Le vautour et le vivant

Je côtoie quelques personnes qui n’ont presque peur de rien, qui n’ont jamais eu de problèmes pour s’affirmer, prendre leur place, faire des choix, décider, qui ont rarement douté de leurs envies et de leurs capacités. Ils ne sont pas nombreux ces gens, je vous l’accorde. Toutefois, pour de vrai, il y en a. Quelques-uns. Je peux apprendre des choses de ces personnes, mais au-delà du plaisir de les fréquenter, leurs histoires ne m’intéressent pas tant que ça.

J’ai souvent eu peur d’être un vautour, accro au drame, à ne m’intéresser qu’aux histoires qui témoignent du doute, des trébuchements et de la vulnérabilité. Je comprends maintenant que j’étais, et suis toujours, en fait captivée par le cheminement en tant que tel, par tous les récits qui me laissent entrevoir des évolutions, des errances, tous les pas francs ou hésitants qu’on peut faire en direction de soi. Peu importe que la leçon soit apprise, la destination atteinte, la difficulté dépassée. Tant mieux si elle l’est ! Mais je vais aimer ton histoire qu’elle le soit ou pas.

Ta photo au sommet du Kilimandjaro ne sera jamais aussi inspirante que le récit de ton ascension. Et même si tu n’avais pas touché le point culminant, je t’écouterais tout aussi avide et fascinée.

Ajoutons que l’histoire inspirante n’exige rien d’aussi exotique ou spectaculaire… peut-être que l’exploit du jour sera pour toi d’apprendre à cuisiner ce gâteau, de faire cette vidéo, d’écrire ce poème, de monter sur un vélo, de passer près du chien qui aboie, de parler de ce que tu fais, de ce que tu vends, de communiquer tes prix, de dire non, de dire oui. Je précise que certaines choses dans cette liste sont à mes yeux tout à fait exotiques et spectaculaires. La preuve que chacun ses embûches et son parcours.

Et ça m’intéresse de savoir tout ce que tu traverses de toi, les sentiers que tu empruntes, les demi-tours, les heures de marche, les heures de rien.

Je ne suis pas un vautour. Le charognard cherche la mort, lui tourne autour, et je me rends compte, grâce à plein de gens formidables qui cheminent alentour, que je ne fais que chercher, obstinément, le vivant.

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