Ce qu’on fera après

Bonjour par ici,

Je viens d’écouter un webinaire en direct d’Emilie Doré intitulé “Pourquoi réussit-on sa thèse ?”. La première question serait plutôt : mais pourquoi diable se tanquer sur zoom un vendredi bleu soleil pour suivre un tel webinaire alors même qu’on ne fait pas de thèse ? Oui, c’est un premier sujet qui mérite éclaircissement.

Je prends tout. Tout ce qui m’aide à travailler, tout de suite maintenant et/ou dans la durée. Et parmi mes ressources favorites, il y a les témoignages des valeureuses et valeureux doctorant·e·s, et les conseils qui leur sont destiné·e·s. J’avais ainsi beaucoup apprécié la conférence de Geneviève Belleville “Assieds-toi et écris ta thèse” et le vlog de thèse de Manon Bril. En reprise d’études depuis un bon moment – et pour encore un long moment -, je glane dans tous les recoins du web ce qui m’aide à lire, à écrire, à tenir, à trouver mon plaisir, ma méthode et ma persévérance.

Nous sommes vendredi et, après un charmant déjeuner, je décide donc de me connecter pour écouter religieusement “Pourquoi réussit-on sa thèse ?”. Très bon webinaire où beaucoup de mises en garde et de conseils font écho à mon expérience actuelle.

Un point en particulier retentit à mes oreilles : continuer de vivre sa vie, ne pas opposer la thèse et la vie. Emilie Doré rappelle qu’il est fréquent de remettre à l’après-thèse les grands projets de vie, et de sacrifier radicalement les loisirs, les temps avec ses proches, les temps pour prendre soin de soi, en se disant : “après, je serai heureux·se !”. Mais c’est bancal et très risqué : d’abord parce que ces temps qu’on sacrifie sont essentiels, nous donnent de l’énergie aussi pour “la thèse” (on va remplacer par “le projet”), et ensuite parce que le mode de fonctionnement mis en place pour le projet va perdurer quand celui-ci sera terminé. Si on a tourné le dos à beaucoup de choses, elles ne vont pas comme par magie se réinstaller ensuite dans notre vie. Alors oui, placer le projet en haut de ses priorités, faire des ajustements nécessaires par rapport à d’autres activités, mais, dit-elle, surtout pas de sacrifice, on cherche un équilibre.

Quelque chose sonnait terriblement juste pour moi. Je ne me suis pas dit “je serai heureuse après”, car je suis heureuse de cette reprise d’études. Mais fréquemment je retombe dans ce gouffre de certitudes : je ne peux pas m’offrir ce moment de détente, je ne peux pas voir mes ami-e-s, je ne peux pas aller au ciné, je ne peux quand même pas partir en vacances, alors que l’année n’est pas terminée, que je n’ai pas tout validé ! (ce qui n’empêche pas du tout de procrastiner à mort, des heures de ni-travail, ni-détente, avec la culpabilité qui va bien, c’est presque comme si on travaillait puisqu’on pense qu’on devrait travailler, et vous me remettrez trois coups de fouet avec ça).

Oui, sans trop m’en rendre compte, j’ai opposé mes études et la vie. Et je sens bien ces dernières semaines que la fatigue s’accumule, la fatigue aussi de ces dernières années, et que je suis sur le fil. Ce mode de fonctionnement – en effet ça fonctionne, j’ai pu valider, avec des résultats dont je suis très fière, chaque semestre – touche ses limites. Me ressourcer ne peut pas se présenter une fois l’an. Mon expérience d’ailleurs m’apprend qu’une fois que tout est “validé”, quand vient l’été, même partir en vacances devient compliqué. Deux étés déjà que je me trouve un peu désemparée, l’énergie en berne, incapable de programmer quoi que ce soit, l’impression d’avoir absolument tout donné et de ne plus rien pouvoir décider, initier.

Je suis plutôt contente car depuis quelque temps, j’essaie de faire plus de place aux sorties, aux promenades, aux ami-e-s, à l’écriture, prendre soin, maintenant pas plus tard. Reste l’enjeu malgré tout : de bien dire oui à ce qui donne des forces, de l’entrain, ce qui requinque, restaure, nourrit, et réussir à dire non là où c’est trop coûteux, trop énergivore, quand ce ne sont pas les bonnes personnes au bon moment.

Il y a une chose que je n’ai pas réussi à faire : partir. M’autoriser l’escapade, un aller-retour pour voir la mer, des arbres. Être ailleurs. Ça résiste fort ! Partir alors que mes dossiers ne sont pas rendus ? Que j’ai 3 deadlines dans les 2 prochains mois et pris énormément de retard ? Oui, là, ça tempête sévèrement. Comme si je n’avais le droit qu’après.

Est-ce qu’après avoir écrit ça justement, je m’autoriserai enfin à partir sans attendre d’avoir terminé ?

L’écrire est un pas.

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