faut lâcher toute idée de bien faire
voilà
j’ai
lâché, tu
trouveras un
poème par terre
—
avec l’amorce du jour des réels à prise rapide
Les 366 réels à prise rapide sont un exercice de style proposé par Cécile Bonifas et Sébastien Onze dans 120 défis d’écriture pour écrire sa vie. Écrire chaque jour, sur le vif, moins de 100 mots à partir d’une proposition donnée pour chaque date du calendrier. La liste des propositions est facile à trouver (tapez « 366 réels à prise rapide » sur votre minitel). Toutes commencent par « aujourd’hui ». Je me suis lancée dans cet exercice le 28 février 2022, voici mes « aujourd’hui » du plus récent au plus ancien. Dites-moi si tu vous y jouez aussi – j’adorerais vous lire.
faut lâcher toute idée de bien faire
voilà
j’ai
lâché, tu
trouveras un
poème par terre
—
avec l’amorce du jour des réels à prise rapide
surtout ne
pas jeter l’
éponge
déchet toxique
pollue durablement
les nappes créatives
désordre
est le
nom
donné aux
choses en
attente de reconnaissance
radio
café
la guerre
l’abri
dans un poème
j’ai
fait de mes mains une peau pour ta nuit
fait de mes mots d’infimes preuves de vie
j’ai
pris ton
ombre pour sentier
le jour
place ses pions – piétons pressés vitesse et vibrations –
les mots s’envolent sans fin de la radio
façonnent monde
et matin
comme un hameau
si je
peux former un sentiment robuste et élégant
j’en ferai un abri – une carte – tendre mouvement
si je
peux je
prendrai mon temps
16 janvier 2023 – sur le vif
Aujourd’hui, il fait sombre dans la petite pièce à quinze heures, la lampe du bureau nous éclaire à peine A. et moi. Je tiens le deuxième combiné de la main gauche, le haut parleur à mon oreille, et mon pouce sur le microphone. Qu’on ne sache pas que j’écoute, que je suis là. De la main droite, j’écris des mots, ceux d’A., pesés, choisis, je n’écris pas ses silences, ni le ton de sa voix, importants aussi. J’écris des mots, ceux qui sont dits au bout du fil, du fil à tenir, à tisser tant bien que mal. Qu’il fasse un tout petit peu moins sombre, dans une autre pièce à quinze heures.
Un texte écrit avec l’amorce des réels à prise rapide (en savoir plus sur cet exercice).
11 janvier 2023 – sur le vif
Aujourd’hui le réel m’invite à regarder l’heure. Je longe le square et sa fontaine, le son de l’eau m’apaise dans le bruit de Paris, il n’est pas encore midi. Je suis dans le métro, une femme porte trois parapluies, un pourquoi me traverse l’esprit, il n’est pas encore midi. Je suis dehors, je marche au soleil inattendu, rues connues, je lève le nez vers cet appartement orné d’une pancarte “vendu”, et quand j’arrive chez moi, il est midi passé. Perdu.
Un texte écrit avec l’amorce des réels à prise rapide (en savoir plus sur cet exercice).
10 janvier 2023 – sur le tard
Un livre m’attend. Sur le pouf. Cinq autres m’attendent sur le porte-plantes. Deux autres patientent sur la table de chevet. Ne parlons pas des centaines en sursis dans la billy et sur les étagères. Chaque livre posé attend d’être lu. J’imagine qu’on pourrait faire un film, comme Toy Story, en remplaçant les jouets par des livres et l’enfant devenu grand par n’importe qui souffrant de tsundoku. J’aimerais beaucoup voir les pages de Kafka, Garouste et Levé converser, comploter, échafauder toutes sortes de plans ingénieux pour être enfin tournées. Mais ce ne sont pour l’heure que des livres posés.
Un texte écrit avec l’amorce des réels à prise rapide (en savoir plus sur cet exercice).
9 janvier 2023 – sur le vif
Me trotte de plus en plus l’envie d’écrire, ailleurs, sous mon vrai nom, sur ce que j’étudie. Ici, je partage en méta sur mes études, quasi jamais sur ce que j’apprends. Je vois pourtant bien l’utilité d’en parler. Je vois moins bien comment. Et je crains la masse de travail supplémentaire que ça impliquerait. Je m’interroge enfin sur ce cloisonnement des espaces : est-ce viable ? est-ce nécessaire ? J’aime ici mon presque anonymat, la possibilité d’être lue, et de ne pas être lue, de me soustraire au regard des familiers, au devoir-être, au devoir-dire d’une certaine manière, une tentative de liberté. Une tentative, peut-être pas une réussite.
Un texte écrit avec l’amorce des réels à prise rapide (en savoir plus sur cet exercice).
J’ai mis le réveil hier soir en pensant je m’y tiendrai, il faut retrouver une organisation, la solidité des journées travaillées, le sens du temps. La douce fierté ce matin d’avoir réussi. Pour autant, se lever ne suffit pas, je traîne une heure radio-café dans la pénombre, le jour enfin se lève et ça suffit. Lumière (bleue). J’écris du journal, j’écris : J’ai beaucoup de choses à faire, beaucoup de retard, par où commencer ? Ai-je besoin d’une todolist ? Peur qu’elle m’effraie. Peut-être malgré tout que cela m’aiderait. Allons bon, je tente, je vais ouvrir leuchtturm – à tes souhaits – pour voir un peu. Heureusement, le journal est là, et me donne un début. Allons bon, je tente, j’ouvre le carnet (bleu), je tourne la page qui abrite mes quelques vœux, j’inscris la date d’aujourd’hui, je liste écrire, rappeler M., lire C., lire V., postuler (au moins 2), retranscrire l’i., l’e., et l’i.s.. Je relis et je dégraisse. En bas de la page, je note à ne pas faire aujourd’hui, en voilà déjà trois qui peuvent attendre. Et je trace un trait, j’isole, je note 1) job 2) rappeler M., rassemblés d’une accolade auprès de laquelle j’écris le + important, souligné avec conviction. J’encadre les deux élus au stabilo, la force du fluo. Aujourd’hui, deux candidatures envoyées, M. rappelée, et quelques fois vu le ciel (bleu).
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Aujourd’hui, les petits yeux après une nuit plutôt infernale, que je range volontiers derrière moi, dans les pires souvenirs d’avant 2023. Résolution prise au coucher, au réveil : désormais, je prends les devants, j’organise, je propose, j’invite, je concocte de bons moments, et ne dis plus oui à tout bout de champ, mue par la peur d’être rabat-joie. Je crée ma joie, je n’attends pas. Les petits yeux et le corps pâteux, j’envoie des whatsapp et j’en reçois. Cœur. Cœur. Cœur. Je joue le jeu, je reste là. Je veux marcher, un peu, faire quelques pas, démarrer l’année comme ça : 1 kilomètre 2. Un tour du quartier pour revenir au point de départ : chez soi. Si ça tient toute l’année, chaque jour écrire, marcher, ce sera une révolution.
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Très envie d’écrire encore aujourd’hui. Mais j’aimerais aimer ce que j’écris. Je suis à mon bureau, devant l’ordinateur, j’ouvre des onglets, je lis des blogs espérant qu’ils me mettent le pied à l’étrier. Je tente quelques phrases. Vite bazardées. J’ai besoin de plus de Kleon (il occupe sans le savoir toutes mes pensées de fin d’année), et je vais chercher dans ma bibliothèque ses 3 livres. Un chapitre s’intitule “Éloignez-vous de l’écran” : “Observez une personne devant son ordinateur, elle est immobile, elle ne bouge pas. (…) rester assis toute la journée devant un ordinateur peut nous tuer et asphyxier ce que nous faisons”. Je n’ai presque pas marché depuis mon test positif, je suis peu sortie, et je sais que ça n’est pas bon. On écrit presque immobile, mais pour écrire, il faut bouger.