un espace de jeu : des murals de dinosaures, des jouets de bazar, de minuscules miniatures de lumières de Noël, des monstres en papier mâché, des cristaux suspendus, des brins de feuille, un aquarium… »

Le même sourire, la même joie simple m’est remontée au visage en lisant ces mots : « c’est amusant d’avoir soixante crayons taillés ». Oui ! Puis en lisant « tel un poney au trot ». Oui !

Je me suis rappelée le plaisir quelques fois d’écrire avec la vieille machine à écrire à sortir délicatement de sa belle sacoche grise argentée. J’ai téléchargé une application sur mon ordi, « Loud Typer », qui imite le bruit d’une machine à écrire. Je ne l’active pas tout le temps. Mais quand je l’active, je me délecte du son affolé des barres à caractère dès que je tape au clavier, et de la petite cloche du retour chariot dès que je tape sur ENTER.

J’ai un nouveau carnet. Je suis curieuse de tout ce qu’il y aura dedans. J’ai à nouveau 7 ou 8 ans. Je m’amuse bien. Et les adultes ne font pas ça.

P.S. : Quelques heures plus tard, je re-découvrais ce générateur de mots aléatoires. Et voici le tout premier binôme de mots qu’il m’a proposé :

Choses aimées 23-17

Do not look outside of yourself for love. The only person who will stay throughout all that, with you, is you.
Love yourself as is. Do not ever demand from yourself another version. Stay with the present version of you, unconditionally.
Do not try to chase away some emotions, to make place for others. Recognize all of them as the jewels that they are.
The result: even as your sad self, you can be loved; even as your furious self, you can be loved.
This is giving yourself a special kind of hug. Only you can give yourself this kind of hug, one that leaves not a single mm of space between the hugger and huggee.
Leave yourself be.
Do not lie to yourself. If you hate yourself, hate yourself instead of pretending you don’t hate yourself. Don’t say something is all right if it isn’t all right. (…)
Suppress nothing. Unconditional love requires a total absence of fear.
Ithaka

Stay with the present version of you, unconditionally.

///

Lorsque j’arrive enfin à me lever en me disant « Allez, il est temps de faire des trucs », la première activité que j’entreprends est de lister l’ensemble des tâches que je souhaiterais accomplir. Je pense avoir ratissé la plupart des ressources sur le web qui décrivent comment rédiger une to do list précise et actionnable. J’aimerais toutefois partager une idée que je n’ai pas souvent lue et qui a radicalement changé ma perception des tâches à accomplir : les contextualiser avec les valeurs qui les rendent importantes pour moi.

Écrire une lettre à une amie me rattache à mon clan, passer l’aspirateur rend mon cocon réconfortant, payer mes impôts allège ma charge mentale, regarder un film qu’on m’a conseillé enrichit mon imaginaire, lancer une session de yoga me renforce, me vernir les ongles projette à l’extérieur qui je suis à l’intérieur, … Depuis peu je prends soin de relier chaque élément de ma liste de tâches aux valeurs associées, ce qui diminue drastiquement ma résistance à les compléter puisque je me rappelle du « pourquoi » c’est important pour moi. Cette mise en contexte m’apporte énormément de clarté, de motivation, et une satisfaction plus grande encore de cocher chaque tâche accomplie.
Hypothermia

je prends soin de relier

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J’essaye de ne pas censurer ce qui vient (ni sur la forme, ni dans fond, pour le dire vite, sachant que le dire ainsi n’a pas de sens). Ne pas juger. Ne pas dire : c’est débile, c’est enfantin, c’est mal écrit, encore un personnage de plus, qu’est-ce qu’on va en faire ? Bref, ne pas laisser le surmoi prendre le pouvoir. Le texte est stupide et hétérogène ? Eh oui, ça commence souvent comme ça. Ensuite, on retravaille. J’ai besoin d’avoir l’ensemble de la matière avant la fin de l’année, aussi : en avant !

Comme toujours, c’est peu, ce n’est presque rien. Mais ce peu, ce rien, finissent pas faire 100 pages, au bout d’un moment. Par ailleurs, la résidence à Arromanches m’a appris que, presque malgré moi, sans en avoir vraiment conscience, j’avais dessiné des lignes de force. Y croire. Continuer d’y croire.
Le semainier d’Anne Savelli

Eh oui, ça commence souvent comme ça. Ensuite, on retravaille.

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“I write because I don’t know what I think until I read what I say.” —Flannery O’Connor
Cité par The isolations journal

I write because I don’t know

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You can do hard things.
Be messy and complicated and afraid and show up anyway.

Ces deux phrases de Glennon Doyle m’aident depuis 15 jours, à faire ce que j’ai décidé malgré toutes les appréhensions et les petites voix (Tu vas être nulle ! T’es ridicule ! Qu’est-ce que t’en sais ? T’es folle ou quoi ?) qui tentent de me retenir.
Christie sur maviesansmoi

Be messy and complicated and afraid and show up anyway.

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My favorite kind of blog to read are Daily Bloggers. Just people giving a play-by-play of their lives.
I find it so soothing and relaxing to read. Their interests and daily activities. Listing and pointing to things they’re into, whether it be music (my fav), shows, or sharing thoughts that flit through their minds.
I also like it when they don’t have all the answers, as prescriptive blogs aren’t my jam. The more they write without an overactive filter, the better. It allows me to learn/discover things alongside them.
Veronique.ink

I like when they don’t have all the answers

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« I want to focus on how useful poetry can be in our daily lives. Poetry is one of the few art forms that has breath built right into it. It literally wants us to breathe, to pause for a moment and pay attention to what matters. Whether it’s a tree that we are asked to notice, a moment in time, or a lyrical wonder, it only wants us to listen, to slow down, to notice the mystery and awe of this human life. Perhaps more than ever before, these uncertain times require the humanity that poetry offers. »
Lu sur Violets

notice the mystery

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Des journées à soi comme il est nécessaire d’avoir un lieu à soi pour écrire. Ne rien voir, ne rien faire d’autres. Toute la journée. Corrections du texte écrit, reprises et ajustements. Peut-on parler de présence ? Le travail s’accompagne toujours de musique. Le fait d’écrire et la manière d’écrire. Revenir à l’assaut, mais buter toujours dessus.
Liminaire

Revenir à l’assaut

Entre les jours

Capture écran de Les lieux de Marguerite Duras partie II

Dans Les lieux de Marguerite Duras de Michelle Porte (1976), à partir de 49′ :

« C’est sans doute l’état que j’essaie de rejoindre quand j’écris. Un état d’écoute extrêmement intense. Les gens vous disent qu’on est là dans la concentration quand on écrit. J’ai le sentiment d’être dans l’extrême déconcentration. Il y a des choses que je ne reconnais pas dans ce que j’écris donc elles me viennent bien d’ailleurs. Je ne suis pas seule à écrire quand j’écris, mais ça je le sais. La prétention c’est de croire qu’on est seul devant sa feuille alors que tout vous arrive de tous les côtés. Evidemment les temps sont différents, ça vous arrive de plus ou moins loin. Ça vous arrive de vous, ça vous arrive d’un autre, peu importe : ça vous arrive de l’extérieur. Ce qui vous arrive dessus, dans l’écrit, c’est sans doute la masse du vécu si on peut dire tout simplement. Mais cette masse du vécu non inventorié, non rationalisé, et dans une sorte de désordre qui est tous les jours un désordre originel. On est hanté par son vécu, mais il faut le laisser faire. « 
(…)

« Elle est hantée comme un lieu hanté. C’est ça, Lol V. Stein. c’est quelqu’un qui chaque jour se souvient de tout pour la première fois, et ce « tout » se répète chaque jour, elle s’en souvient chaque jour pour la première fois, comme s’il y avait entre les jours de Lol V. Stein. des gouffres insondables d’oubli. Elle ne s’habitue pas à la mémoire, ni à l’oubli d’ailleurs. »

Choses aimées 23-10

“I wonder what is the point of saying anything at all.
However, simultaneously, this wondering is mixed with the need to say everything right now—otherwise it will be too late.”
Ithaka

the need to say everything right now
otherwise it will be too late

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“Une des choses qui nous permet d’être vivant et de survivre à ce qui nous arrive est la capacité de mettre ce qui nous arrive en récit. La souffrance et le chaos. Et ce qui nous apprend à nous mettre en récit, c’est lire. Parce que vous fonctionnez par imitation. Si vous avez les mots, beaucoup de mots, les phrases, les structures d’histoires, vous allez faire votre histoire, la compléter et l’enrichir, au fur et à mesure, de tout d’ailleurs, de vos lectures et de tout ce qui se va se passer dans l’existence. Et ça, vous l’apprenez en lisant.”
Marie Desplechin dans le podcast Bookmakers

mettre ce qui nous arrive en récit

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“Tout un livre peut provenir d’un seul mot brisé. Le mot est fermé, enveloppé, secret, enfoui : quelque chose doit apparaître de dedans — de l’intérieur du mot et pas du tout de l’intérieur de l’écrivain. Les mots en savent beaucoup plus que nous — mais il faut les prendre avec amour entre ses mains et les porter à son oreille. Les mots sont au sol, incompréhensibles et comme des noyaux. Je les ramasse, j’écoute dedans ; je les brise : apparaît une phrase, une scène, toute la construction respiratoire du livre.”
Valère Novarina, Devant la parole, Le débat avec l’espace (Éditions P.O.L, 1999) cité sur Jardin d’ombres 

les mots en savent beaucoup plus que nous

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“Une promenade sur le lac est prévue la semaine prochaine, voilà qui tombe bien. Pour écrire, nous avons besoin de matérialité, de sensations concrètes, même à avoir tendance à l’oublier, à faire comme si tout venait de soi, comme s’il fallait tout y puiser. Je sais que ces visites au lac sont rares, que c’est une chance — tout comme, pour moi, cette exploration sonore des ateliers des CAP. Tout accueil, pour l’écriture, est une chance.”
Semainier d’Anne Savelli

pour écrire, nous avons besoin de matérialité

///

M’attarder parmi les dormeurs ? Si parmi les dormeurs, j’inclus les sédentaires et les flemmards, voilà une préoccupation qui me taraude beaucoup. En quittant le village, j’éprouve vivement la présence de ces deux forces contradictoires : l’envie de marcher et l’appel du foyer. Quand une partie de moi rêve d’aventure, une autre traîne les pieds.
Je crois que cette force qui retient nos envies d’aventure de la même manière que la gravité empêche une fusée de décoller porte un nom : la domestication.
(…)
ce double phénomène qui consiste d’un côté à construire son petit nid douillet, et de l’autre à s’y asservir – à en devenir, littéralement, le domestique. Combien de temps passe-t-on à entretenir nos appartements plutôt qu’à cultiver notre jardin intime ? N’y a-t-il pas, dans la frénésie que nous avons à rajeunir sans cesse nos intérieurs, comme une envie de compenser un vieillissement qui nous échappe ?Un voyage d’hiver

l’envie de marcher et l’appel du foyer

///

toucher
à sa fin

vie et mort on ne voit pas bien
laquelle s’accroche à l’autre
comme un lierre

on n’a pas grand-chose à dire
là-dessus même si
on parle pour ne pas laisser
toute la place à la peur
la nuit
Poème d’Antoine Emaz

ne pas laisser toute la place à la peur
la nuit

///

“La poésie, késako ?
Et si elle était un passage secret parfois raccourci, parfois détour pour apprendre à se perdre ?”
Thomas Vinau

apprendre à se perdre

La chamade des vieux rêves

Décidément, c’est ma semaine “célébrités” – et tout particulièrement célébrités aimées ! Après Arthur vendredi dernier, je croise Edouard Baer hier. Et aujourd’hui, je prends un thé glacé à côté de Michel Leclerc, co-scénariste, (notamment) de Je suis à vous tout de suite et du Nom des gens, qu’il a réalisé. Je n’ai pas pu m’empêcher, en attendant, et même pendant, mon rendez-vous, d’écouter sa conversation avec les deux personnes qu’il retrouvait. 

Pas pu résister à l’envie de noter, sur mon téléphone et dans ma tête, quelques phrases au vol : 

j’aime filmer le travail, montrer le travail, comment naissent les idées (<3)
(…)
on écrit le scénario, et forcément ça veut dire faire des choix, il y a ce qu’on va raconter, et ce qu’on ne va pas raconter
(…)
on a des personnages avec leurs qualités, et leurs défauts, je crois qu’il n’y a pas de comédie sans les défauts
(…)
on peut inventer des scènes à l’intérieur d’une histoire vraie
(…)
on peut rater

J’entends parler de documentaire, de fiction, de scénario, d’écriture, de questions et de convictions aussi. Mes oreilles en éveil, mon cœur à mille à l’heure.

C’est la chamade des vieux rêves. Écrire, co-réaliser un film. En un peu plus de vingt ans, il y a eu des idées griffonnées sur des carnets, d’autres tapées à la hâte sur des fichiers. Il y a eu un atelier scénario abandonné. Il y a eu, je l’oublie chaque fois, des candidatures réussies pour entrer à la fac dans des masters documentaire – et oui, ça existe ! Et je l’oubliais carrément jusqu’à maintenant en écrivant ces lignes, il y a eu un petit tournage grâce à une amie, des images finalement jamais montées, restées sur des cartes SD. 

Bon, ça revient régulièrement, tous les ans, de nouvelles idées, griffonnées sur de nouveaux carnets, des promesses à moi-même, un jour peut-être, et pourquoi pas cet été, oh et puis finalement.

Le rêve, pas la réalité.

Je n’ai jamais sérieusement fait quoi que ce soit de ce rêve-là, jamais poursuivi l’envie, mais je l’ai gardé toujours près de moi. Je continue de penser qu’un jour, pas peut-être, c’est sûr, j’essaierai. 

Et chose étrange : je le vois de moins en moins comme un rêve concurrent de mes autres projets – en l’occurrence mon autre projet, le principal actuellement, devenir psy du travail, j’ai de plus en plus le sentiment que ces chemins se croisent un peu plus loin, qu’il y a du lien.

En écoutant Michel L. et ses interlocutrices, le mot qui m’est venu : c’est un signe. Je ne crois pas aux signes de l’univers, non. Je crois en revanche au battement du cœur, comme signe, signal de ce qui continue de vivre en soi, des vieux rêves qui ne meurent pas. Aujourd’hui, je n’ai pas pu m’empêcher d’écouter.

L’astuce des jours perdus

Je n’arrive pas à travailler. Je m’agace. 

Je n’aime pas les rendez-vous en plein milieu dans l’agenda. Rendez-vous à 11h, la matinée est tronquée, alors que c’est mon moment préféré, et j’ai le plus grand mal à me remobiliser l’après-midi, après déjeuner. Ça sent la journée perdue.

La to-do list est pourtant bien dodue. Par quoi commencer ? Tout paraît urgent. Autant dire que rien ne l’est. Des livres sinon ? Quitte à ne pas travailler, autant bien employer mon temps. Lequel attraper ? Tous paraissent tentants. Ridicule d’être figée comme ça, comme si n’importe quel choix serait le mauvais. 

La dernière fois que je me suis sentie comme ça, c’était pendant les vacances de Noël, et j’avais trouvé un joli remède à ma léthargie, inspirée du collage au lancer de dés d’Anne-Marie Jobin

J’avais numéroté 6 tâches de travail, et 6 activités de détente.
Puis je lançais le dé, en décidant d’avance si ce serait pour le travail ou la détente.
“2” : c’est parti, je m’attèle à la tâche n°2.
Je relance le dé pour décider combien de temps j’y passerai.
“4” : c’est parti, je m’attèle à la tâche n°2 pendant 40 minutes.
Quand les 40 minutes sont écoulées, je lance le dé pour m’attribuer une activité de détente, et savoir combien de temps j’y passerai.
Rien de contractuel, hein : si finalement, dans un bon élan, je me sens de passer 120 minutes au lieu de 40 sur une tâche, let’s.

Je reconnais que c’est vraiment l’astuce ultime des jours perdus. Des jours où les désirs, la volonté, et le sens des priorités ont l’air d’avoir déménagé sans prévenir sur la planète d’à côté.
Où on veut tellement tout faire en même temps, qu’on ne peut plus rien faire.
Où on regarde médusé-e l’heure tourner, et la confiance en soi se rouler en boule sous le canapé.

Une astuce pour les jours comme ça.
Une astuce que je crie pas trop sur tous les toits.
Sauf là. Au cas où ça pourrait servir à quelqu’un d’autre que moi.
Au cas où ça pourrait me servir à moi.
Un dé pour l’indécise, lancer pour s’élancer.

Roll the dice.

P.S.: Et chouette bonus de l’astuce, il se peut que tu te surprennes à murmurer tandis que le dé roule « trois, trois, faites que ça tombe sur trois ». Bonne nouvelle ! C’est qu’au fond, tu n’as pas besoin du dé, tu sais très bien ce par quoi tu préfères commencer.

Dare-dare

Ce soir, j’ai tenté un poème fondu à partir des pages 30 et 31 du livre le plus près de moi : un bouquin de psycho du travail (what else). Je ne suis pas convaincue des arrangements que je fais. On y trouve sur ces deux pages de jolis mots pourtant : il y a coeur, voyageur, travail, plaisir, courage, habitudes, errer, parler, transformer, engourdi, samedi. J’y reviendrai sûrement.

Je réalise ce soir que les deux auteurs qu’on étudie le plus dans mon cursus adoooorent citer des écrivains. (Sur cette page 30, c’est un dialogue de Duras qui y passe). Extase suprême quand les passions comme ça s’entremêlent !

Allez, trois choses chouettes aujourd’hui :

– regarder le jardinier travailler dans la très belle cour d’honneur du lieu où je bosse en ce moment. J’aimerais pouvoir nommer les plantes, arbres et arbustes qui sont là mais à part des cerisiers pas encore en fleur, je peux juste dire que je les aime sans les connaître. Je regarde donc le jardinier, et j’admire les gestes, le soin, ce qu’il faut doser de force et de délicatesse.

– rentrer et m’attaquer dare-dare à ce document à préparer pour jeudi, dans le cadre d’un de mes cours : je n’ai même pas eu le temps de me dire fais-le, je le faisais. Plutôt rare et joyeux quand il n’y a presque aucun écart entre l’intention et l’action. Effort strictement dactylo, zéro intello, mais ouf, quand même, c’est fait, c’est propre.

– marcher 35 minutes aller, en montée, 30 minutes retour, en descente, vu qu’il n’y avait pas de métro – et tant mieux ! – , tenir ferme l’écharpe, sentir la vie dans mes jambes, longer le PL, savourer les verts, gris, roses des arbres et des fleurs – là encore oups je ne saurais rien nommer, mais ça n’empêche pas d’aimer.

D’essayer vraiment

Toute la journée, au boulot, j’ai pensé ce soir ce soir je pourrai lire, écrire, transcrire. vivement ! patience !

Me voilà rentrée et je n’ai plus envie de rien. Sauf peut-être manger des granolas. J’allume quelques lampes dans l’appart tout gris, et je m’enfouis dans le plaid et l’oubli. Alors que je veux taper sur mon clavier pour chercher un abri avec du son et des images, un film, une série, quelque chose de familier que je pourrais voir sans regarder, je sens mes mains trembler. Légèrement. Est-ce que c’est le froid ? Ou est-ce que ce sont les milliers de CTRL+C, CTRL+V, CTRL+S, clic gauche, clic droit, qui ont eu raison de mes doigts ? J’ai des centaines de lignes excel dans les yeux, elles défilent blanches, vertes, inarrêtables, infatigables, elles m’attendent, car je reviens demain.

Hébétée.
Abrutie.
Me voilà bien.

Il me faut un peu de temps, 2 décas et 3 granolas, pour me rappeler.
Ce que je voulais publier. Et comme ça tombe à pic.

Aujourd’hui, je voulais dire quelque chose de très simple. Récemment, je chouinais intérieurement à propos du cœur à l’ouvrage, chépa quoi faire, chépa quoi écrire, la newsletter, le blog, et à quoi bon après tout, et pfiou, et ça vient pas, etc.- un moment rare, car je ne suis bien sûr d’ordinaire et de la tête aux pieds, que joie, bonheur, félicité.

Et je me suis regardée, droit dans ma mauvaise foi : mais oh qu’est-ce que tu fais concrètement ? est-ce que tu essaies vraiment ? quel temps, quelle énergie, quel effort, quel soin tu y mets ?
La réponse devait se trouver à la pointe de mes souliers car c’est là que mes yeux, rendus à l’évidence, se sont baissés.
Je n’essaie pas.
Je ne m’y investis pas.
J’attends que ça me tombe dessus. La bonne idée, la bonne phrase, la cohérence, la grâce, la régularité.
Je viens, je vois que rien ne me tombe dessus, je repars.
Je n’essaie pas vraiment.
Je n’ai pas vraiment essayé.

Mon temps, mon énergie, mes efforts, j’ai choisi de les mettre ailleurs.
J’ai pensé que cet endroit devrait se faire tout seul, s’offrir à moi, clé en main, charmante demeure où poser mes fesses et manger tranquillement des granolas, où des centaines de lignes de texte défileraient inarrêtables, infatigables, sans y mettre une goutte d’ardeur, où les mots, les idées n’auraient qu’à se CTRL+C, CTRL+V depuis la source magique de ma créativité.
Fondée sur un pareil postulat, autant dire que la charmante demeure se transforme vite en maison-témoin.

Oui, la vie est super simple parfois.
Quand tu n’essaies pas, il se passe rien.

Alors ce soir, quand je me suis entendue, un biscuit craquant sous la dent, dire que je n’avais plus envie de rien, pas même d’écrire, je me suis rappelée que ça se jouait là, exactement là. C’est à ce moment précis où tu as une super excuse, la fatigue d’une journée abrutissante, et aucune obligation de le faire, qu’écrire est la seule chose à faire. Et ça ressemblerait à ça d’essayer vraiment.

Choses aimées 23-09

“non, je pense pas que j’aie des choses à dire, de belles choses qui chatouillent les beaux sentiments, des questions qui soulèvent la poussière des idées reçues, des réponses qui soulagent les angoisses des insomniaques, un message d’une quelconque sagesse à transmettre au monde (…) non, vraiment, je pense pas qu’il vaille encore la peine de tenter quoi que ce soit, tout ce que j’écris est plat, ridicule, absurde, pathétique, ordinaire, ennuyeux, je pense pas qu’il soit utile de continuer, je pense vraiment que je vais m’arrêter là”
bastramu, je pense pas #10

la peine de tenter quoi que ce soit

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“Also, on another note, I’m unsure if continuing to blog is for me anymore. I’ve put a lot of effort into this little site, and it seems to be going nowhere.
I know, I know…blogging should be for yourself first, but…BUT I just don’t know anymore. I guess it’s just one of those days where I feel like my creative pursuits are just a waste of effort, time, and energy.”
Veronique.ink

it seems to be going nowhere

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“Maybe that’s what all these divorces were about. We watch ourselves and our spouses change, and the work is to constantly recall the reasons why you did this in the first place. You mistake the person closest to you for your misery. You think, « Maybe if I excised this thing, I’d be me again. » But you’re not you anymore. You haven’t been you in a long time. And it’s not his fault. It was always going to happen. And what were you gonna do with the fact that time was gonna march on anyway? What were you gonna do with the fact that you couldn’t win this fight. That was the problem. You were not ever going to be young again. You were only at risk for not remembering that this was as good as it would get in every single moment. That you are right now as young as you will ever be again.”
Fleishmann is in trouble, épisode 8

you are right now as young as you will ever be again

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“Sometimes we are so confused and sad that all we can do is glue one thing to another. Use white glue and paper from the trash, glue paper onto paper, glue scraps and bits of fabric, have a tragic movie playing in the background, have a comforting drink nearby, let the thing you are doing be nothing, you are making nothing at all, you are just keeping your hands in motion, putting one thing down and then the next thing down and sometimes crying in between.”
Lynda Barry, citée par Austin Kleon

let the thing you are doing be nothing

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“Stop NOT writing. Just do it, badly. Just write the thing you need or want to write, that you are avoiding. That avoidance is costing you greatly, isometrically, and in general well-being. So can you find one measly hour, to write, badly?”
Anne Lamott citée par advicetowriters.com

stop NOT writing

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“whatever you think is boring or ugly in your photograph today might quite possibly be the most interesting thing about the photograph in the future.
Knowing this, I am inclined to go the other direction and do my best to imperfect my memories: leave in all the things I’m supposed to crop out. (This is why I leave in all the dumb, mundane crap I do every day in my logbook: what I have for lunch, meetings, what I watched on TV, etc.)
I try to remember that I have no idea today exactly what I’ll want to remember about today in the future.”
Austin Kleon

leave in all the dumb, mundane crap
I have no idea what I’ll want to remember

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“Un mot sur mon prochain livre, et je vais à nouveau citer Dylan : “en bonne partie, écrire des chansons consiste à les améliorer”.

C’est la même chose pour l’écriture de romans ! Je vous disais la dernière fois que le premier jet avançait bien. Avant même de l’avoir terminé, me voici parti dans la rédaction d’une nouvelle version. Ne me demandez pas quelle est ma méthode : c’est une horreur et un véritable chaos. Mais, espérons-le, il y aura bien un livre à la fin !

Certains jours, je suis satisfait de ce que j’ai écrit, d’autre fois, je suis face à la page blanche, incapable d’avancer. J’ai une image idéalisée du livre à venir, et je sais que je pourrai au mieux m’en approcher, sans jamais l’atteindre. Souvent, ce qui me touche le plus dans une œuvre, ce sont les imperfections. Je dois m’en souvenir dans mes moments de doute. Et apprendre par cœur cette phrase de Sophie Divry : “le roman trouve son épanouissement dans une certaine impureté.””
 Rien que du bruit #60 de Philippe Castelneau

écrire des chansons consiste à les améliorer

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Ça me fait grand bien de réparer (faire réparer) des choses ; ça me donne de l’espoir, alors que je me sens toute cassée à l’intérieur sans trop savoir comment repriser ça. Courir derrière les escargots. Ralentir. Respirer.
Journal de février (2) d’Amélie Charcosset

l’espoir

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“Hope will find you standing naked in the soft swathes of light that arrive through a 1am window, and it will watch your defences unfold and surrender.
(…)
Hope will propel you forward, out of the familiar space you have occupied for so long and into the great unknown. It will rest it’s hand gently on yours, and listen to the way your breathing betrays your words and reveals your heart; every exhale leaving you clean and ready to start again.”
Sarah Moses

ready to start again

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On parle aussi de pourquoi c’est difficile d’écrire (car toujours ça me revient : bon, en réalité, qu’est-ce qui est si compliqué, dans le fait d’être sur son ordinateur sur un canapé avec une tablette du chocolat pas loin à faire un truc que personne n’attend et dont personne n’a besoin, pourquoi est-ce que ça se révèle si complexe ??), et de pourquoi on le fait quand même.
(…)
Maaï m’écrit qu’elle a fini sa thèse. Je n’arrive à lui répondre qu’une longue ligne de points d’exlamation. Yeeeah. Je me dis que moi, je pourrais au moins essayer de (commencer et) finir ma newsletter (lol). Chose faite. C’est bon, un entourage qui tire vers le haut.
Journal de février (2) d’Amélie Charcosset

je me dis que moi je pourrais au moins essayer

À partir de là

J’adore cet endroit. Le matin, il est surtout peuplé de gens seuls, la plupart avec un journal, un café, de grandes pages dépliées sur le comptoir doré. Une vieille dame drapée de rides et de vêtements noirs gratte sans fin ses tickets de jeu, une femme en pantacourt parcourt le Monde des Livres, un couple, quoi, quinqua ?, lit côte à côte, deux hommes, trentaine, quarantaine, se saluent et commandent sans trop parler, les pieds repliés sous le tabouret, une vieille dame en manteau léopard étale la presse anglaise sur une table pour quatre, puis téléphone en haut parleur avec des mots comme empoisonnement et coloscopie, un vieil homme déboule avec son caddie rouge, et fait tous les efforts du monde pour se glisser, le dos courbé, entre deux tables : non non non ne bougez pas. Un groupe de jeunes filles étrangères s’extrait de la petite pièce du fond pour payer l’addition, j’imagine devant elles toute une journée d’exploration. Paris. Puis je l’aperçois, au fond à gauche, rassembler manteau et sac à dos, se diriger lui aussi vers le comptoir pour payer : le chanteur de Feu! Chatterton, Arthur. Je réprime ma joie de le voir, de le croiser, en vrai, je retiens mon sourire, et tiens fermement ma tasse de café dans laquelle je plonge mon nez, mes yeux, mon corps tout entier. Je fais comme si de rien n’était, et j’ajoute silencieusement Arthur à ma liste étonnante des « célébrités croisées ».

Puis la chaise en face de moi est occupée. L’amie A. me parle de sa semaine étrange, suspendue, de ce qu’elle attend – ce sont ses mots – depuis 15 mois, de ce qui n’arrive pas. Je suis heureuse qu’elle m’en parle, ça n’est pas toujours le cas. On a tort, pour une grossesse, de parler d’attendre un enfant. L’enfant est là. Attendre un enfant c’est autre chose. C’est ce que vit A., et beaucoup d’autres. Ce que je ne feindrai pas de comprendre tout à fait car je n’ai pas ce désir-là. Mais ça ne m’empêche pas de voir et de sentir combien ça peut être pesant, éprouvant. D’attendre un enfant.
L’amie A. m’écoute aussi, parler de mon boulot à temps partiel, du projet de stage qui se concrétise, de mes cours, des écoutes. Elle comprend l’importance de chacune de ces choses pour moi, et je me dis : quelle chance.

J’adore cet endroit. Dans ce café, ce matin, je me sens en sécurité, dans ce café, ce matin, j’aime Paris. J’oublie un moment la peur, dans la rue, de jour, de nuit. J’aimerais que ça disparaisse. J’aimerais revenir à « avant ». Avant, quand j’écrivais dans un carnet merci *lenomdemarue*, si heureuse d’y avoir emménagé. Avant les événements. Mais on ne peut pas revenir à avant. Je me manque ces temps-ci, je repense en boucle à dix ans plus tôt, aux mots que j’écrivais, et à ce que je faisais. Tout était différent. On ne se « récupère »pas, on ne se « retrouve » pas. Certaines choses nous changent définitivement. En bien aussi. Ce n’est même pas la question, en bien en mal. Il n’y a juste pas de retour à la normale car il n’y a pas de normale. Et je ne peux que regarder devant, autour de moi, et prendre la joie. La mosaïque au sol, le pain au chocolat, le Monde des livres sur un comptoir doré, Arthur dans son grand manteau, l’amitié, l’écriture, les matins, le soleil, le café. Je ne peux que créer à partir de là, maintenant, depuis cet endroit. Il n’y a pas de pèlerinage possible, pas de sauvetage. Rien à ressusciter. On ne peut que créer.