le jour
place ses pions – piétons pressés vitesse et vibrations –
les mots s’envolent sans fin de la radio
façonnent monde
et matin
comme un hameau
le jour
place ses pions – piétons pressés vitesse et vibrations –
les mots s’envolent sans fin de la radio
façonnent monde
et matin
comme un hameau
si je
peux former un sentiment robuste et élégant
j’en ferai un abri – une carte – tendre mouvement
si je
peux je
prendrai mon temps
Dimanche, matin sous un ciel bleu, chanceux. Semaine ravagée d’effroi, de ruines. Et au milieu des voix du réel, celle de François-Régis Gaudry maintenant à la radio. Au début, c’est incongru, presque indécent, tant de légèreté, ce ton à côté. Avec son invité, il parle de vingt gousses d’ail ; il parle de la pratique des herbes fraîches. Je souris avec ces mots qui touchent ma peau. J’ai besoin d’écouter ça aussi. J’ai besoin ce matin de lire cette autrice sur sa résidence d’écriture, j’ai besoin de regarder ces photos d’arbres et ces illustrations de la famille souris, j’ai besoin de découvrir un poème et un deuxième, j’ai besoin de voir par la fenêtre ce vieil homme s’allonger, une main sous sa tête baignée de soleil pour une sieste, j’ai besoin d’écouter des gens débattre encore de cuisine et de pièces de théâtre. J’ai besoin de la pratique des herbes fraîches. Non pas ignorer le monde, mais continuer de le créer.
au coin
de la fenêtre la lune me
souffle bas : septembre a commencé et se termine déjà
une menace
celle de
vivre en deçà
c’est
le « froid » et le « noir »
ces mots-là les arbres grands et le regard
ont scotché
ma bouche
et ma mémoire
presque une
cabane pour nos désirs d’
être en lien, nos soifs de résonances, pour habiter
et déserter
nos vies
semblables et singulières
chômeuse : personne
disponible à
qui on peut demander n’importe quoi n’importe
quand car
dépourvue d’
emploi (du temps)
traces tentatives
et tralalas avec au milieu peut-être la grâce d’
être un
peu là
un peu soi
mon
corps m’espère m’exhorte me tire me porte
le jour tout entier vit dans ce trait soleil
geste presqu’île
un rien
peut faire merveille
où
vas-tu si vite tu cavales pendant que
j’attends l’heure presque et l’orage maladroit
tu dévales
tu dévores
tant et temps
« Catherine Grenier : Commençons au tout début. Quel est le premier dessin que vous ayez fait dont vous vous souvenez?
Gérard Garouste : Le premier dessin dont je suis fier, c’est un avion dessiné en perspective. À l’école, j’ai eu des handicaps : je suis dyslexique et ça m’a toujours posé des problèmes vis-à-vis de mes études. Faire une addition, une division, m’angoissait terriblement. Mes parents s’inquiétaient de mon niveau d’intelligence, mais les maîtresses d’école leur disaient : « Non, je vous assure, il est intelligent, mais il est toujours dans la lune. » La seule chose qui me faisait exister par rapport à la maîtresse et à mes copains, c’était le dessin. Tous les enfants dessinent, mais je dessinais plus qu’eux, parce que pour moi c’était une question de survie. Le dessin me permettait d’avoir une identité. Eux, ils avaient des bonnes notes ; moi, j’existais par la qualité de mes dessins, donc je faisais plus d’efforts. Je ne crois pas du tout au don, c’est plutôt comme quelqu’un qui se noie et qui bouge les bras pour flotter. Pour moi, le dessin c’était ça et c’est le début de tout, car toute ma vie est basée là-dessus. »
Vraiment peindre, Gérard Garouste avec Catherine Grenier, Editions du Seuil, 2021
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Incipit d’une lecture en cours, sur une idée de la Bibliothèque Roz
La bibliothèque Roz propose de citer les premières phrases de sa lecture en cours. J’adore l’idée de son mercred’incipit, et voilà une douce façon de revenir par ici. C’est parti, même si on est déjà jeudi et que le livre est maintenant fini !
« Notes sur ce que je cherche
Si je tente de définir ce que j’ai cherché à faire depuis que j’ai commencé à écrire, la première idée qui me vient à l’esprit est que je n’ai jamais écrit deux livres semblables, que je n’ai jamais eu envie de répéter dans un livre une formule, un système ou une manière élaborés dans un livre précédent.
Cette versatilité systématique a plusieurs fois dérouté certains critiques soucieux de retrouver d’un livre à l’autre la « patte » de l’écrivain ; et sans doute a-t-elle aussi décontenancé quelques-uns de mes lecteurs. Elle m’a valu la réputation d’être une sorte d’ordinateur, une machine à produire des textes. Pour ma part, je me comparerais plutôt à un paysan qui cultiverait plusieurs champs ; dans l’un il ferait des betteraves, dans un autre de la luzerne, dans un troisième du mais, etc. De la même manière, les livres que j’ai écrits se rattachent à quatre champs différents, quatre modes d’interrogation qui posent peut-être en fin de compte la même question, mais la posent selon des perspectives particulières correspondant chaque fois pour moi à un autre type de travail littéraire. »
Penser/Classer de Georges Perec, 1985, 2003
Our faces: a map of practiced emotions.
Our hands: clues as to how we spend our days.
Where’s my kind?,Veronique.ink
our faces, our hands, our days
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Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie privée ? Pas très bien, en toute honnêteté. Je trouve difficile de concilier vie professionnelle et écriture et vie personnelle. Je trouve difficile de m’arrêter avant de m’épuiser, difficile d’écrire tous les jours quand je préférerais prendre du repos, difficile de trouver le temps et l’énergie de tout faire bien.
Le jour où j’admets que je ne suis pas parfaite – Hortense Merisier
le temps et l’énergie de tout faire bien
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People share bits of themselves through writing/art that wouldn’t arch over into typical conversations. That’s why I love personal blogs/zines: the intimacy, the vulnerability, the laid-bare truths.
Connecting through art, Veronique
the intimacy, the vulnerability
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Cette semaine les décisions à prendre, les activités à prioriser, se sont bousculées dans ma vie et plus elles se sont ajoutées, plus j’ai voulu aller vite… et plus j’ai fait des conneries. Conneries qui m’ont demandé de refaire des trajets, de réécrire des textes effacés par mégarde.
Au bout de la 14ème bêtise, la phrase s’est imposée à moi. Celle du détour. Et sa grande. soeur : nature doesn’t hurry, yet everything is accomplished. Je me les répète en boucle, plus ou moins ; avant de t’écrire, oui j’étais à la bourre, mais j’ai pris le temps de fabriquer le début d’un marque page avec des scraps of papers que j’accumule depuis toutes ces années. Déjà me pose ; ce détour m’aide à me tranquilliser.
[sur le marque-page pris en photo, on peut lire : « si tu es pressée, fais un détour »]
Christie dans sa dernière newsletter
si tu es pressée, fais un détour
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Écris quelques mots, 480 signes ou plus tous les jours Note des paroles chopées au vol
Lis pour écrire, écris pour lire
Essaie d’aller voir du côté du journal de Kafka
Marche et perds-toi dans la ville
Marche, observe et écris dans ta tête ou sur ton téléphone
Ecris ce dont tu ne te sais pas dépositaire comme le dit François Bon
N’hésites pas à recopier des extraits de textes aimés Reprends tes notes journalières, donne leur de l’épaisseur, de la hauteur, de la couleur et publies-les sur ton blog sans te soucier de tes lecteur.rices.
Ajoute des photos, des dessins… et trouve ta singularité.
Ouvre ton carnet du lendemain et lance toi sans penser à ce qui précède !
neuf instructions pour son double pour que continue le carnet – Carnet individuel – Isabelle Vauquois
écris, essaie, trouve, marche et perds-toi
sans penser à ce qui ce précède
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What is the most effective “productivity technique” in the world? I don’t think it’s a spreadsheet, a day planner, a time-batching system, or a smartphone app. I think… it’s forgiveness.
Forgive yourself. Forgive yourself for saying “yes” to too many projects. Forgive yourself for getting behind on your emails. For needing an extension to finish that project. For being late, behind, backed up, crushed, buried, whatever your situation may be. Forgive yourself for missing that typo. For disappointing a colleague. For the foolish, irresponsible mistake you made. For whatever horrible “crime” you feel you’ve committed.
You did it. It happened. You learned. Now it’s over. And hopefully you won’t do that again. Meanwhile, punishing and pummeling yourself is not helping you to “work faster,” is it? Self-criticism is not fuel — it’s just a burden. It’s a heavy weight to carry, when your workload is already heavy enough.
Can you extend compassion to yourself, just as you’d extend compassion to a friend?
When your brain is so crammed, so stressed…Alexandra Franzen
forgiveness
///
Ce que je découvre de sa vie, je devrais dire ses combats, me bouleverse, je lui demande si je peux, nous nous étreignons, nous ne devrions jamais renoncer à nos besoins de tendresse.
Le terrible blues de la reprise cède à un semblant d’élan retrouvé. Chercher de nouvelles manières de faire, les mettre en œuvre, s’y coller vraiment.
Quitter l’île et rêver (se), Caroline Diaz
nos besoins de tendresse
Bonjour par ici,
Je viens d’écouter un webinaire en direct d’Emilie Doré intitulé “Pourquoi réussit-on sa thèse ?”. La première question serait plutôt : mais pourquoi diable se tanquer sur zoom un vendredi bleu soleil pour suivre un tel webinaire alors même qu’on ne fait pas de thèse ? Oui, c’est un premier sujet qui mérite éclaircissement.
Je prends tout. Tout ce qui m’aide à travailler, tout de suite maintenant et/ou dans la durée. Et parmi mes ressources favorites, il y a les témoignages des valeureuses et valeureux doctorant·e·s, et les conseils qui leur sont destiné·e·s. J’avais ainsi beaucoup apprécié la conférence de Geneviève Belleville “Assieds-toi et écris ta thèse” et le vlog de thèse de Manon Bril. En reprise d’études depuis un bon moment – et pour encore un long moment -, je glane dans tous les recoins du web ce qui m’aide à lire, à écrire, à tenir, à trouver mon plaisir, ma méthode et ma persévérance.
Nous sommes vendredi et, après un charmant déjeuner, je décide donc de me connecter pour écouter religieusement “Pourquoi réussit-on sa thèse ?”. Très bon webinaire où beaucoup de mises en garde et de conseils font écho à mon expérience actuelle.
Un point en particulier retentit à mes oreilles : continuer de vivre sa vie, ne pas opposer la thèse et la vie. Emilie Doré rappelle qu’il est fréquent de remettre à l’après-thèse les grands projets de vie, et de sacrifier radicalement les loisirs, les temps avec ses proches, les temps pour prendre soin de soi, en se disant : “après, je serai heureux·se !”. Mais c’est bancal et très risqué : d’abord parce que ces temps qu’on sacrifie sont essentiels, nous donnent de l’énergie aussi pour “la thèse” (on va remplacer par “le projet”), et ensuite parce que le mode de fonctionnement mis en place pour le projet va perdurer quand celui-ci sera terminé. Si on a tourné le dos à beaucoup de choses, elles ne vont pas comme par magie se réinstaller ensuite dans notre vie. Alors oui, placer le projet en haut de ses priorités, faire des ajustements nécessaires par rapport à d’autres activités, mais, dit-elle, surtout pas de sacrifice, on cherche un équilibre.
Quelque chose sonnait terriblement juste pour moi. Je ne me suis pas dit “je serai heureuse après”, car je suis heureuse de cette reprise d’études. Mais fréquemment je retombe dans ce gouffre de certitudes : je ne peux pas m’offrir ce moment de détente, je ne peux pas voir mes ami-e-s, je ne peux pas aller au ciné, je ne peux quand même pas partir en vacances, alors que l’année n’est pas terminée, que je n’ai pas tout validé ! (ce qui n’empêche pas du tout de procrastiner à mort, des heures de ni-travail, ni-détente, avec la culpabilité qui va bien, c’est presque comme si on travaillait puisqu’on pense qu’on devrait travailler, et vous me remettrez trois coups de fouet avec ça).
Oui, sans trop m’en rendre compte, j’ai opposé mes études et la vie. Et je sens bien ces dernières semaines que la fatigue s’accumule, la fatigue aussi de ces dernières années, et que je suis sur le fil. Ce mode de fonctionnement – en effet ça fonctionne, j’ai pu valider, avec des résultats dont je suis très fière, chaque semestre – touche ses limites. Me ressourcer ne peut pas se présenter une fois l’an. Mon expérience d’ailleurs m’apprend qu’une fois que tout est “validé”, quand vient l’été, même partir en vacances devient compliqué. Deux étés déjà que je me trouve un peu désemparée, l’énergie en berne, incapable de programmer quoi que ce soit, l’impression d’avoir absolument tout donné et de ne plus rien pouvoir décider, initier.
Je suis plutôt contente car depuis quelque temps, j’essaie de faire plus de place aux sorties, aux promenades, aux ami-e-s, à l’écriture, prendre soin, maintenant pas plus tard. Reste l’enjeu malgré tout : de bien dire oui à ce qui donne des forces, de l’entrain, ce qui requinque, restaure, nourrit, et réussir à dire non là où c’est trop coûteux, trop énergivore, quand ce ne sont pas les bonnes personnes au bon moment.
Il y a une chose que je n’ai pas réussi à faire : partir. M’autoriser l’escapade, un aller-retour pour voir la mer, des arbres. Être ailleurs. Ça résiste fort ! Partir alors que mes dossiers ne sont pas rendus ? Que j’ai 3 deadlines dans les 2 prochains mois et pris énormément de retard ? Oui, là, ça tempête sévèrement. Comme si je n’avais le droit qu’après.
Est-ce qu’après avoir écrit ça justement, je m’autoriserai enfin à partir sans attendre d’avoir terminé ?
L’écrire est un pas.