Entretien avec Amélie Charcosset, épisode 1

“Quand l’écriture prend le pas sur ma tête” – Entretien avec Amélie Charcosset 1/3

Amélie Charcosset ateliers d'écriture

J’ai connu Amélie via un groupe facebook d’entrepreneur-e-s. J’ai découvert et adoré ses posts, son écriture, son groupe de poésie Fondu.e.s de fondus, sa newsletter, ses formidables ateliers d’écriture et programmes d’écriture en autonomie, puis son très beau roman et ses coulisses d’écriture sur Tipeee, et le plaisir de nos longues conversations zoom, whatsapp ou parisiennes quand ses trains la font, bien malgré elle, passer par ici. 

Amélie Charcosset est autrice, animatrice d’ateliers d’écriture et enseignante de Français Langue Étrangère. Elle a publié son premier roman Je ne suis pas née ce matin en 2021, et elle est en train d’écrire le deuxième. Ah oui, et elle vit en Suisse, quand elle n’est pas (ce qui arrive souvent) en travadrouille ou en autorésidence d’écriture.

L’interview est composée de 3 parties. Tu peux accéder ici à l’épisode 2 et l’épisode 3.

Voici le premier épisode, qui parle d’écriture et de créativité, de compta et de canapés, de courage et de comparaison, de voyage à vélo et d’entrepreneuriat, de lumière, d’autocâlin et d’amitié.

Prends une tisane ou du champagne, et peut-être un jour de RTT : bonne écoute et/ou bonne lecture !

L’épisode 1 version audio

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L’épisode 1 version texte (et petits audios)

C’est une interview sur tes thèmes d’atelier. Première question autour du thème “Boîtes”. Ça m’a évoqué, entre autres choses, les boîtes à idées. Comment tu fais quand tu as l’impression de ne pas avoir d’idées, que ce soit pour ta newsletter, ou pour continuer ton roman ? Est-ce que ça arrive d’abord : un peu, souvent ?

Ça m’arrive souvent, surtout pour la newsletter, et dans ce cas-là, je commence en général à écrire “je n’ai pas d’idées, j’en ai marre, qu’est-ce que je vais écrire, je sais pas quoi écrire”. Puis, pour la newsletter, je commence à raconter ma semaine et à un moment, il y a un truc saillant qui m’apparaît, soit quelque chose dont j’ai pris conscience, soit un truc que j’ai découvert et que j’ai envie de partager, plutôt culturel, soit une rencontre que j’ai faite. Vu que la newsletter s’appuie toujours sur ce qui se passe de vivant pour moi, parfois un peu à retardement, il y a cette idée de commencer à raconter comme si j’écrivais mon journal, pour en sortir ensuite ce qui pourrait être intéressant pour d’autres.

Et pour le roman, c’est un peu le même principe. Je réfléchis à ce que j’ai pu vivre que ma narratrice pourrait vivre aussi, et du coup je lui attribue et je démarre comme ça.

Deuxième question autour d’un autre thème qui est “Dedans-Dehors” : comment l’un et l’autre nourrissent ta créativité ?

Quand je me vois “dehors”, c’est sur mon vélo en train de pédaler sans but précis, il y a quelque chose qui s’apaise dedans. Qui permet au dedans de se déposer. Je suis un peu moins dans ma tête, c’est moins étroit. Le dehors nourrit ma créativité parce qu’il permet de décanter des choses, d’arrêter d’être en boucle. Et le “dedans”, c’est tout l’espace où je lis, où j’écoute des podcasts, où je dors, où je rêve, où je cuisine, et tout ça c’est des choses qui nourrissent ma créativité, me permettent de faire des liens, d’entretenir des relations entre les idées qui se baladent dans ma tête.

Sur le thème “Courage”,  c’est quel courage, ça mobilise quel(s) courage(s) chez toi, d’écrire ?

Pour l’instant, je sais pas encore lequel mais ça en mobilise beaucoup ! C’est une belle question. Je lisais hier quelqu’un qui racontait que c’était tellement difficile d’écrire, et je me disais “oh oui oui oui, c’est vrai”. Et puis cette personne disait “mais bon je continue parce que j’aime trop cette stimulation intellectuelle, j’aime trop ce que ça fait, réfléchir aux liens dans l’histoire, à la structure, à ce qui se passe et découvrir les personnages”, et oui, c’est vrai aussi ! Évidemment, il y a une forme de courage qui est le courage de plonger en soi, de plonger dans la matière, de faire des trucs qui ne servent à rien (je prends plein de pincettes pour dire ça, mais j’ai quand même parfois cet “à quoi bon ?” qui me rattrape). En même temps, c’est aussi le courage de prendre le temps de la lenteur, dans un monde qui n’a pas trop le temps pour ça. Quand je vois le temps que ça me prend d’écrire un livre… pfiou…

Toujours sur le thème “Courage”, ça mobilise quel(s) courage(s) chez toi d’être entrepreneure ? Est-ce que ça te demande de dépasser des choses ?

C’est une question qui me challenge en ce moment, alors qu’être entrepreneure a toujours été, non pas simple mais de l’ordre de l’évidence.  Bon, au début, j’étais indépendante parce que c’était le seul statut pour bosser dans le lieu où je travaillais. Mais je me suis appropriée cette identité et je l’adore. Mais en ce moment, je trouve ça dur. Je crois que ce qui est dur et le courage que ça demande, c’est de constater qu’un modèle qui a fonctionné pour moi à un moment ne fonctionne plus aussi bien, et qu’il y a des choses à modifier ou à ré-inventer alors que, moi, ces modèles, ils continuent de m’aller. Ça demande du courage d’accepter de changer des choses, sans savoir bien quoi, ni comment – alors qu’on les aime bien comme elles sont -, parce qu’elles ne produisent plus les résultats escomptés.

Et sinon, même s’il y a aussi beaucoup de joie, ça demande du courage de tester des trucs et que ça prenne pas, d’exposer ce qu’on a envie de faire et que les gens n’accrochent pas, des gens qu’on respecte, qu’on admire, qu’on apprécie. Ça demande du courage de se vendre, de vendre des prestations, d’affirmer des prix et de les défendre, de prendre conscience de sa valeur, de la valeur de ce qu’on propose. Ça demande du courage de faire de la compta !

Et ça demande du courage d’aller chercher des ressources pour nous aider, de ne pas rester seule, d’assumer d’avoir besoin d’aide pour certains trucs, de nos pairs, d’autres entrepreneur-e-s, y compris d’autres domaines.

Et moi ça me va très bien, mais quand j’en parle à l’extérieur, j’ai l’impression que c’est ça aussi que les gens trouvent courageux : c’est de décider pour soi-même. Je me lève, j’organise ma journée comme je veux, je travaille d’où je veux, si j’aime pas une offre, je peux l’arrêter (mais  faut que j’en crée une nouvelle) : cette liberté-là. Je me dis toujours que je pourrais pas être salariée, mais souvent les gens me disent que c’est ça qui est courageux chez l’entrepreneur-e.

On part sur un autre thème : “les autres”. Beaucoup d’auteur-e-s parlent de la solitude dans le travail d’écriture, et c’est une chose qu’on ne ressent pas beaucoup en te lisant. Sans doute parce que tu as mis en place beaucoup de dispositifs pour ne pas être seule dans l’écriture, même s’il y a des phases solitaires. Quel est ton rapport aux autres et à la solitude, et notamment dans l’écriture ?

J’ai besoin d’être seule pour me ressourcer, je fais partie de la team introvertie. Mais la solitude est aussi une chose dans laquelle je peux me noyer… noyer c’est peut-être un peu fort… errer. Et ça rejoint ce que je disais avant sur le fait de demander de l’aide, de demander des contacts. C’est pas toujours simple mais j’ai vraiment appris à le faire. Et notamment, oui, dans l’écriture. Mon écriture, depuis longtemps, est très liée aux ateliers, donc à un espace où il y a des gens, d’autres personnes avec qui la partager. Et aujourd’hui, oui j’ai mis en place, comme tu dis, plein de dispositifs pour ne pas vivre cette solitude de l’écriture. Pour qu’elle soit choisie quand elle est là. Que ce soit pas là par défaut. Oui, j’ai des temps où je pars écrire toute seule quelques jours et qui me font un bien fou, mais parce que ce sont des moments choisis, où je sais que je vais être seule, tout en sachant que je peux faire appel justement à telle personne ou à tel cadre si jamais ça ne va pas.

Toujours sur le thème “les autres”, j’ai une autre question : est-ce que tu es humaine ? Est-ce qu’il t’arrive de te comparer aux autres, et de ressentir parfois, oh grands dieux, de la jalousie ? Si oui, de qui, de quoi, et qu’est-ce que tu fais de ça ? Comment tu te dépatouilles, toi, avec ça (si ça t’arrive, si tu es humaine) ?

Alors ça m’arrive hyper souvent, c’est drôle que tu sembles en douter ! De qui je suis jalouse ? Pfff… Je suis jalouse des gens qui ont écrit et publié des livres avant 30 ans. Mais la frontière est assez ténue : Clémentine Beauvais par exemple a 33 ans et a publié 35 bouquins, et je l’adore, je n’ai pas une once de jalousie envers elle. D’autres gens, qui ont publié avant 30 ans, ça m’agace beaucoup plus et je ne sais pas encore exactement la différence. [NDLR : Oh dommage, une partie de l’enregistrement a disparu. Censure ? Problème technique ? Nul ne sait.]. Ça c’était la première partie de ta question, de qui es-tu jalouse. Je crois que t’avais une partie : comment je m’en sors. Bah tu vois en m’en entendant parler… je ne m’en sors pas ! Alors, et comment je m’en sors ? J’essaie de pas trop être sur Instagram. Du coup j’y suis mais seulement en consommation. Mais c’est encore pire en fait, je viens juste lire ce que font les autres. C’est vraiment ce truc des réseaux sociaux où tu vois tout ce que font les autres et toi tu fais rien puisque t’as décidé de plus communiquer sur les réseaux.

Ce que je fais sinon…franchement, pas grand chose… J’ai rien de très convaincant. J’ai une boîte à compliments sur mon ordinateur, j’y range des captures d’écran de jolis mots que je reçois, que ce soit en retour de mon roman, ou à la fin des ateliers. J’en fais des copies, je les mets dans cette boîte numérique. Et parfois, je les lis. C’est pas tant quand je suis jalouse… c’est plus quand je me sens franchement nulle et  inutile dans le monde que je reparcours ces phrases-là. Ça aide un peu.

[ERRATUM : en relisant l’entretien, Amélie précise qu’il s’agit d’une « boîte à confiance » et non d’une « boîte à compliments »]

On va vers les “Lucioles” : quelles sont tes plus grandes sources de lumière quand tu erres, quand tu doutes ?

Le premier truc qui me vient, c’est la tendresse. Je suis une grande fan de câlins.
Le deuxième, c’est l’amitié. Et ça va ensemble mais amitiés féminines, parce que j’ai principalement des amies femmes.
Et à nouveau : les livres !

C’est déjà un bon trio je trouve.

Sur le thème “Illusions” : quelles idées fausses tu avais, et qui se sont déconstruites au fil des années, sur l’écriture, sur la créativité, sur l’entrepreneuriat, ou sur toi-même ?

Ah, on peut faire 2h d’interview juste sur cette question ! J’ai l’impression que c’est un truc immense et que j’ai 60 000 réponses à te donner, mais par laquelle commencer ?

Une chose : ça m’a pris du temps d’accepter qu’on pouvait travailler dans des métiers créatifs / artistiques, et vouloir gagner sa vie, correctement, et gagner sa vie correctement. J’ai l’impression que c’est assez bien accepté et répandu que les deux ne sont pas compatibles. Ça me gave. Et ça me pose plein de questions et de débats intérieurs. Mais je vois aussi ce qu’il y a à déconstruire là-dedans pour pouvoir vivre aussi de ce qu’on aime faire et de ce qu’on fait.

Une autre idée fausse : je pensais, en écrivant mon premier roman, que j’avais ce livre-là à écrire et que probablement après je n’aurais rien d’autre, que j’aurais écrit tout ce que j’avais à écrire. Et finalement, assez rapidement, autre chose est venu. Pas tout de suite de manière claire. Des images qui ont commencé à se pointer. Et ce que j’ai découvert, c’est que le fait de vivre ajoute de la matière à ce qu’on a à écrire. Cette peur-là de ne plus avoir de choses à raconter après, je ne sais pas si elle a disparu… En tout cas, elle s’est atténuée. Même si je vois plein de liens entre le texte que j’écris maintenant et le roman précédent, je vois aussi que c’est un autre livre.

Sur la créativité, il y a beaucoup de choses qui ont bougé depuis longtemps. Que je vois souvent avec les participant-e-s aux ateliers. On a des images très figées de la créativité, et de ce à quoi devrait ressembler le travail d’écriture. Et notamment l’idée de choses très longues, avec une notion de sérieux, très appuyé, et d’effort. Je vais rien nier de tout ça, j’en ai parlé tout à l’heure, dans le sens où, oui, l’écriture est un processus long, que le livre que j’écris me demande beaucoup, me prend beaucoup d’énergie. Et à la fois, ce que je propose dans les ateliers, c’est de casser ça, et de permettre aux gens de découvrir qu’en 3 minutes, en 6 minutes, en 12 minutes, on écrit, il se passe des choses, il y a déjà des choses qui naissent, et que souvent la peur vient du fantasme, et de l’inaction. Quand on n’agit pas, on a tout le temps de penser. Et quand on agit, tout de suite le cerveau peut se ré-adapter à ce qui est en train de se passer concrètement, à l’instant T. Dans les ateliers, les personnes disent souvent qu’elles ne pensaient pas pouvoir écrire en si peu de temps, qu’elles sont surprises de voir ce qui s’est passé en 4 ou 8 minutes. J’adore quand on découvre des personnages. Quelqu’un qui dit “ah bah t’étais là, toi ?” en parlant d’un personnage qui n’existait pas quinze minutes plus tôt. Je trouve ça génial ! C’est ce à quoi j’ai envie de reconnecter les gens, les gens qui ont peur que la créativité, ce ne soit pas pour eux. Je pense que la créativité, elle est pour tout le monde, et accessible à tout le monde, c’est juste que c’est un muscle. C’est comme quand on fait du sport, on découvre des muscles qu’on pensait pas avoir. Là, c’est un peu pareil, il y a des trucs qui tirent le lendemain, et on se dit “ah tiens mais il y a un truc ici !”. Ça, c’est la créativité, quand on l’a jamais trop prise en compte avant !

Ce qui me fait penser à une autre idée fausse que j’avais : pendant extrêmement longtemps, j’étais persuadée que moi j’étais pas créative, alors qu’on me renvoyait quand même beaucoup le contraire. C’est parce que j’avais une définition très limitée de la créativité, qui était :

1) être très à l’aise dans tout ce qui est manuel, loisirs créatifs. Ça, pour moi : galère et inintérêt conséquent ! J’aime faire des collages mais sinon, c’est pas trop mon truc.

et 2) pour être créatif, je me disais qu’il fallait avoir mille idées à la seconde. En fait, moi j’ai pas du tout mille idées à la seconde. J’ai des idées qui prennent leur temps. Alors, parfois j’ai une idée comme ça, et en général, je n’en ai qu’une ! Je me disais du coup que j’étais pas créative. Ça a été du chemin de défaire ça, et d’embrasser les différentes formes de créativité que chacun-e a, et de pouvoir développer ça.

Alors, c’est pas tout à fait un thème d’atelier, c’est le nom d’un de tes programmes : “Matin Crayon”,  et donc une question là-dessus, très pratique, sur ta façon de faire, c’est quoi pour toi les meilleurs espaces et temps pour écrire ? De quoi tu as besoin pour créer, quelles sont tes habitudes par rapport à ça ?

Je crois que je suis plutôt du matin. Je dis “je crois” parce que je suis dans un rythme de vie, comme je disais tout à l’heure, où j’ai pas forcément besoin de me lever tôt, et j’ai un amoureux qui est plutôt lève-tard, et il se trouve que mon bureau est juste à côté du lit. C’est assez fréquent que je commence la journée avec une forme de frustration parce que j’aimerais être à mon bureau plus tôt, et que je n’y suis pas. Du coup, je commence un peu dans le canapé. J’ai l’impression que ça ne me met pas vraiment dans l’élan. Quand je suis en autorésidence, toute seule, dans des espaces où je ne dois composer avec personne d’autre, je dirais que je suis plutôt du matin. J’écris souvent sur le canapé – enfin, sur mon ordinateur mais assise dans le canapé, parce que je respecte les canapés des airbnb !

Par contre, dans le roman que j’écris et avec lequel j’ai parfois l’impression d’entretenir une vraie lutte, je me suis aperçue qu’il y avait des passages dans lesquels j’arrivais à aller quand j’étais sur le point de m’endormir en fait, où il y avait quelque chose qui lâchait : t’as envie d’aller dormir, vas-y lâche ce truc qui est difficile à écrire et tu verras après. Du coup, il y a des scènes assez clés que j’ai écrites plutôt très tard. Donc pas du tout dans mes habitudes.

Et j’adorerais dire que j’aime écrire dans les cafés, mais en vrai j’arrive pas trop à me concentrer dans les cafés. Quand j’y vais, c ‘est plutôt pour faire des mails ou de la compta. Parce que la compta c’est tellement chiant, faut bien un café pour faire passer le truc !

À partir du nom d’un autre de tes programmes “L’étincelle” : tu écris ton 2e roman en ce moment, à quoi ça tient selon toi ces moments où ça fait des étincelles, où tu tiens quelque chose et te dis “ah oui là, c’est ça, c’est bon” ! Qu’est-ce qu’il y a dedans à ce moment-là ?

Je crois que ces moments-là, c’est quand l’écriture prend le pas sur ma tête. Il y a tout ce qu’on veut faire, tout ce qu’on projette de faire, tout ce qu’on décide de faire. Puis il y a les moments où l’écriture elle fait “Coucou ! Et si on faisait plutôt ça ?”. Ou bien quand deux trucs étaient pas du tout liés, et d’un coup, l’écriture en une phrase relie les deux, et tu te dis “ah mais oui, en fait… trop bien !”. Je crois que c’est ça : quand je suis surprise moi-même. L’étincelle, c’est cette surprise, cet étonnement. Et ce que je trouve absolument magique dans l’écriture, c’est que parfois je bouine sur le truc, j’ai du mal à m’y mettre, je procrastine à mort, et quand j’arrive à m’y mettre, ça prend genre 10 minutes avant qu’il y ait ce truc, c’est hyper rapide en fait ! Parfois oui, je galère 4 heures sur cinq phrases, mais quand même régulièrement, revient le plaisir de l’écriture, ce “ah mais en fait ce truc auquel j’avais pensé, il pourrait aller là”. Ou bien, moi, je joue beaucoup sur les sonorités proches entre les mots et c’est souvent qu’une idée me vient parce qu’elle est associée de manière phonétique à autre chose, et je me dis que c’est trop bien ce lien entre ces deux mots, c’est chouette ce qu’on va pouvoir en faire. J’ai l’impression que cet accès-là, il est rapide. Alors c’est peut-être parce que j’ai bouiné quatre heures avant, mais à chaque fois je me dis “bah ! franchement, t’aurais pu t’y mettre plus tôt !”. Voilà de quoi est faite l’étincelle.

5 mots qui qualifient ta relation à l’écriture en ce moment, aujourd’hui ou cette semaine, sur un présent très proche ?

Intimidante. Ample. Je cherche mes mots, je vois ce que je veux dire mais je cherche les mots qui disent ça. Incarnée. Et il y a quelque chose en contraste avec intimidante, quelque chose de ce qu’on disait tout à l’heure sur l’étincelle. Là j’ai réussi à contourner un blocage, à trouver une façon d’avancer dans un endroit où j’avais pas trop envie d’aller, donc il y a une forme de joie, de trouver… Il y a un peu une idée de corps-à-corps avec l’écriture quand même, dans ce que ça peut avoir de beau et de tendre, et aussi de violent. Surtout au vu des thèmes que je traite. Oui, voilà, corps-à-corps, ça fait trois d’un coup.

4 choses que tu as faites ou qui se sont passées en cette année 2022 et qui ont compté pour toi, et desquelles tu as peut-être appris des choses ?

J’ai fait un voyage à vélo toute seule, et ça m’a appris que j’en étais capable, et que ma façon de m’organiser était aussi valable que des façons que pourraient avoir d’autres gens. J’avais un peu oublié ça, je m’étais beaucoup reposée sur la façon d’organiser de mon amoureux, tout en me disant que je ne savais pas faire vu que je ne fais absolument pas comme lui. Voyager à vélo sans lui m’a permis de me rendre compte que ma façon de faire était tout aussi valable.

J’ai repris une thérapie. Qu’est-ce que ça m’a appris ? Beaucoup de choses. Ça m’a appris que les sujets qu’on croit avoir traités ne sont jamais tout à fait terminés. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ! Et ça m’a appris que des parts de moi n’avaient pas été écoutées depuis longtemps. Voilà… processus en cours.

Qu’est-ce que j’ai fait d’autre ? J’ai refait mon site internet – enfin j’ai fait refaire mon site internet serait beaucoup plus juste. Ça m’a appris que mon positionnement s’était beaucoup affirmé depuis deux, trois ans, et que j’avais plus de finesse dans ma façon de dire et de faire. Et c’est assez drôle parce que quand je retombe sur des documents aux couleurs de mon ancien site, ça me paraît hyper criard, alors que j’ai adoré ce site et ces couleurs. Mais quand je les vois, j’ai vraiment l’impression que j’étais une enfant. Je suis beaucoup plus à l’aise aujourd’hui avec les couleurs du nouveau site. 

Et 4 : [NDLR : Oups, encore une partie de l’enregistrement disparue.]

3 objets qui te mettent en joie ou symbolisent quelque chose d’important pour toi ? Idéalement des objets qui sont autour de toi.

Alors, le premier, c’est déjà un objet en trois parties. Ce sont trois figurines Lego, trois femmes. C’est mon amoureux qui me les a ramenées des Pays-Bas, où il les a fabriquées. Quand il me les a données, il m’a dit “C’est quoi leur point commun ?”. J’ai dit : “C’est des femmes”. Il a dit : “Oui, et puis elles portent toutes du violet, c’est des militantes de la grève féministe”. J’aime bien les avoir, là.

Le deuxième, c’est une petite poupée que ma grand-mère m’a offerte, en me disant “C’est ta poupée d’écriture, pour t’accompagner quand tu écris”. Ça m’a hyper touchée et émue. Du coup, elle est là sur mon bureau pour m’accompagner quand j’écris. C’est assez rigolo, parce que selon l’orientation dans laquelle je la mets, je peux vraiment avoir l’impression qu’elle me regarde. Genre, là, elle me regarde : ok, ok, je m’y mets.

La dernière chose, c’est une sérigraphie de Solange te parle, en duo avec Samuel Eckert. Je l’aime beaucoup. C’est une personne, de dos, il y a écrit autocâlin, et on voit juste ses mains qui accrochent son dos. Quand on écrit, et dans la vie en fait, qu’on écrive ou pas, c’est important cette idée d’autocâlin, d’autoempathie, et d’autocompassion. Je crois pas du tout que ce soit quelque chose d’égoïste et d’individualiste. Et moi, ça m’aide beaucoup d’avoir ça pas loin. Quand je fais des visios, je le vois, elle est derrière moi. Dans le texte que j’écris, il y a plein de moments où je me dis “passe pas en force, et là c’est ok d’avoir besoin d’un autocâlin”.

2 questions que tu pourrais te poser à toi-même en ce moment ?

De quoi as-tu vraiment envie ?
Et qu’est-ce que tu peux faire pour t’aider à traverser les prochaines turbulences ?

Et 1 : si tu devais choisir une seule façon de dire ce que tu fais, une seule façon de te présenter ?

Je pars du présupposé que les histoires en chacun, chacune, peuvent aider à mieux vivre le monde.

Merci Amélie !

Et maintenant ? Tu peux écouter-lire l’épisode 2 et l’épisode 3 de cet entretien.

Pour suivre ses ateliers, ses programmes d’écriture en autonomie, te procurer son roman et t’abonner à sa newsletter  : https://ameliecharcosset.com/ et pour lire ses coulisses d’écriture : https://fr.tipeee.com/ameliecharcosset

Crédit photo : Nirine Arnold

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