Aujourd’hui une phrase que j’ai dite

Aujourd’hui youpi ! J’ai enfin écrit une newsletter, un billet de blog et publié une cueillette de choses aimées. Après des mois d’absence et de silence, écrire est laborieux. Les idées qu’on pensait nettes atterrissent toutes ratatinées, mal ficelées sur le “papier”, la mélancolie déborde de partout quand on voudrait pourtant passer une onde enjouée, joyeuse, habitée et l’inquiétude surgit de ne plus jamais y arriver. Dans ma newsletter, une phrase que j’ai dite : “je préfère essayer, risquer de faire un truc nul plutôt que rien du tout.”. Je le pensais vraiment, et j’espère m’en souvenir dans les prochains jours.

Aujourd’hui bras

Aujourd’hui, il suffirait de tendre les bras, et de taper sur ce clavier. Il suffirait d’essayer. Les idées sont là, ça marine depuis quelques semaines. Ça marine et ça stagne, je me couche en pensant à ce que je rêve d’écrire le lendemain, et chaque lendemain, je n’écris rien. Nous sommes en pleine “dead week” (l’expression est parfaite, relayée par Austin Kleon qui a lu Helena Fitzgerald), le temps s’écoule différemment. Se sentir bonne à rien, et désireuse de tout. La VMC fait un bruit d’enfer, comme une tempête en mer. Il suffirait de tendre les bras, et de plonger.

Aujourd’hui le prix à payer

Le divan est plutôt une banquette, d’un rouge profond, avec un coussin pour la tête, et une serviette pour les pieds chaussés. Je m’y installe et je ne sais par quel procédé je choisis ce sujet plutôt qu’un autre pour commencer, quand deux ou trois autres me trottaient encore dans la tête une seconde plus tôt quand j’étais debout juste avant de m’allonger. Je dis quelque chose. Je choisis de dire quelque chose. Je dis aussi que je n’ai rien à dire en société. La voix qui reste là, qui ne part pas, m’invite à distinguer : n’avoir rien à dire et ne pas avoir envie de parler. J’entends et je crois que ça me laisse un peu bouche bée. Je dis des choses encore. C’est l’heure. Je sors le chèque de mon porte-monnaie, lui tends et me voilà déjà dans l’escalier, la rue, le métro. De nouveau debout. Adossée aux portes du wagon, quelques morceaux obsessionnels dans les écouteurs, je laisse résoner cette histoire de rien à dire et pas envie de parler. Ça me travaille mais je n’y comprends rien. Aujourd’hui, le prix à payer, c’est aussi ça.

Aujourd’hui rues

Le bus est en service partiel, on nous débarque à Arts et Métiers. Je cherche avec mes kilos de livres et d’ordi sur le dos une alternative, en bus de préférence. Ces derniers mois, j’ai le temps, le luxe, des trajets longs et lents qui m’offrent le spectacle des rues et des ciels de Paris plutôt qu’une suite précipitée de tunnels et de quais. J’approche d’un autre arrêt : zut, aucun bus ne fait la traversée vers l’autre rive, une manifestation. Tiens, je m’en souviens maintenant, celle des psychiatres hospitaliers. Je ne râlerai pas tant je me réjouis qu’ils occupent la rue et leur souhaite d’être entendus. Je me résous à prendre la ligne 4, que j’évite d’ordinaire soigneusement, et descends au carrefour d’Odéon. Des souvenirs d’une autre époque et l’odeur des crêpes me saisissent en haut de l’escalier. Arrêt : click and collect de Gibert. Arrêt : impression de 13 articles, 200 pages environ. Terminus : le bâtiment de toutes mes soirées, ma quasi deuxième maison cette année. Au milieu, les rues et les ciels de Paris, à pied. Je m’aperçois que je ne le fais presque plus, marcher et les aimer autrement que par une fenêtre vitrée. Merci aujourd’hui pour ces rues, plaisirs imprévus.

Aujourd’hui détails au plafond

Rendez-vous dans l’affreux bar aux fauteuils en cuir rouge et aux murs miroirs. J’arrive peu préparée, je me dis que si ça doit se faire, ça se fera. Lâcher la bonne élève toujours prête, rêvant d’être parfaite, me fait du bien. Je réponds comme ça vient, je n’ai pas prévu de questions, j’écoute, je parle. Je cherche quand même mon désir au milieu de tout ça. Comment faire pour “y tenir”, quand on décide de “lâcher” ? Je ne connais pas cet endroit funambule, où l’on peut s’engager, désirer quelque chose ardemment, sans pour autant chuter dans des abysses de pression, d’anticipation, de crispation. Aujourd’hui, j’écoute, je parle, je cherche mes réponses en levant les yeux, comme on cherche vainement des détails au plafond.

Aujourd’hui armé comme le béton

Je marche à ses côtés, dans les pentes du petit parc. Armé de patience et d’un parapluie qui n’aura pas servi, il se prête au jeu d’un cache-cache réclamé par M. et C. que nous gardons ce week-end. Je sais qu’il souffre un peu, son genou le blesse, le ralentit. J’ajuste mes pas. Nous faisons mine de chercher, ici et là, derrière cet arbuste, ce muret, cette allée, lentement. Je prends le temps d’aimer ce moment, et surtout d’être éblouie par ce ginkgo éclatant, radieux soleil dans l’automne gris et froid comme le béton.

Aujourd’hui une bonne chose de faite

Avant-hier, on sollicite mon avis sur un rapport, j’émets quelques réserves sur la façon dont une page est tournée, on m’invite à rédiger une alternative. Craignant de repousser, de buter, je m’y mets, une fois n’est pas coutume, de suite et ponds la page au plus vite, dans l’heure qui suit la réunion. Aah. Une bonne chose de faite. Hier, on me remercie, pour la tournure plus habile, bien reformulée. Ooh. Une chose bonne de faite. Aujourd’hui, un autre on me dit que l’argumentaire ne tient pas. Aïe. Une bonne chose de faite à refaire.

Aujourd’hui tête pleine de

Aujourd’hui, tête pleine d’idées sans mots. Je voudrais écrire et surtout publier, revenir habiter ce lieu, je regrette tout ce que je n’ai pas noté ces derniers mois. Il faut tout noter tout le temps, faire des réserves, ne pas croire qu’on se souviendra. Des idées il y en a, la tête oui pleine de ça, mais les mots me glissent des doigts. J’ai peur de ne plus savoir, de ne plus savoir aimer les je-ne-sais-pas.

Aujourd’hui j’étais un animal quand

Je décide d’écrire à nouveau, chaque jour. D’essayer du moins. Par où commencer quand on a si longtemps arrêté. Le temps, le vide, créent un trop-plein d’attentes et d’exigences. Il faudrait, pour un retour, créer quelque chose d’éclatant, se distinguer. Leçon supplémentaire pour l’avenir : le régulier dégonfle cet orgueil, donne au réel plus de palettes pour exister, du bon, du moins bon, du très mauvais, la douceur de faire avec les jours sans. J’étais un animal tapi, craintif du jeu et du dehors, je sors aujourd’hui voir si l’hiver peut devenir printemps.

Aujourd’hui séduction de

Aujourd’hui, je prépare à la dernière minute une interview, je prépare trop tard, et quand même je prépare un peu trop. Je ne veux pas d’un truc très édité, très pensé car si c’est joli dans l’idée, je trouve ça moins intéressant à lire ou écouter : on risque de se laisser un peu séduire par soi-même, au détriment de l’écoute de l’autre et de ce qui est présent. Je ne veux pas non plus d’un truc sans queue ni tête, sans cadre, sans intention, sans respect pour celui ou celle qui se prête au jeu. Mystère des choses qu’on évite et dans lesquelles on s’entête : je fais les deux. Quelque chose de trop pensé, qui ne laisse pas place à l’imprévu, à la pensée qui se construit à deux, aux silences, au spontané. Et quelque chose d’en même temps trop décousu, on ne sait pas où ça va, d’où ça part, pas de fil. Mystère des choses (impar)faites : je trouve malgré tout ce moment très réussi. J’ai adoré et me réjouis de bientôt recommencer.

Aujourd’hui un projet

Aujourd’hui je m’y tiens. Un projet, un seul : étudier. Je m’y remets sans mal, et à peine le choix fait, la passion revient. Je laisse les bribes d’écriture de côté. Je laisse les autres projets en sourdine exister. Sous les arbres, je vois soudain comme ces projets sont familiers. En psychologie, comme en écriture, tout devient matière, à sentir, penser, travailler. En psychologie, comme en écriture, cette même question comme une rengaine : qu’est-ce qu’on en fait ? Créer du possible, de nos impossibles, de nos silences, de nos impasses, de nos inachevés.

Aujourd’hui la sécurité c’est

Aujourd’hui la sécurité c’est tenir fermement mes clés en arrivant dans le local poubelles, prête à les planter dans l’œil de tout individu malfaisant qui surgirait. Personne n’a surgi, j’ai continué de serrer mes clés en remontant.

Aujourd’hui la sécurité c’est employer des mots plutôt délicats et littéraires pour masquer le fait que j’ignore à peu près tout du sujet dont on parle dans cette réunion. Personne n’a remarqué, j’ai continué de sourire en écoutant.

Aujourd’hui la sécurité c’est être désignée personne de confiance par celui qui va subir une petite intervention, et par ce signe-là, se sentir aimée. Personne de confiance, j’ai continué d’y penser toute la journée.

Aujourd’hui un mot en anglais

D’un coup la lumière est tombée, suivie de quelques gouttes. Franches, nettes, menaçantes. Le tonnerre n’a pas tardé, suivi de grands éclairs, juste au-dessus de nos têtes. L’orage en ville vu d’un fauteuil, d’une fenêtre. À la fascination se mêlent un frisson ancestral, une peur lointaine, animale, ce sentiment d’être une bête. Minuscule, vulnérable, à l’affût du fracas, car on ne sait pas de quoi la terre est capable. Me vient ce mot en anglais, puisque le réel en réclame un : awe, sentiment d’admiration mêlé de crainte, terreur, émerveillement. Je jette un œil sur wikipédia. La page est illustrée d’un orage.