Choses aimées 23-20

“J’écris ce poème avec de la fumée
Avec du sable avec de l’ombre
Mes mains s’enfoncent dans la neige
Sans jamais rencontrer la terre
Mais tout à coup le vent disperse la poussière
La poussière du poème”
Extrait du poème “Dernier cri” de Christian Bachelin, lu sur https://schabrieres.wordpress.com/

avec du sable avec de l’ombre

///

“Danser c’est altérer le vide.
Pourquoi inscrire un mouvement dans le rien ? […] […]
Elle se sent intruse. Depuis toute petite.
Alors elle danse. Il faut qu’elle trace, avec son corps, les lignes qui permettent d’intégrer l’espace. Seule la beauté du mouvement peut la sauver.
C’est sa façon de trouver place dans la vie.”
Extrait de Laver les ombres de Jeanne Benameur, lu sur Grignotages

altérer le vide

///

“Tout fait événement
pour qui sait frémir”
Jean Follain, D’après tout, Gallimard, cité dans la lettre l’Intimiste

pour qui sait frémir

///

“Boire du thé le matin pour le petit déjeuner à la maison. Et penser que je suis à l’hôtel. Tout est calme. Juste le haché de la pluie sur les cerisiers de Yoshino.
Il faut sortir pendant pendant qu’il pleut.
Les herbes et les mousses sont mouillées. les pèlerins avec leurs parapluies ouverts marchent le long de la rue trop étroipte pour un trottoir. En file indienne.
La porte ouverte du torréfacteur, laisse échapper l’odeur des grains de café.”
Karl sur Carnets de la Grange

il faut sortir pendant qu’il pleut

///

“Il n’y avait pas péril immédiat à rester où j’étais. L’appartement était lumière, calme, les oiseaux venaient nombreux s’alimenter aux diverses boules accrochées là et là. Un matin, j’ai pourtant bien entendu cet appel me disant de partir pour chercher cet « abri qui n’épuise point ». — Pas par caprice, par vitalité.”
Anna Urli-Vernenghi sur cet air de rien

par vitalité

///

“When we’re young, or the project is going really well, it’s easy to waste the good days. After all, there will be another one tomorrow.
What becomes clear, though, is that good days are precious. When you’re feeling even a little creative, don’t wait. Write it down, roll tape, speak up. When you’re feeling reasonably healthy, go for a walk.
They’re all good days, if we choose.”
Seth Godin sur son blog

don’t wait. write it down. go for a walk

///

“If you love what you’re trying to do, it seems like believing in yourself wouldn’t be too much of an issue beyond the standard self-doubt and skeptical inquiry involved in all creative pursuits. There would be no choice other than I really gotta make this. I gotta make this thing, even if it sucks. That’s how I feel about drawing and writing. I gotta make it. I just gotta make it. I can’t concern myself with whether I believe in it or not.”
Anna Fusco dans sa newsletter

even if it sucks

///

“What are you spending your time on that doesn’t matter? Why are you spending time on it? How can you stop?
What are you not spending time on that does matter? Why aren’t you spending time on it? How can you start?”
Mark Manson dans sa newsletter

spending time on it

///

“Je vois passer beaucoup d’articles sur comment se mettre au travail, comment mener à bien ses projets d’écriture, mais nous avons besoin de silence, j’ai besoin de silence, et ne pas écrire est une bénédiction. Pourquoi faudrait-il produire quand aucune nécessité ne s’impose ? Il en va de l’écriture et des arts comme une fin en soi, alors qu’ils ont pour fonction d’intensifier la vie. Quand je manque d’énergie, je me tais. Je monte sur mon vélo et me perds dans la lumière. Peut-être que je ne suis jamais autant artiste que dans ces moments.”
Extrait du carnet d’avril de Thierry Crouzet

oups !

///

“I will say, that if you look at the people in the past who produced great work, a lot of them gave themselves idle time, time to do nothing, time to rest, time to just daydream and “fart around,” as Kurt Vonnegut put it. There’s a tinkering, puttering, playful element to all good creative work. I’m heartened by how many of my creative heroes took a lot of naps, for example, I feel strongly that my laziness and my productivity are deeply connected, somehow. If you need permission, think of how every company has an “R&D” department. You have to give yourself time for research and development! And “Development” might include taking a nap.”
Austin Kleon interviewé par Rob Spillman

my laziness and my productivity are deeply connected

///

“Depuis la fin des ateliers, j’ai décidé de me rendre une fois par semaine à la Maison de la poésie, à Paris, quelle que soit la programmation, autant pour soutenir des amis que découvrir des inconnus. Pour me décentrer, m’arrimer : les deux. À poster ces photos de Marilyn prises à l’Actors studio que le mot méthode a fait surgir, je comprends qu’il s’agit aussi de me sentir, comme elle, prise dans un groupe quand j’ai l’impression de piétiner.”
Anne Savelli dans son semainier

me décentrer, m’arrimer. quand j’ai l’impression de piétiner.

///

“Chaque lundi matin, lorsque je fais mon bilan de la semaine (lorsque je peux le faire, je viens de recommencer aujourd’hui après plusieurs semaines d’arrêt), une des questions que je me pose est « what are the things that I am looking forward to ? »

Quand je ne sais pas quoi répondre à cette question, je me programme un « petit » artist date – je me le programme de toutes manières, mais là j’essaie d’en programmer un qui m’enchante. Tu sais les artist dates, mes mini aventures en solo, pas loin de là où je me trouve, auxquelles je consacre de une à deux heures par semaine !”
Christie sur maviesansmoi

things I am looking forward to

L’année en beauté

L’année se termine et convoque des promesses de nouveau départ, des envies de bilan, d’inventaire, une petite musique de réjouissance et de mélancolie. L’année se termine, on veut pouvoir en saisir quelque chose, s’en faire une idée, en tracer des contours, et esquisser un peu de ces lendemains à venir. Sentir que le temps ne passe pas sans nous, qu’on y peut quelque chose, qu’on en fait quelque chose. 

Voici mes outils favoris pour ce passage d’une année à l’autre  : 

La liste des 100 choses qui ont fait l’année 

C’est un rituel d’Austin Kleon. Il dresse une liste de choses qui ont fait son année. J’ai tout de suite aimé l’idée, mais je ne soupçonnais pas la puissance de l’exercice. On peut y mettre tout ce qu’on veut, et on peut bien sûr dépasser le nombre de 100 : la mienne contient des choses faites, des gens, des choses aimées (lues, entendues, vues, goûtées, senties), de courts instants, des bonnes et des mauvaises habitudes, ce qui a pris de la place, ce qui a manqué parfois, des hésitations, des franches décisions, des sensations et sentiments, des achats judicieux, des bêtises qui m’ont fait rire. On pourrait craindre d’être submergé-e de nostalgie ou de regrets, et c’est tout le contraire qui se produit.  Il y a l’effort de mémoire, soutenu par des traces à explorer (notes dans les carnets, agenda, favoris internet), et vite remplacé par la surprise des souvenirs oubliés qui rappliquent. Il y a la merveilleuse découverte de ce qui a compté, des nuances de couleur, on peut voir combien l’important se niche aussi dans les détails, dans cet ordinaire, voire infra-ordinaire, qu’on disqualifie trop vite dans les bilans classiques échecs/réussites. La liste des 100 choses qui ont fait l’année est un instrument  fabuleux pour révéler l’épaisseur cachée de la vie, pour mettre en relief “ce qui se passe quand il ne se passe rien” comme le nomme Georges Perec. Fais-le, ça fait un bien fou ! Sans parler du plaisir étonné de relire cette liste les années suivantes.

Choses réussies, choses ratées, et choses apprises

Plus classique, mais très efficace. Liste 3 choses réussies, choses dont tu es fier·ère, et note : qu’en as-tu appris, qu’est-ce qui t’a aidé, qu’est-ce qui a permis, facilité ces réussites-là ? Puis liste 3 choses ratées, et note : qu’en as-tu appris, qu’est-ce qui a fait obstacle, qu’est-ce qui a provoqué l’échec, empêché la réussite, l’aboutissement ? À nouveau, le chiffre 3 est une façon de circonscrire l’exercice. Pour ma part, j’y mets plus ou moins de choses selon le besoin. J’ajuste de sorte que le “bilan” me soit vraiment utile. Attention : on ne s’apesantit pas sur une liste sans fin des projets pas finis, des erreurs qu’on a faites, en se tapant sur le bout des doigts, et on se concentre sur ce qu’on a appris de ces expériences. C’est riche d’enseignements ! Prends un quart d’heure, fais-le, ça vaut le coup. Surtout pour pouvoir faire l’exercice suivant. 

Trois mots pour l’année à venir

C’est un outil de Cécile Bayard qui propose depuis plusieurs années un challenge pour faire le bilan de l’année passée et fixer ses objectifs de l’année suivante. (L’exercice précédent en est partiellement inspiré). Après avoir fait une sorte de bilan échecs/réussites donc, et avant de travailler ses objectifs, elle propose de se donner un cap pour l’année à venir, des intentions, sous la forme de trois mots, qu’on peut accompagner de trois images. Trois mots, qui nous parlent, qui vont nous guider, éclairer nos nuits, nos doutes, nos tempêtes, qui vont baliser le chemin, et nous rappeler ce qui est important, dans quelle direction on veut aller. Ils pourront changer. Pour l’heure, choisis-en trois. J’ai choisi les miens après avoir fait l’exercice précédent donc, ils sont arrivés vite, ils ont tout de suite porté la chaleur de mots-compagnons, ajustés, adéquats, simples, porteurs, moteurs. Nul besoin de chercher des mots exceptionnels, des mots compliqués, choisis-les, laisse-les te choisir. Je les ai avec moi pour l’année qui commence, à la fois soutien et horizon. 

Quelques exemples (je ne les ai pas tous retrouvés) :
Pour 2019, j’avais se reconnecter, s’éclater, créer
Pour 2021, j’avais cœur, fantaisie, vitalité 
Pour 2023, j’ai corps, liens, écriture

La liste des 101 désirs

C’est un outil que j’ai essayé ce printemps, et je le trouve plutôt approprié pour débuter la nouvelle année. Je l’ai découvert ici, je t’invite à lire l’article en entier, et particulièrement les règles pour rédiger cette liste de 101 désirs : notamment les formuler en “je veux”, de façon positive, et concrète, éviter les désirs en série, et ne pas demander pour d’autres personnes. Il est préconisé d’écrire d’abord 150 désirs en brouillon, puis d’en choisir 101 et de les écrire au propre, et enfin de les relire chaque jour. Bon, de mon côté, je n’avais pas dépassé 56, je n’ai pas ré-écrit ma liste, et je n’ai pas relu chaque jour mes désirs. Bouh, la mauvaise élève. Mais je suis tentée de recommencer, d’essayer de suivre cette fois les consignes, car le simple fait d’écrire ces 56 désirs, dans les contraintes d’écriture indiquées, avait suscité déjà un énorme regain d’énergie et de détermination, une exploration profonde et surprenante, et la réalisation effectivement assez rapide de plusieurs désirs listés. Essayons ! Je ne sais pas si j’arriverai à 101, sans même parler de 150, mais le plus important je crois sera surtout de relire régulièrement.

La lettre à l’année passée

L’équipe de livementor dans son défi “Planifier et réussir son année” suggère cet exercice : en quelques minutes, écrire une lettre à l’année 2022 (inspiré de la méthode Journal Créatif d’Anne-Marie Jobin). En écriture spontanée, c’est-à-dire le plus vite possible sans réfléchir, sans s’arrêter. Et en écriture superposée, c’est-à-dire en écrivant par-dessus chaque phrase afin de les rendre illisibles. L’objectif est de se libérer, “d’y mettre toutes vos émotions, jugements, ce qui vous dérange, ce qui vous a plu, nourri, etc.”. Puis donner un titre : un mot qui représente cette relation avec l’année passée. J’ai donc mis un chrono de 7 minutes comme suggéré, et j’ai écrit cette lettre en écriture illisible. Hormis le plaisir de l’écriture superposée (et la joie donc de découvrir les techniques d’Anne-Marie Jobin), de savoir que personne ne peut relire, pas même soi, et de pouvoir décharger tout ce qui vient, je n’ai pas ressenti grand-chose avec cet exercice. Peut-être que 7 minutes ne suffisaient pas. Peut-être que les autres exercices cités plus haut avaient déjà fait le job. Je voulais en tout cas te partager cet outil supplémentaire, au cas où il te serait utile. 

Raconte-moi tes expériences avec l’un de ces outils !

Et, dis-moi, quels sont tes outils préférés pour finir et commencer l’année ? 

Le blues des projets qui prennent fin

C’est la fin d’un parcours de formation que j’ai entamé en septembre dernier. Le dernier module s’est déroulé lundi et mardi, il ne reste « que » les évaluations.

À l’heure de partir mardi soir, chacun·e résistait à sa façon : en rangeant lentement et soigneusement ses affaires, en ralentissant sa marche dans le couloir, en ouvrant de grandes discussions vouées à durer jusqu’à l’aube, en planifiant déjà les rendez-vous, les retrouvailles, des prochaines semaines et prochains mois.

Les deux jours, comme tout le parcours, avaient été incroyablement denses d’émotions et d’apprentissages. Et s’en aller, tourner cette page, c’était un point dans le temps. Un point qu’on avait envie de faire tout petit, tout insignifiant, ou transformer en trois petits points et « lire la suite ».

Pour clôturer, la conceptrice et formatrice du parcours a mis en place plusieurs choses dont une que j’ai envie de vous partager car je l’emporte avec moi.

Lors du premier module, nous avions répondu, en petits groupes, à ces questions :

-Ce qui sera important pour moi pendant ce « voyage »
-De quoi j’ai besoin, de la part des autres, pour donner le meilleur de moi-même (sic)
-Comment je peux contribuer à son succès
-Ce qui pourrait être difficile pour moi
-Ce qui facilitera mon chemin

puis inscrit nos réponses sur des paperboards.

La formatrice avait conservé les feuilles. Elle les a collées au mur de la salle ce dernier jour de formation et nous a invité.e.s à cocher parmi les réponses ce qui, pour nous, avait été vrai, atteint, vécu.

J’avais adoré prendre le temps de répondre à ces questions lors du premier module, et j’ai adoré prendre le temps de les revisiter lors du dernier.

Dans mon précédent job, j’ai à deux reprises porté des projets qui ont occupé tout mon temps, mon corps et mes pensées, et j’ai souvenir :

– au lancement du projet d’avoir frénétiquement arpenté le web pour savoir par où commencer. Je n’ai pas été déçue : ça déborde d’outils et de bons conseils pour lancer, planifier, structurer. Des rétroplannings, des matrices, des templates de comptes rendus de réunions, des critères et des indicateurs, d’innombrables codes couleur. Presque rien de tout ça ne résiste au réel du travail une fois qu’il est engagé, et on garde dans les archives de ses dossiers pas mal d’excels laissés en friche.

– à la fin du projet d’avoir ressenti un vide immense et vertigineux. Un apéro tapas avec les collègues pour célébrer et puis le lendemain, continuer comme si de rien n’était.

Planifier, on sait faire. Célébrer, on sait faire (même si on ne le fait jamais assez).

Mais il manque souvent un espace, un pas de côté, pour exprimer et nommer tout ce que le projet va représenter pour soi, pour nommer ses attentes et ses besoins, ses ressources et ses défis. Un espace à revisiter quand le projet se termine ou se transforme.

L’exercice de Lynne, je l’emporte donc avec moi pour mes projets en cours et à venir. Pas besoin d’y consacrer trois semaines d’intenses réflexions. Prendre un quart d’heure, une heure, le faire seul·e ou en conversant avec quelqu’un. S’offrir ça.

Et toi, est-ce que tu prends le temps de te poser ces questions-là ? De « te poser » tout court en fait ? En mettant de côté les petits problèmes de syntaxe, est-ce que ces questions te parlent ou est-ce que tu aurais envie de créer tes propres questions ?

Si tu veux partager tout ou partie de tes réponses pour l’un de tes projets, tu peux le faire en commentaire ci-dessous, j’ai hâte de te lire !

À la chasse aux grands oui

Hier, certitude absolue après quelques jours de doute : je renonce à l’un des cours du soir auxquels je m’étais inscrite la semaine dernière. Un mail au bureau des inscriptions, un mail à mon groupe de travail, un mail aux enseignants : trois petits mails et c’était plié. Facile une fois la décision prise. 

Le cours s’annonçait passionnant, j’allais apprendre plein de choses sur comment on apprend justement, sur différentes modalités pédagogiques à mettre en œuvre, et sur la réflexivité et l’autoformation. Délice d’avance (je peux concevoir, mais en faisant un petit effort quand même, que ça ne procure pas exactement les mêmes sensations chez toi ;). Le cours était entièrement bâti en classe inversée, avec énormément de productions collectives et donc énormément d’heures à y consacrer. Et là, rien qu’à l’idée de programmer les teams et de saturer mon agenda, j’avais la nausée. C’est pas bon signe, m’a dit l’amie A. 

Entre délice et nausée, c’était pas tranché. Le bon moment pour utiliser ma toute nouvelle méthode de choix : un grand oui sinon rien. 

Ce grand oui sinon rien me vient tout droit d’une séance de coaching, starring pêle-mêle : ma super collègue qui se reconnaîtra, une plaque de fer du Moyen-âge, Yoga with Adriene, le son PAF, et « beaucoup beaucoup d’amour » répété à peu près trente-douze fois. Je te refais pas toute la séance – le film sortira bientôt -, en résumé : la condition sine qua non de ce « beaucoup d’amour » pour moi, j’ai décidé que c’était de m’en tenir, au maximum en ce moment, à des grands oui, à ce qui fait oui PAF (ah le voilà) sans explication, au ressenti brut : ça, je veux. Du 100%, du brûlant, exit la tiédeur et les oui-non-mais-tu-vois. 

S’en tenir aux grands oui sinon rien, ça m’a quand même semblé un peu luxe, voire un peu caprice. Et puis… à bien ressentir la chose, c’est au contraire la tiédeur qui m’a paru carrément luxe. Un luxe que, par moments, on ne peut plus se permettre. Il en faut du temps devant soi, de l’énergie en stock et des certitudes sur l’avenir pour laisser les oui-non-mais-tu-vois squatter ses journées !

J’ai pas bazardé d’un revers de main tout ce qui dans ma vie ne passe pas au tamis du grand oui. Il y a quelques réalités qui se règlent pas en trois mails bien tournés, et surtout il y a des coins où on tolère encore assez bien, il faut se l’avouer, la tiédeur. Mais j’ai envie d’être à l’écoute de ça. Je me suis remémoré quelques grands oui du passé, j’ai identifié quelques grands oui du moment, et j’ai décidé de partir avec la curiosité d’une enfant à la chasse aux grands oui, de prêter attention, et priorité, à ce qui dans mes projets, dans mes journées, et jusque dans les petits détails de mon quotidien, fait paf sans équivoque. Et de goûter tout l’espace que ça crée quand j’ai l’audace de laisser les trucs mi-délice mi-nausée sur le bas-côté.

Et toi, c’est quoi tes grands oui du passé et du moment ? Est-ce que ça fait paf ou wa ou ding ou fshh ?

Est-ce qu’il y a au moins un grand oui dans ta journée ? (c’est le oui qui doit être grand, pas la chose faite ou ressentie : moi j’inclus dans mes grands oui du jour ma séance de yoga, et regarder le ciel se lever avec mon café).

C’est quoi le premier oui-non-mais-tu-vois auquel tu pourrais renoncer ?

C’est quoi l’histoire que tu tricotes autour ?

J’ai vu qu’Apollo 13 était sur netflix et j’ai beau l’avoir vu cent fois en VHS, je n’ai pas résisté :

1. il y a tom hanks dedans

2. il y a ed harris dedans

3. ça se passe dans l’espace

Histoire vraie, ils doivent se rendre sur la Lune. Un an après les premiers pas d’Armstrong, tout le monde se fout complètement de cette mission, ça n’a plus rien d’exceptionnel. Ils partent, dans l’indifférence générale. Disons simplement qu’une fois dans l’espace, il se passe un truc.

*ne pas lire la suite si vous ne l’avez jamais vu et que vous l’envisagez, je spoile un peu*

Et au fil du film, ça m’inspire quelques questionnements, alors hop ça peut bien faire un contenu du jour.

– Quelle expérience, quelle aventure, petite ou grande, qui paraît banale pour d’autres, reste incroyable et excitante à tes yeux ? Est-ce que tu as quand même envie de la vivre ou est-ce que tu attends que d’autres soient euphoriques pour toi ?

– A un moment, Ed Harris demande « Qu’est-ce qu’on a sur ce vaisseau qui fonctionne ? ». Pour résoudre un problème, plutôt que de focaliser sur le dysfonctionnement, la chose à réparer, j’aime cette question : qu’est-ce qu’on a qui fonctionne ? Qu’est-ce qu’on a comme ressources à disposition, qu’est-ce qu’on a en état de marche ? Concentrer toute notre attention, toutes nos forces là-dessus pour chercher une solution, plutôt que sur le problème.

– Est-ce qu’il y a quelque chose qui ressemble à un échec, passé ou en cours, et qui était ou sera en fait le succès, l’exploit d’autre chose ? C’est quoi l’histoire que tu tricotes autour : est-ce que c’est l’histoire de ce que tu n’as pas réussi à faire, ou de ce que tu réussis à faire à partir de là ? Où est-ce que tu places le mot : fin ?

Allure libre

Merci l’article « au hasard » (des guillemets parce que j’ai passé les 3 premiers) de Wikipédia ! Je suis enchantée de ma découverte du soir.

Paris-Brest-Paris ou Paris-Brest et retour, c’est une course cycliste créée en 1891. L’homme qui a remporté la première édition, Charles Terront, a roulé sans dormir pendant 71 heures (!) pour parcourir ces 1200 km. Le deuxième n’arrive que huit heures après lui, et des centaines terminent des jours plus tard, « en s’arrêtant dans des auberges pour la nuit ». La performance de Terront m’épate complètement. Je regarde des photos et dessins de lui, cherchant à percer du regard le secret de cet homme. C’est lui là ci-dessous. C’est rigolo, en creusant, je découvre des sites de passionnés de cyclisme, des portraits de « l’homme-coureur », l’engouement de la foule à l’époque pour l’exploit et pour le vélo, ça m’emmène là où je n’avais pas du tout prévu d’aller ce soir (j’ai déjà dit que j’aimais quand même vachement internet ?).

Bref, passons Terront, ma grande découverte du soir est à venir.

En 1931, il y a sur cette course Paris-Brest-Paris, en plus des 28 coureurs, 150 « touristes » inscrits : 64, allure libre et 91, audax.

Je ne connaissais pas avant ce soir ces expressions : allure libre et audax. Ça a l’air connu pourtant, moi je découvre.

Allure libre : c’est beau, et ça va, je comprends, enfin je déduis.

Audax : allez zou, une autre fiche wikipédia !

Alors, c’est quoi ? « L’audax se définit comme une épreuve de régularité et d’endurance, à allure imposée conduite et contrôlée par des capitaines de routes régulant la vitesse du groupe. » Elle est de 20 à 25 km/h pour les cyclistes, 6 à 6,5 km/h pour les marcheurs. Si ça vous intéresse pour les rameurs ou skieurs de fond, il y a des allures contrôlées là aussi.

D’où ça vient ? « Le 12 juin 1897, 12 cyclistes italiens tentaient à vélo le raid Rome-Naples (230 km), entre le lever et le coucher du soleil. Neuf réussirent, leur tentative fut qualifiée d’audacieuse (« Audax » : traduction latine du qualificatif audacieux). Ceci donna lieu à de nombreuses sorties en groupe et contribua ainsi à la naissance du mouvement cyclotouriste.« 

La devise Audax ? « Partir ensemble, arriver ensemble : L’Audax, ce n’est pas seulement pratiquer un exercice physique d’endurance, car la formule exclut toute notion de compétition. C’est aussi et surtout le pratiquer ensemble de manière solidaire, les plus forts aidant les autres à atteindre le but.« 

Euh…vous me voyez venir, non ? Je pense à ce challenge d’écriture quotidienne, à cette épreuve de régularité et d’endurance, à allure contrôlée. Un contenu par jour, il arrive que ce soit difficile. Parfois, c’est le manque d’idées, parfois le manque de temps, parfois le manque d’envie, franchement. Mais en découvrant le terme audax ce soir, je me rappelle qu’on part ensemble, qu’on arrive ensemble, que l’audace se cultive collectivement.

Et c’est pareil au-delà de ce défi d’écriture,

  • qu’est-ce qu’on peut faire à « allure libre » ?
  • qu’est-ce qui fonctionnera mieux « audax » ?
  • qu’est-ce qui nous donnera suffisamment d’énergie si on s’essoufle un peu entre Rome et Naples ?

Allure libre, c’est doux à mes oreilles, doux à lire. Il y a des choses que je peux courir de cette façon-là. En revanche, cette fois, j’avais besoin d’audax.

Ce qu’est le succès pour toi

J’adore Solange te parle/Ina Mihalache. Elle publie des podcasts pour ses « parapluies » (celleux qui la soutiennent financièrement sur Patreon). Il y a presque un an, elle parlait d’un questionnaire envoyé par le fondateur de cette plateforme de financement, le musicien Jack Conte. L’une des demandes était de « définir ce qu’est le succès pour toi, et surtout pas ce que tu penses que c’est pour les autres« . Elle a répondu : « être soutenue par une communauté, des institutions, et un réseau d’autres créateurs d’une façon qui inspire un flot continu et bizarrement complexe et fertile de productions et de feedback. »

La question est banale, on l’a entendue mille fois, je continue malgré tout de penser que c’est une question importante. Dans le podcast, elle partageait surtout la joie d’avoir été capable de formuler sa réponse (au point qu’elle en avait fait une capture d’écran). Je comprends sa joie ! C’est loin d’être facile de poser des mots sur ça. D’ailleurs, les termes qu’elle choisit m’intriguent beaucoup. C’est plus aride que la façon dont elle s’exprime d’habitude, et dans le même temps je trouve ça très imagé. Je vois des liens autour d’elle comme des longes de trapéziste ; et des vagues, des vagues, des vagues, la mer qui s’éloigne et revient sans cesse. Je sens le risque et le réconfort main dans la main dans sa définition du succès.

Si les mots sont si difficiles à trouver, c’est parce que des critères personnels (j’insiste sur personnels) du succès, bah c’est pas si facile à saisir et à affirmer. Ça demande de retirer pas mal de couches de représentations qu’on a du « succès » (rien que le mot « succès », c’est dix kilomètres d’images qu’on a dans la tête), de soulever des tonnes de il faudrait et je dois, de jeter quelques rêves moisis à la poubelle, de regarder un peu plus à l’intérieur qu’autour.

Ça fait partie des choses sur lesquelles je travaille en ce moment : définir ce qu’est le succès pour moi.

J’en suis pas au stade de structurer une phrase comme Ina/Solange ou de faire du trapèze au-dessus de l’océan, mais ça bouge, ça bouge bien. C’est vraiment très chouette, tout simplement. Je suis heureuse de sentir certains critères s’effacer doucement, et d’autres s’allumer, même timidement.

L’enjeu, on est bien d’accord, c’est pas de faire cette phrase, cette définition, c’est pas de répondre à un questionnaire.

Je me suis amusée à regarder les origines et les voisins de « succès » et de « réussite ». Il est question d’issue, de processus, d’avancer, d’aller hors de, de faire suite à.

L’enjeu, c’est bien ça.

Où est-ce que tu ne te sens pas chez toi ?

J’étais en « déplacement » hier soir et aujourd’hui. (Drôle d’expression d’ailleurs : « être en déplacement »…comme si on nous avait bougé malgré nous sur un échiquier.)

La journée se déroulait dans un très bel endroit, un truc un peu exceptionnel même.

Le concept de ce lieu, c’est que tout est fait pour se sentir chez soi. Bienvenue à la maison, nous dit-on droit dans les yeux à l’arrivée.

Certes, j’y étais pour le boulot, avec sa dose de stress et de je-sais-pas-ce-que-je-suis-en-train-de-faire-je-vais-pleurer-non-ça-va-aller-tiens-bon-pense-aux-arbres-et-à-la-vraie-vie, mais d’hier soir à cet après-midi, je n’ai pas arrêté de me dire justement que je ne me sentais pas « chez moi », pas à ma place, pas là où j’ai envie d’être.

J’avais partagé quelque chose sur ces endroits (pas forcément au sens géographique) où on se sent chez soi.

Bien sûr, il existe aussi des choses, des personnes, des conversations, une atmosphère au milieu desquelles vous vous sentez à l’inverse très très loin de votre foyer, de vos résonances. Où vous vous sentez carrément « en déplacement ».

Je ne sais pas dire précisément à quoi ça tient pour ça non plus. On le sent, c’est tout. L’ennui, c’est que j’y étais pas par hasard, j’ai pas sonné parce qu’il y avait de la lumière. J’ai fait plein de choix qui m’ont menée aujourd’hui jusqu’à cet endroit, j’ai en partie cherché, voulu ce lieu.

À un moment, j’ai cru qu’on pouvait rester longtemps, voire toute une vie, « à côté de soi ». J’ai changé d’avis, on n’est jamais complètement à côté de soi. C’est pas possible.

Les trucs chiants, les trucs qui ne nous ressemblent pas mais qui prennent de la place dans nos vies, c’est un peu de nous aussi. Il y a un peu de moi dans cet endroit où je ne me sens pas chez moi. Et c’était peut-être ça le plus gênant finalement. Je n’ai pas aimé ce miroir de désirs périmés qu’on m’a tendu toute la journée.

J’étais pressée de reprendre le train, ce soulagement pendant le trajet : regarder la nuit tomber sur des centaines de pavillons, imaginer la vie des autres derrière ces fenêtres, voir se dessiner la lune progressivement ; je me sentais en fuite et furieusement libre.

Je suis fan des fuites. Je sais que ce n’est pas un mode de vie, pas un mode d’emploi mais j’ai des souvenirs très grisants de plusieurs moments comme ça où la joie du départ est si forte qu’on en oublie le fait même qu’on ne sait pas où on va.

S’absenter du monde

C’était une des questions d’Augustin Trapenard : « Ça voudrait dire qu’écrire, c’est aussi s’absenter du monde ? »

S’il s’agit du vieux débat, écrire la vie ou la vivre, etc., je ne réponds pas. À une époque, je me les suis posées ces questions-là mais aujourd’hui, elles n’ont plus de sens pour moi.

Et ce challenge me confirme encore plus que

si j’écris, je suis là

si j’écris, je ne m’absente pas

je réponds présente, je prends part, je cohabite.

En revanche, si la question est « de quoi faut-il s’absenter pour écrire ? », là ça m’intéresse.

Deux fois pendant ce challenge, je suis partie plus tôt d’une conversation, d’une soirée pour avoir le temps de rentrer, de m’attabler et de pianoter sur mon clavier, je me suis littéralement absentée du monde pour écrire, oui. Je n’ai rien dit, rien expliqué de mon empressement. Et je partais avec un sourire en coin vers ce rendez-vous secret, car personne ne sait, à part vous si vous me lisez, que je participe à ce défi.

Elizabeth Gilbert dans l’indispensable Comme par magie nous recommande d’entretenir une liaison avec notre créativité : « Sneak off and have an affair with your most creative self. »

« When people are having an affair, they don’t mind losing sleep or missing meals. They will make whatever sacrifices they have to, and blast through any obstacles, in order to be alone with the object of their devotion —because it matters to them.

Let yourself fall in love with your creativity and see what happens. Stop treating it like a tired, old, unhappy marriage (a grind) and start regarding it with the fresh eyes of a passionate lover. Even if you have only 15 minutes a day alone with your creativity, take it. Sneak off and have an affair with your most creative self. Lie to everyone about where you’re actually going on your lunch break. Pretend you’re on a business trip when secretly you’re retreating to paint, or write poetry, or draw up the plans for your organic mushroom farm. Conceal it from your family and friends. Slip away from everyone else at the party and go off to dance alone with your ideas in the dark. Wake yourself up in the middle of the night, to be alone with your inspiration while nobody is watching. You don’t need that sleep right now; you can give it up.

What else are you willing to give up in order to be alone with your beloved? Don’t think of it as burdensome; think of it as sexy. »

Je ne m’en étais pas rendue compte mais ce défi est vraiment devenu cet amant, à qui je consacre du temps, coûte que coûte, parce que pour moi, c’est important. Et je viens quand même de lui poser deux lapins en deux jours à l’amant… Disons-le franchement : je suis pas aussi convaincue qu’Elizabeth sur la partie « You don’t need that sleep right now ». Je veux bien qu’elle développe ce point la prochaine fois, merci d’avance Liz.

Mais c’est vrai, il faut bien filer en douce, s’absenter de quelque chose, d’une soirée, d’une heure de sommeil, du quotidien à traiter, d’autres activités, pour créer ce qu’on veut créer. Choisir quel rendez-vous on ne veut pas surtout pas manquer, quelle place on veut bien s’offrir.

À quoi est-ce qu’on est prêt à renoncer ? De quel monde, de quel espace on va s’absenter ?

Là, je craque

Pas de plan serré sur son visage. L’homme est assis sur une chaise, dans un décor sombre et minimal. Il est grand, costaud, soixante-dix ans, peut-être plus. Sympathique, un peu bourru, il raconte son histoire, son point de vue sur et dans l’affaire, le rôle qu’il a joué. Il sait y faire, il a du caractère et le sens du récit. Le genre d’homme qu’on écoute quand il parle.

Soudain, il avale sa voix, le souffle lui manque, les mots aussi, il s’interrompt, esquisse un sourire gêné, reprend péniblement, s’étrangle à nouveau. Puis, c’en est trop. Il baisse la tête et se passe la main sur le regard. On entend ses larmes déborder, sa poitrine se serrer.

Il expire : « c’est dingue…là, je craque. » On le sent étonné. Puis il essuie ses yeux avec ses larges paumes en reniflant lourdement.

« Là, je craque ». Je n’avais jamais relevé cette expression avant ce jour, avant de voir cet homme qui pleure et pense qu’il craque. Est-ce qu’on « craque » quand on pleure ?

Ce n’est pas vraiment de lui que je voulais vous parler mais de ça.

Moi aussi, je l’ai employée cette expression (je craque, je sens que je vais craquer, faut pas craquer, craquaaaage), et elle en dit long sur certaines idées qu’on se fait sur soi, sur la vie et la vulnérabilité.

Bon sang, on ne se fissure pas, on n’explose pas en mille morceaux, on ne se déchire pas, et surtout on n’est pas défaillant dès lors qu’on pleure, crie ou toute autre façon qu’a le corps de mettre en chair nos maux. On n’est pas des feuilles, on n’est pas des noix.

Quand on dit « je craque », on sous-titre instantément « je ne devrais pas ».

On s’envoie un colis piégé. Une sentence déguisée en aveu.

Quel accueil on réserve à nos larmes ?

Est-ce qu’elles interrompent le récit ou est-ce qu’elles en font partie ?

Goûter les questions sans y répondre

Vous connaissez peut-être l’émission Boomerang sur France Inter ? Un petit malin s’est amusé, sur Twitter (@QuestiTrapenard), à compiler toutes les questions qu’Augustin Trapenard pose à son invité.e chaque jour.

Le délice tient au fait de découvrir ces questions hors contexte, sans conversation tissée autour. Il n’y a rien pour les tenir, elles sont sans filet, sans justification. Certaines questions n’ont plus aucun sens et c’est hilarant (si, si), d’autres sont formulées simplement et vous plongent malgré tout dans l’incertitude ou la béatitude, d’autres encore frisent le court-circuit mental.

A les lire en masse, les unes à la suite des autres, il se produit une chose rare : on finit par ne plus chercher de réponse. Soudain, les questions peuvent rester en suspens. On les savoure. La délicatesse, la maladresse, l’absurde, la brute beauté. On finit par espérer que le fil ne s’arrêtera jamais. On les goûte sans même y répondre.

On peut aussi bien sûr les attraper et voir où ça nous mène. Je n’ai pas encore écrit de contenu à partir de ces questions, mais c’est prévu, c’est prévu.

Alors j’ai envie de vous partager quelques-unes de ces questions, à consommer sur place ou à emporter :

Qu’est-ce que vous avez peur, pour autant, de voir disparaître, aujourd’hui ?
Qu’est-ce que vous allez chercher chez les autres, vous ?
Mais qu’est-ce qui fait un bon yaourt ?
Ça vous inquiète ?
Qu’est-ce qui vous « blue », vous, comme on dit en anglais ?
Et pourquoi le piano ?
Qu’est-ce qui vous met en colère, aujourd’hui ?
Quand est-ce que, vous, vous vous êtes sentis capables de dire « moi aussi » ?
Comment ça s’explique, ça ?
De quel changement, de quelle révolution est-ce que vous rêvez, en fin de compte ?
Comment on fait pour saisir l’épuisement qui s’installe sur un visage ?
À quoi est-ce que vous ne vous soumettez pas, vous ?
Le plaisir, vous le trouvez où, aujourd’hui ?
Comment on fait pour ne jamais se répéter ?
À quoi ça sert, un modèle ?
Sur quelle planète est-ce que vous avez l’impression de vivre, vous ?
Vous arrive-t-il de voir tout jaune, vous ?
Le français, quelle langue est-ce que c’est, pour vous, encore aujourd’hui ?
Comment on se sent quand on est enfin dans la lumière ?
C’est difficile d’écrire ou est-ce que ça coule ?
Se réapproprier son corps, ça passe par quoi, alors ?
Vous pensez à la chute, à ce moment-là ?
À cet égard, quel espace de liberté ont représenté Internet et les réseaux sociaux, pour vous ?
En fin de compte, à quelle question vous a permis de répondre le cinéma, tiens ?
Qu’est-ce que vous voyez, là, maintenant, tout de suite ?
Mais qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
Qu’est-ce qu’il y a de plus vulnérable chez vous ?
Ça voudrait dire qu’écrire, c’est aussi s’absenter du monde ?

Où est-ce que tu te sens chez toi ?

Ce soir, je vous partage cette très jolie question qu’on m’a posée l’autre jour : « où est-ce que tu te sens chez toi ? ». La question ne portait pas sur un lieu, un environnement. Elle a surgi dans une conversation sur les activités, les envies, les élans.

J’ai adoré cette question et tout ce qu’elle a provoqué en moi. À peu près la sensation de ce GIF :

via GIPHY

J’avais un peu de mal à verbaliser ma réponse mais à l’intérieur, c’était un feu d’artifice des émotions que j’ai pu ressentir au contact de tel univers, telle personne, telle vision du monde, telle création.

C’est joyeusement mystérieux les raisons pour lesquelles on se sent chez soi. On ne sait pas forcément l’expliquer avec des mots, mais c’est quasi instantané. C’est ta carte aux trésors, ton ciel étoilé.

J’aime aussi le double mouvement que la question permet : un mouvement vers l’intérieur (ce qui palpite en toi) et un mouvement, simultané, vers l’extérieur (toutes ces lumières dans ton paysage). Là où je me sens chez moi m’offre tout autant un refuge, un foyer que des destinations à explorer, des portes à franchir. Des indices pour cheminer.

Et toi, et toi, où est-ce que tu te sens chez toi ?

De toutes petites luttes

Pour quelques jours, je suis à la campagne. La maison s’est remplie petit à petit. De plus en plus de monde, de plus en plus de bruit. Il y a de l’amour, du vivant, des rires et plein de choses à faire tout le temps.

D’ordinaire, d’autres années, tout cela peut me détendre ou m’inspirer.
Cette fois, c’est différent.
Je me sens assiégée.
Je voulais consacrer un peu de temps à plusieurs projets et je n’ai pas réussi.

Je mesure à quel point j’ai besoin :

– de silence (toutes ces paroles sans trêve, toutes ces conversations qui tournent, avec parfois plus de bruit que d’écoute, ça me déborde complètement)

– d’un territoire (la porte de ma chambre est sans clé, elle est franchissable et franchie souvent ; j’ai pas encore lu Une chambre à soi mais je sens que je vais pas tarder)

– de continuité (un peu de temps devant soi, un temps sans interruption qui permet de se déplier délicatement)

Ça demande plus de force que ce que je croyais d’exiger tout ça pour soi. Il faut affirmer, réclamer, défendre, inlassablement. De toutes petites luttes que personne ne voit.

J’avais lu un article intéressant sur la créativité et les routines bien huilées de certains artistes. L’auteure nous invitait à identifier ce qui nous met en train pour travailler et donner le meilleur de nous-mêmes (sic). Je n’y ai jamais vraiment réfléchi, je ne sais pas si telle musique ou telle bougie d’ambiance me donnerait davantage d’élan pour créer, ou si tel enchaînement de micro-actions me propulserait vers la version de moi la plus créative. Mais impérativement, j’ai besoin de silence, de territoire et de continuité.

Et d’une connexion internet.

Et toi, de quoi as-tu besoin pour créer ? Les commentaires sont ouverts !

Jouer avec tes défauts et tes difficultés

Aujourd’hui j’ai ouvert la newsletter de women who do stuff et fait une délicieuse découverte : « Jacqui Kenny aka Agoraphobic traveller est agoraphobe et anxieuse. Elle a beaucoup de mal à sortir de son appartement londonien sans faire des crises d’angoisse épuisantes, alors pour voyager, elle se promène sur Google Street View et en tire des clichés magnifiques comme celui pris au Chili depuis son ordinateur. »

J’adore. Je vous partage pas ça pour dire qu’il faut rationaliser ses angoisses, ses blocages et s’y résigner. Du tout, du tout. L’anxiété n’est pas un mode de vie acceptable.

Mais j’adore parce que ça me rappelle deux choses :

– qu’on peut faire des trucs à partir de qui on est maintenant, là où on en est, à cet instant. Qu’il n’y a pas besoin d’attendre d’être « guérie ».

– que nos « défauts » ou difficultés peuvent être des sources incroyables d’inspiration et de création quand on arrête de leur dire ta gueule à longueur de journée et qu’on regarde comment on peut jouer avec au lieu de lutter contre.

Et toi, avec quoi tu pourrais jouer ?