S’absenter du monde

C’était une des questions d’Augustin Trapenard : « Ça voudrait dire qu’écrire, c’est aussi s’absenter du monde ? »

S’il s’agit du vieux débat, écrire la vie ou la vivre, etc., je ne réponds pas. À une époque, je me les suis posées ces questions-là mais aujourd’hui, elles n’ont plus de sens pour moi.

Et ce challenge me confirme encore plus que

si j’écris, je suis là

si j’écris, je ne m’absente pas

je réponds présente, je prends part, je cohabite.

En revanche, si la question est « de quoi faut-il s’absenter pour écrire ? », là ça m’intéresse.

Deux fois pendant ce challenge, je suis partie plus tôt d’une conversation, d’une soirée pour avoir le temps de rentrer, de m’attabler et de pianoter sur mon clavier, je me suis littéralement absentée du monde pour écrire, oui. Je n’ai rien dit, rien expliqué de mon empressement. Et je partais avec un sourire en coin vers ce rendez-vous secret, car personne ne sait, à part vous si vous me lisez, que je participe à ce défi.

Elizabeth Gilbert dans l’indispensable Comme par magie nous recommande d’entretenir une liaison avec notre créativité : « Sneak off and have an affair with your most creative self. »

« When people are having an affair, they don’t mind losing sleep or missing meals. They will make whatever sacrifices they have to, and blast through any obstacles, in order to be alone with the object of their devotion —because it matters to them.

Let yourself fall in love with your creativity and see what happens. Stop treating it like a tired, old, unhappy marriage (a grind) and start regarding it with the fresh eyes of a passionate lover. Even if you have only 15 minutes a day alone with your creativity, take it. Sneak off and have an affair with your most creative self. Lie to everyone about where you’re actually going on your lunch break. Pretend you’re on a business trip when secretly you’re retreating to paint, or write poetry, or draw up the plans for your organic mushroom farm. Conceal it from your family and friends. Slip away from everyone else at the party and go off to dance alone with your ideas in the dark. Wake yourself up in the middle of the night, to be alone with your inspiration while nobody is watching. You don’t need that sleep right now; you can give it up.

What else are you willing to give up in order to be alone with your beloved? Don’t think of it as burdensome; think of it as sexy. »

Je ne m’en étais pas rendue compte mais ce défi est vraiment devenu cet amant, à qui je consacre du temps, coûte que coûte, parce que pour moi, c’est important. Et je viens quand même de lui poser deux lapins en deux jours à l’amant… Disons-le franchement : je suis pas aussi convaincue qu’Elizabeth sur la partie « You don’t need that sleep right now ». Je veux bien qu’elle développe ce point la prochaine fois, merci d’avance Liz.

Mais c’est vrai, il faut bien filer en douce, s’absenter de quelque chose, d’une soirée, d’une heure de sommeil, du quotidien à traiter, d’autres activités, pour créer ce qu’on veut créer. Choisir quel rendez-vous on ne veut pas surtout pas manquer, quelle place on veut bien s’offrir.

À quoi est-ce qu’on est prêt à renoncer ? De quel monde, de quel espace on va s’absenter ?

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