Choses aimées 23-09

“non, je pense pas que j’aie des choses à dire, de belles choses qui chatouillent les beaux sentiments, des questions qui soulèvent la poussière des idées reçues, des réponses qui soulagent les angoisses des insomniaques, un message d’une quelconque sagesse à transmettre au monde (…) non, vraiment, je pense pas qu’il vaille encore la peine de tenter quoi que ce soit, tout ce que j’écris est plat, ridicule, absurde, pathétique, ordinaire, ennuyeux, je pense pas qu’il soit utile de continuer, je pense vraiment que je vais m’arrêter là”
bastramu, je pense pas #10

la peine de tenter quoi que ce soit

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“Also, on another note, I’m unsure if continuing to blog is for me anymore. I’ve put a lot of effort into this little site, and it seems to be going nowhere.
I know, I know…blogging should be for yourself first, but…BUT I just don’t know anymore. I guess it’s just one of those days where I feel like my creative pursuits are just a waste of effort, time, and energy.”
Veronique.ink

it seems to be going nowhere

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“Maybe that’s what all these divorces were about. We watch ourselves and our spouses change, and the work is to constantly recall the reasons why you did this in the first place. You mistake the person closest to you for your misery. You think, « Maybe if I excised this thing, I’d be me again. » But you’re not you anymore. You haven’t been you in a long time. And it’s not his fault. It was always going to happen. And what were you gonna do with the fact that time was gonna march on anyway? What were you gonna do with the fact that you couldn’t win this fight. That was the problem. You were not ever going to be young again. You were only at risk for not remembering that this was as good as it would get in every single moment. That you are right now as young as you will ever be again.”
Fleishmann is in trouble, épisode 8

you are right now as young as you will ever be again

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“Sometimes we are so confused and sad that all we can do is glue one thing to another. Use white glue and paper from the trash, glue paper onto paper, glue scraps and bits of fabric, have a tragic movie playing in the background, have a comforting drink nearby, let the thing you are doing be nothing, you are making nothing at all, you are just keeping your hands in motion, putting one thing down and then the next thing down and sometimes crying in between.”
Lynda Barry, citée par Austin Kleon

let the thing you are doing be nothing

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“Stop NOT writing. Just do it, badly. Just write the thing you need or want to write, that you are avoiding. That avoidance is costing you greatly, isometrically, and in general well-being. So can you find one measly hour, to write, badly?”
Anne Lamott citée par advicetowriters.com

stop NOT writing

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“whatever you think is boring or ugly in your photograph today might quite possibly be the most interesting thing about the photograph in the future.
Knowing this, I am inclined to go the other direction and do my best to imperfect my memories: leave in all the things I’m supposed to crop out. (This is why I leave in all the dumb, mundane crap I do every day in my logbook: what I have for lunch, meetings, what I watched on TV, etc.)
I try to remember that I have no idea today exactly what I’ll want to remember about today in the future.”
Austin Kleon

leave in all the dumb, mundane crap
I have no idea what I’ll want to remember

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“Un mot sur mon prochain livre, et je vais à nouveau citer Dylan : “en bonne partie, écrire des chansons consiste à les améliorer”.

C’est la même chose pour l’écriture de romans ! Je vous disais la dernière fois que le premier jet avançait bien. Avant même de l’avoir terminé, me voici parti dans la rédaction d’une nouvelle version. Ne me demandez pas quelle est ma méthode : c’est une horreur et un véritable chaos. Mais, espérons-le, il y aura bien un livre à la fin !

Certains jours, je suis satisfait de ce que j’ai écrit, d’autre fois, je suis face à la page blanche, incapable d’avancer. J’ai une image idéalisée du livre à venir, et je sais que je pourrai au mieux m’en approcher, sans jamais l’atteindre. Souvent, ce qui me touche le plus dans une œuvre, ce sont les imperfections. Je dois m’en souvenir dans mes moments de doute. Et apprendre par cœur cette phrase de Sophie Divry : “le roman trouve son épanouissement dans une certaine impureté.””
 Rien que du bruit #60 de Philippe Castelneau

écrire des chansons consiste à les améliorer

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Ça me fait grand bien de réparer (faire réparer) des choses ; ça me donne de l’espoir, alors que je me sens toute cassée à l’intérieur sans trop savoir comment repriser ça. Courir derrière les escargots. Ralentir. Respirer.
Journal de février (2) d’Amélie Charcosset

l’espoir

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“Hope will find you standing naked in the soft swathes of light that arrive through a 1am window, and it will watch your defences unfold and surrender.
(…)
Hope will propel you forward, out of the familiar space you have occupied for so long and into the great unknown. It will rest it’s hand gently on yours, and listen to the way your breathing betrays your words and reveals your heart; every exhale leaving you clean and ready to start again.”
Sarah Moses

ready to start again

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On parle aussi de pourquoi c’est difficile d’écrire (car toujours ça me revient : bon, en réalité, qu’est-ce qui est si compliqué, dans le fait d’être sur son ordinateur sur un canapé avec une tablette du chocolat pas loin à faire un truc que personne n’attend et dont personne n’a besoin, pourquoi est-ce que ça se révèle si complexe ??), et de pourquoi on le fait quand même.
(…)
Maaï m’écrit qu’elle a fini sa thèse. Je n’arrive à lui répondre qu’une longue ligne de points d’exlamation. Yeeeah. Je me dis que moi, je pourrais au moins essayer de (commencer et) finir ma newsletter (lol). Chose faite. C’est bon, un entourage qui tire vers le haut.
Journal de février (2) d’Amélie Charcosset

je me dis que moi je pourrais au moins essayer

À partir de là

J’adore cet endroit. Le matin, il est surtout peuplé de gens seuls, la plupart avec un journal, un café, de grandes pages dépliées sur le comptoir doré. Une vieille dame drapée de rides et de vêtements noirs gratte sans fin ses tickets de jeu, une femme en pantacourt parcourt le Monde des Livres, un couple, quoi, quinqua ?, lit côte à côte, deux hommes, trentaine, quarantaine, se saluent et commandent sans trop parler, les pieds repliés sous le tabouret, une vieille dame en manteau léopard étale la presse anglaise sur une table pour quatre, puis téléphone en haut parleur avec des mots comme empoisonnement et coloscopie, un vieil homme déboule avec son caddie rouge, et fait tous les efforts du monde pour se glisser, le dos courbé, entre deux tables : non non non ne bougez pas. Un groupe de jeunes filles étrangères s’extrait de la petite pièce du fond pour payer l’addition, j’imagine devant elles toute une journée d’exploration. Paris. Puis je l’aperçois, au fond à gauche, rassembler manteau et sac à dos, se diriger lui aussi vers le comptoir pour payer : le chanteur de Feu! Chatterton, Arthur. Je réprime ma joie de le voir, de le croiser, en vrai, je retiens mon sourire, et tiens fermement ma tasse de café dans laquelle je plonge mon nez, mes yeux, mon corps tout entier. Je fais comme si de rien n’était, et j’ajoute silencieusement Arthur à ma liste étonnante des « célébrités croisées ».

Puis la chaise en face de moi est occupée. L’amie A. me parle de sa semaine étrange, suspendue, de ce qu’elle attend – ce sont ses mots – depuis 15 mois, de ce qui n’arrive pas. Je suis heureuse qu’elle m’en parle, ça n’est pas toujours le cas. On a tort, pour une grossesse, de parler d’attendre un enfant. L’enfant est là. Attendre un enfant c’est autre chose. C’est ce que vit A., et beaucoup d’autres. Ce que je ne feindrai pas de comprendre tout à fait car je n’ai pas ce désir-là. Mais ça ne m’empêche pas de voir et de sentir combien ça peut être pesant, éprouvant. D’attendre un enfant.
L’amie A. m’écoute aussi, parler de mon boulot à temps partiel, du projet de stage qui se concrétise, de mes cours, des écoutes. Elle comprend l’importance de chacune de ces choses pour moi, et je me dis : quelle chance.

J’adore cet endroit. Dans ce café, ce matin, je me sens en sécurité, dans ce café, ce matin, j’aime Paris. J’oublie un moment la peur, dans la rue, de jour, de nuit. J’aimerais que ça disparaisse. J’aimerais revenir à « avant ». Avant, quand j’écrivais dans un carnet merci *lenomdemarue*, si heureuse d’y avoir emménagé. Avant les événements. Mais on ne peut pas revenir à avant. Je me manque ces temps-ci, je repense en boucle à dix ans plus tôt, aux mots que j’écrivais, et à ce que je faisais. Tout était différent. On ne se « récupère »pas, on ne se « retrouve » pas. Certaines choses nous changent définitivement. En bien aussi. Ce n’est même pas la question, en bien en mal. Il n’y a juste pas de retour à la normale car il n’y a pas de normale. Et je ne peux que regarder devant, autour de moi, et prendre la joie. La mosaïque au sol, le pain au chocolat, le Monde des livres sur un comptoir doré, Arthur dans son grand manteau, l’amitié, l’écriture, les matins, le soleil, le café. Je ne peux que créer à partir de là, maintenant, depuis cet endroit. Il n’y a pas de pèlerinage possible, pas de sauvetage. Rien à ressusciter. On ne peut que créer.

Le grand méchant « non »

Tu n’as pas besoin d’aller mal pour dire non. Tu n’as pas besoin de te justifier. Tu n’as pas besoin d’avoir des soucis. Tu n’as pas besoin d’une bonne excuse. 

Ces dernières semaines, j’ai dit non, à plusieurs sollicitations, répétées, et un peu sourdes à mon tout premier non. (Les détails sont pas hyper importants : c’est pour un groupe dans lequel je me suis pas mal investie en 2022). Donc je dis non, pour telle tâche, telle autre, telle autre et telle autre. Gros challenge pour mon muscle atrophié du “non”.

Je me sens quand même un peu obligée de dire que la rentrée est très dense pour enrober le grand méchant “non”. C’est semi-vrai. Ça resterait possible de caler ici ou là les heures pour faire ce qu’on me demande, mais l’enjeu pour moi c’est la dispersion, j’ai déjà trop de balles en l’air, besoin d’alléger, de simplifier. Je dis donc que la rentrée est drôlement chargée. Je sens qu’il me faut une excuse.

J’ai croisé une camarade, elle aussi trop sollicitée, au point d’en être dégoutée. Elle me dit, haletante et énervée : “j’en ai marre, j’ai pas que ça à faire, j’ai trois enfants, le cursus, le boulot… C’est pas ma priorité”. Je lui ai tout de suite répondu, wow wow wow, qu’elle n’avait pas besoin de se justifier, qu’elle avait le droit de ne pas avoir le temps ou l’envie, sans fournir en PJ le détail de son agenda. Car moi, je n’ai pas trois enfants ni un boulot à plein temps, et pour autant je ne veux pas investir mon énergie, mes pensées, mes soirs et matins à cet endroit, précisément, là, maintenant. J’ai le droit ? Faut-il forcément trois enfants pour dire non ?

Quelques jours plus tard, on me re-sollicite pour une autre tâche. Je dis que je ne pourrai pas. Et on me demande “ça va ? tu as des soucis ?”. Sur le fond, c’est gentil je crois. Mais je me demande : faut-il aller mal pour être dispensée, faut-il avoir des soucis pour avoir le droit dire non ? J’ai connu les années avec de très bonnes excuses, les proches malades, les deuils : le joker absolu, la garantie d’un non socialement légitime, sans négociation. Et là, ça va bien. Bon sang, ça va bien, des projets qui mettent en joie, qui mettent la barre haut parfois, et pas de drames autour. 

Pas de drames. J’ai le luxe de choisir à quoi je dédie mon temps. Je me réserve des heures concentrées, le téléphone banni, toute entière dévouée à la tâche que je mets ce jour-là en priorité. Je me réserve aussi des heures vides, des heures qui flânent, des heures rêveuses et paresseuses, et des espaces pour dire oui à ce café, ce dîner, cette balade, ce truc chouette improvisé. Je me réserve des incertitudes, de la place dans le paysage intérieur, de l’horizon devant, des moments où, qui sait, je pourrais bien avoir l’élan d’écrire ici, faire ces choses qui ne servent à rien mais qui font du bien. Pour une fois, dire non parce que ça va. Ça va bien, merci.

Le vrai début

Je n’ai pas eu envie de sortir aujourd’hui. Premier mars, j’ai le sentiment qu’une nouvelle année commence. Peut-être parce que c’est le mois de mon anniversaire, et qu’au fond j’ai toujours associé ce mois au vrai début.

Je n’ai pas eu envie de sortir car je crains le froid, le vent, je renonce au soleil sur mes joues, au plaisir de marcher dehors, les mains dans les poches, l’écharpe mal fichue, avec ou sans but. Merci le plaid gris mousseux qui recouvre mes pieds, merci la société qui me permet de reprendre des études et de payer la chaleur qui monte dans les radiateurs, merci l’eau brûlante sur mes doigts glacés après une cigarette fumée à la fenêtre, merci la machine qui lave mon linge, merci mes trois piles de livres, pour la patience et la promesse.

Le vrai début, ce serait d’écrire quand l’envie est là. Et de se forcer un peu quand l’envie est loin. Ce serait de ressortir le tapis violet, lancer une vidéo d’Adriene pour faire une vingtaine de minutes de yoga et soigner ainsi les douleurs au dos, aux genoux, la faiblesse dans les bras, les cuisses, le souffle et les mollets. Ce serait de reprendre la lecture des livres commencés en août, en décembre, en janvier.

Le vrai début, ce serait de dire merci pour les choses très simples aujourd’hui comme écrire quelques lignes, près du radiateur, les mains sur le clavier, avec ou sans but, un plaid gris mousseux sur les pieds, et devant moi trois piles de livres et un tapis violet.

Choses aimées 23-08

“I have a very complicated ritual about writing. It’s psychologically impossible for me to sit down [and do it], so I have to trick myself. I elaborate a very simple strategy which, at least with me, it works: I put down ideas. And I put them down, usually, already in a relatively elaborate way, like the line of thought already written in full sentences, and so on. So up to a certain point, I’m telling myself: No, I’m not yet writing; I’m just putting down ideas. Then, at a certain point, I tell myself: Everything is already there, now I just have to edit it. So that’s the idea, to split it into two. I put down notes, I edit it. Writing disappears.”
Slavoj Žižek cité par Mason Currey

to trick myself

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“In her book, The Creative Habit, Twyla shares that her morning routine was NOT to go to the gym. Instead, it was far more simple: wake up, put on sweats, go outside, hail a cab to the gym.

The thing she is actually trying to do — exercise — was not the thing she committed to do each day. Instead, she focused on getting herself out of her apartment and into a cab. Once she was in the cab and on her way to the gym, the inertia took it from there.

If you focus on the very first steps of the starting line, it can be much easier to just get started.”
Shawn Blanc

focus on the very first steps

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“Predetermine the stopping point. When Seinfeld sits down to write, he knows exactly when he’s going to stop writing. Most people sit down to work with an open-ended block of time. “That’s a ridiculous torture to put on a human being’s head,” Seinfeld said… “It’s like if you hire a trainer to get in shape, and you ask, ‘How long is the session?’ And he says, ‘It’s open-ended.’ Forget it. I’m not doing it. » The brain needs rewards, Seinfeld says. « And the reward is: the alarm goes off, and you’re done. »
10 habits and principles, from the writer and comedian Jerry Seinfeld rassemblés par @bpoppenheimer

predetermine the stopping point

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“Hier soir, je n’avais pas complètement envie d’écrire. Je me serais bien laissée engourdir par le feu et peut-être maté une série sur Arte. Et puis, j’ai pensé, Tu es venue là pour écrire, écris au moins sur ton blog. Une journée où j’écris, j’éprouve ce sentiment de quelque chose d’accompli.”
Christie sur maviesansmoi

ce sentiment de quelque chose d’accompli

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“Parce que plus on fait, plus on ose. Plus on fait, plus on écoute son intuition. Plus on fait, plus on fait comme on est.” 
Morgane Sifantus

plus on fait, plus on fait comme on est

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“Writing and painting do not erase my fears. They don’t disappear completely. But translating them into words and watercolors allows me to explore them and to have volition over them, even a sense of wonder at what emerges. I become the handler of my fears, not the handled. This is what I told a dear friend later that morning. A loved one of hers is sick, and they were waiting for test results, and we commiserated over how torturous the waiting is. “I hope you get a chance to write some morning pages, or maybe even paint,” I said. “It doesn’t take away the terror, but it changes its shape.”
The isolations journal

it doesn’t take away the terror, but it changes its shape

Choses aimées 23-04

La cueillette de la semaine 4 :

Nous avons parlé. Je lui parle de la tristesse de voir cette mémoire partir. Il comprend. Il dit qu’il faut vivre chaque jour pleinement. Il dit que l’on doit se lever le matin avec le désir du monde. Car de toutes façons à la fin les choses sont brisées, cassées, pulvérisées.
Karl Dubost sur les carnets web de la Grange

se lever le matin avec le désir du monde

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Il est clair pour moi qu’on ne pense jamais tout seul, on pense avec les autres, les morts et les vivants.
Carmen Castillo au micro de Marie Richeux sur France Culture

avec les autres, les morts et les vivants

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« Je veux écrire je veux que mon écriture n’ait pas de sens je veux que mon écriture soit stupide. Mais le langage que j’utilise n’est pas ce que je désire et fabrique. C’est ce qui m’est donné. Le langage est toujours une communauté. Le langage est ce que je sais et c’est mon cri. »
Kathy Acker, Don Quichotte, traduit par Laurence Viallet
Extrait lu sur la page d’accueil de https://chroniquesdesimposteurs.wordpress.com/

et c’est mon cri

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I have so much writing scattered across myriad notebooks, writing editors, pages, notes, old blogs, the cloud, social media apps, etc.

Do I need all of these containers? Sometimes I feel these various platforms evoke different aspects of myself, affecting my writing.

My private writing is a mish-mash of unfinished thoughts, drawings, ideas for projects, and a disregard for unpretty words or clever sentences. I write fast, unbridled. Copious tangents and rants. Deviant notions and gushing obsessions.

My public writing feels restrained, edited, light, safe, and reined in. Bland?
Veronique sur son blog

a disregard for unpretty words or clever sentences

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Keeping too many words private weighs me down, not in the sense that they are depressing, but more symbolically… and almost literally. Private words literally function like weights. They seep through the crust and stay close to my core. They ground me. They anchor me. They keep me from floating away.

Even so, I publish most things instead of keeping them private.

Because, first of all, it’s incredibly difficult to keep private things private. Even though I will of course omit personal details, something will get into the public words. It is near-impossible to keep things separated.
Ithaka O sur son blog

keep me from floating away

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L’idée c’est d’avoir un petit carnet toujours avec moi (à cet instant par exemple il touche mon coude droit), dans lequel je note toutes mes idées sous la forme j’aimerais, je pourrais.
(…)
J’aimerais, je pourrais – no pressure – juste, sonder mon coeur sur ce qu’il désire, sonder mon être sur les forces dont il dispose. Le stylo à la main, prendre la dictée de ce qu’ils ont à me dire – sans me préoccuper du comment, de si je vais le faire, ou pas.
Je prends des idées. Je prends des forces. Je prends du courage.
Christie sur son blog maviesansmoi

j’aimerais
je pourrais

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– On n’épuise pas le réel, son infinie densité, on ne l’épuise pas.
– Alors on fait quoi avec la lumière de l’écriture, on le creuse, on y revient, on le regarde sur un autre angle ?
– Déjà, on fait ce qu’on peut. Ça, c’est sûr. Je n’ai appris que ça en 25 ans d’écriture. On écrit les livres qu’on peut. Et celui-là me l’a rappelé de façon haute et claire.
Marie-Hélène Lafon au micro de Marie Richeux sur France Culture (à environ 28’)

je n’ai appris que ça

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« écrire est souvent refuser d’écrire, refuser de raconter, refuser de se plier à la grande racontade généralisée » ;
« écrire : l’art de la juxtaposition, de l’ellipse : un changement : un tournant : un ultime touillage de la marmite pour y racler le fond : une obstination »
Edith Msika

y racler le fond : une obstination

Choses aimées 23-03

La cueillette de la semaine :

Ces 2 poèmes : “La cantoche” et “Insuffisant”
de Thomas Vinau sur son blog

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A chaque fois, j’oublie.
A chaque fois, la vie me dévore et j’oublie de venir écrire. Je me fais happer par toutes les distractions que le monde m’apporte. Je fais la pieuvre, je me lance dans mille projets en même temps. Je monte des projets, j’accompagne, j’écris pour d’autres. Je fonctionne pour le collectif et j’oublie mon dedans. Je cours partout et je n’écoute pas. Je fais des tours, des ronds, des cercles qui finissent toujours pareil.
A chaque fois, je reviens ici.
(…)
A chaque fois, je me rappelle.
Qu’il y a quelque chose à l’intérieur qui ne demande qu’à être posé. Ecrit. Que tous les mots qui papillonnent dans ma tête attendent simplement d’être attrapés. Couchés sur du papier. Que c’est ce que j’aime le plus faire et que j’oublie pourtant toujours. Concentrée sur ma carrière, mes projets professionnels, je me coupe de ce qui palpite en dedans. Tout ce qui me fait créer des choses à partir du néant.
lu sur le blog murmuration

à chaque fois, j’oublie
à chaque fois, je reviens ici

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Je le dis et le re-écris tant que cela est possible pour déculpabiliser certaines thèses têtes candidates au doctorat, un sujet évolue au gré et malgré toute bonne volonté de cohérence et de ligne droite. Certaines thématiques, angles d’approches, intérêts ou hypothèses de recherche sont tels qu’ils sont à domestiquer sur la durée, comme certains chats. (…)

Faites meute avec des enfants aussi perdus que vous.

Trouvez-vous un coin où tatônner dans le noir.

Gardez en tête la Louve anglaise

qui parlait de ses chambres à soi
dont on a encore besoin au-delà des espaces dont les cloisons se multiplient autour de nos écrans.

Partez de rien, pensez la déconstruction d’un système pour la fabrique du vôtre, trouvez votre ERRANCE FERTILE.
Margot Mellet dans son journal de recherche sur blank.blue

trouvez votre errance fertile

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Instead of crowding your attention with what’s already going viral on the intertubes, focus on the weird stuff. Hunt down the idiosyncratic posts and videos that people are publishing, oftentimes to tiny and niche audiences. It’s decidedly unviral culture — but it’s more likely to plant in your mind the seed of a rare, new idea.

I love the idea of “rewilding your attention”. It puts a name on something I’ve been trying to do for a while now: To stop clicking on the stuff big-tech algorithms push at me.

The metaphor suggests precisely what to do: If you want to have wilder, curiouser thoughts, you have to avoid the industrial monocropping of big-tech feeds. You want an intellectual forest, overgrown with mushrooms and towering weeds and a massive dead log where a family of raccoons has taken up residence.
Clive Thompson

focus on the weird stuff

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(en parlant de Louis De Funès) sa manière de fonctionner, sa mauvaise voix est délicieuse, ses défauts sont délicieux. Les défauts, les défauts des hommes, c’est ce qu’il y a de plus intéressant, c’est de ça qu’il faut parler, de nos défauts. Si on met un couvercle sur nos défauts, on se voile la face. La beauté de l’âme n’est pas très intéressante à représenter, les défauts oui.
Christian Hecq dans le grand atelier sur France Inter

c’est de ça qu’il faut parler, de nos défauts

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Il décrit l’avancée de son œuvre en deux ou trois mots plats. Il fait un croquis pour montrer sur quel bonhomme il travaille, il trace une flèche et il écrit :

jeudi les cuisses et les flancs
vendredi le bras
samedi cette tête de mort qui est sur le côté

C’est un rapport d’activité, ça pourrait être chiant à mourir, mais ça m’a passionné. L’art, c’est aussi ça : abattre du boulot, méticuleusement, jour après jour.
Antonin Crenn dans son journal

l’art c’est aussi ça : abattre du boulot, méticuleusement, jour après jour

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Que la peinture comme l’écriture ne cessent d’agir sur qui nous sommes, ou pensons être. Que peinture et écriture nous modifient. Non pas une image projetée vers un avenir. Mais plutôt à la façon qu’entreprend le sculpteur, en ôtant peu à peu de la matière pour enfin distinguer la forme. Une question importante qui revient régulièrement lorsque je peins, j’écris, c’est est-ce que le tableau ou le texte n’existe pas déjà en amont. Que ces objets, buts, intentions sont là depuis toujours, et que seules la patience et la régularité dans le travail permettent peu à peu de les distinguer.
Patrick Blanchon sur peinturechamanique.blog

seules la patience et la régularité

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Il s’agira, plus exactement, de consacrer 10 minutes (ou moins, bien sûr, mais pas plus !), chaque jour, à rédiger une liste des tâches que nous aurons effectuées, tâches liées à l’écriture et/ou à toute activité rémunérée. Si l’une d’entre nous considère que marcher, nager, cuisiner fait partie de l’écriture, elle l’inscrira dans sa liste.

Chaque jour, nous nous enverrons mutuellement nos listes par mail et je propose que nous programmions ces mails pour qu’ils arrivent à 18h dans nos boîtes respectives, quel que soit le moment où nous avons effectivement écrits, afin de ne pas parasiter nos sommeils respectifs. L’idée est de réussir à écrire et envoyer quotidiennement ses dix minutes.
Anne Savelli dans son semainier du 15 janvier 2023

si l’une d’entre nous considère que marcher, nager, cuisiner fait partie de l’écriture, elle l’inscrira dans sa liste.

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L’écriture, c’est la lutte. Se battre contre ce qu’on sait déjà faire, avancer vers le bancal, le ridicule, le mal foutu, le mal écrit, le mal nommé.
Anne Savelli dans son semainier du 22 janvier 2023

se battre contre ce qu’on sait déjà faire

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Je ne prétends pas avoir de solution, ni même de réponse. Je ne prétends pas non plus savoir comment traiter ces questions dans de la fiction, ni avoir les connaissances ou les compétences pour traiter ces questions de manière efficace. En fait, je ne prétends rien du tout, si ce n’est poser des questions.
Hortense Merisier sur son blog

je ne prétends rien du tout, si ce n’est poser des questions

Quelques choses apprises

Nous y voilà, le 31. J’ai parlé hier d’un exercice assez classique pour faire un “bilannée”. Je préfère finalement ce mot à celui de bilan qui m’évoque des réunions poussiéreuses et saturées d’affreux powerpoint. Revenons à nos moutons, cet exercice de bilannée consiste à extraire des choses faites, vécues, ce qu’on en a appris. Comme on extrait le jus d’un fruit. Délicieux. Vraiment. Super antidote au risque de prendre les faits pour des faits accomplis, sans vie, bouche bée. Super invitation à regarder ce qu’ils ont semé pour la suite, ce qu’ils ont à nous dire. Les ranimer pour les faire balises de nos sentiers. 

Dans mon bilannée, j’ai donc d’abord listé quelques trucs que je trouvais réussis, dont j’étais plutôt fière, et je me suis demandée ce qui avait permis, facilité ces choses-là. Puis j’ai listé quelques trucs que je trouvais ratés, manqués, dont je n’étais pas très fière, ou frustrée, et je me suis demandée ce qui avait empêché, fait obstacle, ou provoqué ces choses-là.

J’aime lire ce que d’autres ont appris, la façon dont iels explorent leur propre vie, ce qui taraude, ce qui réjouit, et ce qu’iels peuvent en dire. Alors je partage ici, moi aussi, quelques choses apprises cette année : 

n’attends pas d’être prêt-e, d’être préparé-e : j’ai enfin interviewé A., alors que j’en parlais depuis bientôt 3 ans je crois. Si j’ai tant repoussé, c’est parce que j’attendais de savoir précisément le fil rouge de l’entretien, les thèmes à aborder, les questions que j’allais poser, et le format dans lequel je le restituerai. Un jour, j’ai enfin dit, sans rien savoir de tout ça : notons une date dans l’agenda ! Deux heures avant l’interview, je n’avais rien de prêt, je me suis attablée et assez vite j’avais sous les yeux une dizaine de pages de questions (oui, c’est trop). L’interview est faite, et en cours d’édition pour être bientôt publiée (j’ai hâte !). J’ai adoré ce moment. N’attends pas d’être prêt-e. J’ai été très nostalgique cette année de celle que j’étais 10 ans plus tôt, de mes audaces, de mes effervescences, d’un tas de choses faites, et en regardant bien, je me suis rappelée ma technique imparable à l’époque : je disais je le fais avant de savoir comment. 

pars du principe que tu vas y arriver : je me suis lancée seule dans un montage de meubles assez complexe, avec un mode d’emploi qui dit bien qu’il faut être deux, et j’ai craint jusqu’au dernier moment de ne pas pouvoir soulever la bête. Mais je suis partie du principe, dès que j’ai ouvert les cartons, que j’allais y arriver. C’était décidé. J’ai sué, soufflé, pesté, paniqué, pris des photos pour m’auto-féliciter, mais j’y suis arrivée. Et j’ai réalisé à quel point, sans même me le formuler aussi clairement, je décide parfois que je ne vais pas y arriver, que c’est hors de ma portée, hors de mes capacités. Je me demande tout ce qui pourrait exister si je décidais d’emblée que je vais y arriver. 

le dernier coup de collier : c’est une expression bien enracinée dans mes souvenirs d’enfance, donner un coup de collier, fournir cet effort soutenu, sur une période donnée, pour enfin, enfin, venir à bout de ce qu’on a commencé. J’ai entrepris cette année un grand rangement de mes papiers, photos et tous fichiers numériques, vaste chantier, et alors que j’avais presque fini… je me suis écroulée de lassitude, et j’ai laissé tomber. Je ne sais même plus où j’en étais du classement, c’est beaucoup plus dur de s’y remettre que ça ne l’aurait été de continuer et de terminer ! C’est un exemple parmi d’autres : je me vois faire l’effort, le plus dur presque, et c’est juste avant la ligne d’arrivée que je choisis au lieu de parcourir les derniers mètres d’aller poser mes fesses sur le côté. Bon, pour la suite, je tâcherai d’être attentive sur certains projets au dernier coup de collier. Au courage de faire les derniers mètres.

temps morts et pratiques vivantes : ça tourne en boucle, quand j’écris (oh je n’y arriverai pas, je n’y arrive plus, pas comme avant), quand j’étudie (oh je n’arrive plus à travailler autant, comment me discipliner, ça ne reviendra jamais et autres sanglots étouffés d’anxiété) et puis finalement j’écris et j’étudie. Et j’y prends un plaisir inouï. C’est toujours la même histoire, parce que ça n’est qu’une histoire. Ma légende personnelle – quoique je crois la partager avec un bon nombre de personnes -, ce récit dans lequel j’aime me vautrer, qui me fait perdre un temps fou. Oui, ça revient. Oui, je peux écrire de nouveau, c’est dur mais je peux. Oui, je peux étudier de nouveau, lire, rédiger, me discipliner, m’y tenir. L’erreur, vraiment, c’est plutôt d’arrêter. Tous les temps morts dans ces pratiques vivantes qui me font croire que ce qui était possible hier requiert une force surhumaine aujourd’hui. Garder le rythme, garder le lien avec son travail, son écriture, ses projets, soigner ces relations-là aussi. Faire un peu, souvent. Ne pas laisser des temps morts s’installer trop longtemps. Maintenir ses pratiques vivantes. 

tourne la poignée : la peur a pris beaucoup de place, a grignoté du terrain sur ma vie, mon quotidien ; et si, le plus souvent, j’ai réussi à faire ce que j’avais à faire malgré tout, c’est en pensant à ce passage du livre Wild de Cheryl Strayed sur la peur et la puissance (cité ici). Parfois, ces derniers mois, la main sur la poignée de la porte, quand tout mon corps se figeait, je pensais à elle, randonnant seule sur le Pacific Crest Trail, à ce passage de Wild, et je tournais la poignée. J’y allais. La peur prend tous les bouts de terrain que tu lui laisses. Elle s’immisce partout où elle peut. Elle gagne sans se battre, elle gagne où tu ne luttes pas. Tourne la poignée.

Choses aimées 22-52

Quelques choses cueillies qui donnent du cœur à l’ouvrage.

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Ce dialogue dans la série géniale Only murders in the building :

We don’t want to make a mess of this.

AH HA !, lean in for the nugget, folks. Are you ready for the nugget ? Embrace the mess. That’s where the good stuff lives.

Embrace the mess. 

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William Faulkner : « Écrire, c’est comme craquer une allumette au cœur de la nuit en plein milieu d’un bois. Ce que vous comprenez alors, c’est combien il y a d’obscurité partout. La littérature ne sert pas à mieux voir. Elle sert seulement à mieux mesurer l’épaisseur de l’ombre »

Craquer une allumette.

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Cheryl Strayed dans Wild : « Je savais que si je laissais la peur m’envahir, mon voyage était voué à l’échec. La peur est en grande partie due aux histoires qu’on se raconte, alors j’avais décidé de me raconter autre chose que ce qu’on répète aux femmes. J’avais décidé que je ne courais aucun danger. J’étais forte. Courageuse. Rien ne pourrait me vaincre. M’en tenir à cette histoire était une forme d’autopersuasion, mais, la plupart du temps, ça fonctionnait. Chaque fois que j’entendais un bruit d’origine inconnue ou que je sentais quelque chose d’horrible prendre forme dans mon imagination, je le repoussais. Je ne me laissais tout simplement pas impressionner. La peur engendre la peur. La puissance engendre la puissance. Alors j’avais opté pour la puissance. Et il n’a pas fallu longtemps pour que je cesse réellement d’avoir peur. »

La peur engendre la peur. La puissance engendre la puissance.

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Bérengère Cournut, invitée de Marie Richeux dans l’émission Par les temps qui courent :

« Quand on me demande ce qu’est la poésie par exemple, je n’ai pas de définition très claire mais il me semble que c’est un positionnement. C’est toujours le pas de côté qu’on va faire sur tout type de situation, tout type de sentiment, que ce soit la tristesse ou la joie. Il suffit de faire un tout petit pas de côté pour changer l’angle de vue. Et tout de suite, ça devient un petit peu étrange et un peu plus poétique. Moins personnel aussi. C’est aussi ça pour moi l’enjeu. »

Le pas de côté. Changer l’angle de vue.

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Mona Chollet, invitée de Sonia Devillers sur France Inter : « On donne une valeur morale à la beauté des femmes. (…) Il faut beaucoup de courage pour se débarrasser de l’envie d’être belle. » 

Se débarrasser de l’envie d’être belle.

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Philippe Torreton, invité de Sonia Devillers sur France Inter :

« Je ne joue pas, je dis. Le texte, rien que le texte. C’est la seule façon d’échapper selon moi à la dictature de ce qu’on est, de soi-même, de son corps, de ses défauts et même de ses qualités. S’estimer vachement beau est aussi dangereux que s’estimer nul et moche. La seule façon de se débarrasser de soi, c’est de se missionner pour quelque chose d’autre. Se missionner pour un metteur en scène, c’est dangereux. Se missionner pour un texte, c’est pas dangereux. Il ne peut pas y avoir d’abus avec le texte, le texte il est là. Il a été écrit pour l’humanité, pas spécialement pour toi. En s’oubliant, en se missionnant, c’est là qu’on apparaît. Finalement on apparaît quand on cherche pas à apparaître. » 

En s’oubliant, en se missionnant, c’est là qu’on apparaît.

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Agnès Desarthe, invitée de Cécile Coulon sur France Inter :

« Un des encombrements les plus importants quand on écrit, c’est soi. Parce qu’on n’est que soi déjà, c’est tout petit. On sait pas grand chose, on sait pas faire grand chose, on a une toute petite vie, on n’en a qu’une. Pfffou qu’est-ce qu’on va faire avec ça ? Et puis surtout on se dit : « Qu’est-ce que je vaux ? Pourquoi j’écris ? Qu’est-ce qui me prend d’être là ? Qu’est-ce qui me prend de prendre la parole ? Pourquoi moi ? Je pourrai faire mieux. Je suis paresseuse. Et ils font quoi les autres pendant ce temps-là ? Ah, ah oui, oh là là c’est mieux. » Tout ça, c’est de la perte de temps. Et parfois oui c’est triste, oui on est un peu triste parfois quand on écrit. Avec la traduction, c’est la joie du mot, c’est la jubilation de l’écriture, et il n’y a pas tout ça. Mais, mais, mais, mais. Parfois, quand on écrit, ça se passe bien. » 

Et à la question “Qu’est-ce qui est intraduisible pour vous ?”, Agnès Desarthe répond : 

« Rien ! (…) Rien, c’est la même réponse que si je vous répondais tout.(…) C’est parce que tout est intraduisible que rien n’est intraduisible. Traduire c’est voué à l’échec. Un jour on m’a demandé quel était le mot qui définissait le mieux mon activité, et j’avais dit : déception. Quand j’écris, c’est décevant. Quand je fabrique, c’est décevant. Quand je traduis, c’est décevant. La déception, c’est très au coeur de mon métier. C’est impossible ! C’est impossible de traduire. Mais c’est comme dire c’est impossible de connaître l’autre. Est-ce que c’est vraiment une raison pour rester chez soi, tout seul, à moisir ? Au contraire ! Essayons… Puisque c’est impossible. Essayons. Et essayons de toutes nos forces. On peut que aller vers le mieux, puisqu’on part battus. » 

Essayons de toutes nos forces. Puisque c’est impossible.

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Joan Didion, dans la préface de son premier recueil d’essais Slouching Towards Bethlehem (1968), citée par Mason Currey dans sa newsletter

« Je ne sais pas ce que je pourrais vous dire de plus sur ces textes. Je pourrais vous dire que j’ai aimé en faire certains plus que d’autres, mais que tous ont été difficiles à faire et m’ont pris plus de temps qu’ils n’en valaient peut-être la peine ; qu’il y a toujours un moment dans l’écriture d’un texte où je suis assise dans une pièce littéralement tapissée de faux départs et où je n’arrive pas à mettre un mot après l’autre et où j’imagine que j’ai subi une petite attaque cardiaque, me laissant apparemment indemne mais en réalité aphasique. » 

Mettre un mot après l’autre.

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Ce poème “Failures in Infinitives” de Bernadette Mayer  (ah tiens, il date de 1968 aussi !)

Why am I doing this ?

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Lara Fabian, aux élèves de la Star Academy : « Il est plus l’heure de se demander si on fait bien ou si on fait mal, il est l’heure de chanter. » 

L’heure de chanter.

L’année en beauté

L’année se termine et convoque des promesses de nouveau départ, des envies de bilan, d’inventaire, une petite musique de réjouissance et de mélancolie. L’année se termine, on veut pouvoir en saisir quelque chose, s’en faire une idée, en tracer des contours, et esquisser un peu de ces lendemains à venir. Sentir que le temps ne passe pas sans nous, qu’on y peut quelque chose, qu’on en fait quelque chose. 

Voici mes outils favoris pour ce passage d’une année à l’autre  : 

La liste des 100 choses qui ont fait l’année 

C’est un rituel d’Austin Kleon. Il dresse une liste de choses qui ont fait son année. J’ai tout de suite aimé l’idée, mais je ne soupçonnais pas la puissance de l’exercice. On peut y mettre tout ce qu’on veut, et on peut bien sûr dépasser le nombre de 100 : la mienne contient des choses faites, des gens, des choses aimées (lues, entendues, vues, goûtées, senties), de courts instants, des bonnes et des mauvaises habitudes, ce qui a pris de la place, ce qui a manqué parfois, des hésitations, des franches décisions, des sensations et sentiments, des achats judicieux, des bêtises qui m’ont fait rire. On pourrait craindre d’être submergé-e de nostalgie ou de regrets, et c’est tout le contraire qui se produit.  Il y a l’effort de mémoire, soutenu par des traces à explorer (notes dans les carnets, agenda, favoris internet), et vite remplacé par la surprise des souvenirs oubliés qui rappliquent. Il y a la merveilleuse découverte de ce qui a compté, des nuances de couleur, on peut voir combien l’important se niche aussi dans les détails, dans cet ordinaire, voire infra-ordinaire, qu’on disqualifie trop vite dans les bilans classiques échecs/réussites. La liste des 100 choses qui ont fait l’année est un instrument  fabuleux pour révéler l’épaisseur cachée de la vie, pour mettre en relief “ce qui se passe quand il ne se passe rien” comme le nomme Georges Perec. Fais-le, ça fait un bien fou ! Sans parler du plaisir étonné de relire cette liste les années suivantes.

Choses réussies, choses ratées, et choses apprises

Plus classique, mais très efficace. Liste 3 choses réussies, choses dont tu es fier·ère, et note : qu’en as-tu appris, qu’est-ce qui t’a aidé, qu’est-ce qui a permis, facilité ces réussites-là ? Puis liste 3 choses ratées, et note : qu’en as-tu appris, qu’est-ce qui a fait obstacle, qu’est-ce qui a provoqué l’échec, empêché la réussite, l’aboutissement ? À nouveau, le chiffre 3 est une façon de circonscrire l’exercice. Pour ma part, j’y mets plus ou moins de choses selon le besoin. J’ajuste de sorte que le “bilan” me soit vraiment utile. Attention : on ne s’apesantit pas sur une liste sans fin des projets pas finis, des erreurs qu’on a faites, en se tapant sur le bout des doigts, et on se concentre sur ce qu’on a appris de ces expériences. C’est riche d’enseignements ! Prends un quart d’heure, fais-le, ça vaut le coup. Surtout pour pouvoir faire l’exercice suivant. 

Trois mots pour l’année à venir

C’est un outil de Cécile Bayard qui propose depuis plusieurs années un challenge pour faire le bilan de l’année passée et fixer ses objectifs de l’année suivante. (L’exercice précédent en est partiellement inspiré). Après avoir fait une sorte de bilan échecs/réussites donc, et avant de travailler ses objectifs, elle propose de se donner un cap pour l’année à venir, des intentions, sous la forme de trois mots, qu’on peut accompagner de trois images. Trois mots, qui nous parlent, qui vont nous guider, éclairer nos nuits, nos doutes, nos tempêtes, qui vont baliser le chemin, et nous rappeler ce qui est important, dans quelle direction on veut aller. Ils pourront changer. Pour l’heure, choisis-en trois. J’ai choisi les miens après avoir fait l’exercice précédent donc, ils sont arrivés vite, ils ont tout de suite porté la chaleur de mots-compagnons, ajustés, adéquats, simples, porteurs, moteurs. Nul besoin de chercher des mots exceptionnels, des mots compliqués, choisis-les, laisse-les te choisir. Je les ai avec moi pour l’année qui commence, à la fois soutien et horizon. 

La liste des 101 désirs

C’est un outil que j’ai essayé ce printemps, et je le trouve plutôt approprié pour débuter la nouvelle année. Je l’ai découvert ici, je t’invite à lire l’article en entier, et particulièrement les règles pour rédiger cette liste de 101 désirs : notamment les formuler en “je veux”, de façon positive, et concrète, éviter les désirs en série, et ne pas demander pour d’autres personnes. Il est préconisé d’écrire d’abord 150 désirs en brouillon, puis d’en choisir 101 et de les écrire au propre, et enfin de les relire chaque jour. Bon, de mon côté, je n’avais pas dépassé 56, je n’ai pas ré-écrit ma liste, et je n’ai pas relu chaque jour mes désirs. Bouh, la mauvaise élève. Mais je suis tentée de recommencer, d’essayer de suivre cette fois les consignes, car le simple fait d’écrire ces 56 désirs, dans les contraintes d’écriture indiquées, avait suscité déjà un énorme regain d’énergie et de détermination, une exploration profonde et surprenante, et la réalisation effectivement assez rapide de plusieurs désirs listés. Essayons ! Je ne sais pas si j’arriverai à 101, sans même parler de 150, mais le plus important je crois sera surtout de relire régulièrement.

La lettre à l’année passée

L’équipe de livementor dans son défi “Planifier et réussir son année” suggère cet exercice : en quelques minutes, écrire une lettre à l’année 2022 (inspiré de la méthode Journal Créatif d’Anne-Marie Jobin). En écriture spontanée, c’est-à-dire le plus vite possible sans réfléchir, sans s’arrêter. Et en écriture superposée, c’est-à-dire en écrivant par-dessus chaque phrase afin de les rendre illisibles. L’objectif est de se libérer, “d’y mettre toutes vos émotions, jugements, ce qui vous dérange, ce qui vous a plu, nourri, etc.”. Puis donner un titre : un mot qui représente cette relation avec l’année passée. J’ai donc mis un chrono de 7 minutes comme suggéré, et j’ai écrit cette lettre en écriture illisible. Hormis le plaisir de l’écriture superposée (et la joie donc de découvrir les techniques d’Anne-Marie Jobin), de savoir que personne ne peut relire, pas même soi, et de pouvoir décharger tout ce qui vient, je n’ai pas ressenti grand-chose avec cet exercice. Peut-être que 7 minutes ne suffisaient pas. Peut-être que les autres exercices cités plus haut avaient déjà fait le job. Je voulais en tout cas te partager cet outil supplémentaire, au cas où il te serait utile. 

Raconte-moi tes expériences avec l’un de ces outils !

Et, dis-moi, quels sont tes outils préférés pour finir et commencer l’année ?