Wikipédia encore, encore. Je tombe au hasard sur un botaniste qui aurait dû, par loyauté familiale, faire médecine mais qui a choisi l’amour des voyages et des plantes, puis sur un archéologue britannique qui a passé sa vie à faire des fouilles en Turquie et a publié un Journal écrit pendant un voyage en Asie mineure. Parenthèse : j’adore la simplicité factuelle, presque plate, de ce type de titres, comme cette Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, en total contraste avec la promesse d’exceptionnel et d’exotisme qu’ils portent malgré eux.
Je n’ai pas approfondi la question Wikipédia, sur quels critères décide-t-on qu’une fiche mérite d’exister. Pourtant, c’est vraiment un sujet pile dans mes dadas. Je creuserai. Mais qu’est-ce qui fait qu’une vie est jugée digne d’être racontée ?
Je rêve ce soir d’un alter-wikipédia rempli de vies anonymes, de personnes dont la vie n’a jamais débordé vers le domaine public, et dont l’existence est pourtant ponctuée de virages, d’élans, d’inertie et d’inattendu.
On me dira, ça existe déjà, c’est tout l’internet qui n’est composé que de ça, explore tous les blogs, facebook et instagram et tu l’auras ton alter-wikipédia.
Mais c’est pas ça. Je ne parle pas du récit qu’on fait, soi, de sa vie, mais de la façon dont on décide qu’une vie devient récit.
Qu’est-ce qui fait d’une vie une histoire ? Est-ce que c’est le chaos traversé, les rencontres étincelantes, la douleur surmontée, les belles surprises, les choix courageux ou les projets contrariés ? Est-ce que la joie ou les doutes peuvent se raconter ? Est-ce qu’il faut des dates précises et des références ? Est-ce qu’il faut des traces écrites : s’il en manque, relever des courriers, des listes de course, des faire-part ? Qu’est-ce qui fait d’une vie une histoire ?
Est-ce qu’il ne s’agit pas seulement de l’écouter ?
J’avais proposé ça à S., je lui avais dit On va interviewer tous les êtres humains de la planète, on n’aura jamais fini avant de mourir mais on aura commencé.