Encore et encore me dépayser

Troisième soir de rien. Je vois passer le train dans la nuit qui n’attend pas, ça marche pas ; je me rappelle que le contenu peut monter du bas vers le haut, ça marche pas ; je me souviens qu’on peut plonger sans savoir nager, ça marche pas. Je me sens saturée de pensées et vide d’inspiration : un cocktail franchement douteux.

Un jour, en brouillon je me suis notée : « On n’écrit pas pour dire qu’on n’a rien à dire. C’est ça l’astuce. Point barre. » Très chère moi, je te trouve bien définitive et tyrannique ! Ce soir, j’écris même si je n’ai rien à dire. C’est pas l’astuce certes, point barre quand même.

Ça fait trois jours que je tourne autour de cette vidéo que j’adore, qui figure au palmarès de mes ressources clés.

Je tourne autour parce que je ne peux pas la commenter. Tout est dit, tout est parfait. L’un de mes plus beaux souvenirs, l’un de mes plus beaux choix, c’est d’être partie seule en voyage plusieurs mois. Rien à voir avec les expéditions d’Isabelle Autissier, mais quand je l’écoute, je revis un peu de ma petite aventure. 

Jour je-ne-sais-pas-combien du défi, je n’ai rien écrit.

J’ai envie d’écouter tout le silence à l’intérieur.

Envie d’encore et encore me dépayser.

Le sens de l’inspiration

Après avoir écrit mon contenu d’hier (« La quête infinie des cartes enfouies »), j’ai ouvert quelques newsletters dont celle d’Austin Kleon et j’y ai découvert cet article qui aurait pu très bien le compléter : « Pourquoi c’est difficile d’imiter des dessins d’enfant ? « .

En réponse à cette question qu’on lui pose, Austin suggère que les enfants vont aux extrêmes de leurs capacités pour dessiner, tandis que les adultes, pour les imiter, se retiennent en quelque sorte.

Puis il fait part d’une hypothèse beaucoup plus intéressante selon lui, celle de Linda Barry, dessinatrice de bande dessinée. Elle dit : « Un dessin d’enfant ce n’est pas le trait, c’est le geste. C’est le mouvement naturel humain. On voit ça aussi chez les scientifiques…regardez comment ils bougent leurs mains sur le tableau pendant qu’ils réfléchissent. (…) Ce que j’ai fini par comprendre c’est : et si c’était à ça que le trait ressemblait, non seulement quand vous avez une idée, mais que le trait lui-même vous donne une idée« .

« C’est ce que les gens oublient ou ne soupçonnent pas : le dessin peut non seulement aller de votre tête à la page mais aussi et surtout remonter de la page à votre main jusque dans votre tête. Voilà le type de dessins que font les enfants. Ils dessinent et ils voient ensuite ce qu’ils sont en train de dessiner.« 

Oui, oui, oui, mille fois oui. Le trait lui-même vous donne une idée, le dessin remonte de la page vers la main jusqu’à la tête. Je parle finalement beaucoup beaucoup de ça ici, je crois que j’ai tout simplement besoin de me le répéter, encore et encore ! Moi qui tant de fois reste figée face à la page, face au commencement, qui demeure immobile de peur d’effrayer les fragiles petites bêtes qui s’invitent dans ma tête. Souvent et à tort persuadée qu’il s’agit de faire descendre des idées, de faire en sorte que le tracé reproduise fidèlement ce que je me suis imaginée. Comme si la création ne connaissait qu’une trajectoire : celle du haut vers le bas.

Pourtant, je constate bien, et avec joie, que le mouvement, le geste, le faire nourrissent et transforment profondément tout ce que ma tête peut comploter seule dans son coin. Que l’immobilité ne préserve rien et chasse au contraire toutes les chances de créer. Je vois comment l’inspiration circule, du bas vers le haut. On sent bien, c’est corporel, que parfois ce sont les mots qui nous emploient.

Et je suis totalement fascinée par ces processus, beaucoup plus d’ailleurs que par les résultats.

Créons, créons, créons et voyons ensuite ce que nous sommes en train de créer.

La quête infinie des cartes enfouies

Ce sont des amoureux de la beauté et du travail bien fait. Ils terminent l’Ecole Boulle, prestigieuse école des métiers d’art et du design, et passent leur dernière année à travailler sur une seule et même pièce. C’est sur cette pièce qu’ils seront jugés pour obtenir leur diplôme. On les voit se débattre avec de la résine qui n’a pas séché, du métal gâché, des problèmes d’angles et de gabarits, faire d’innombrables allers-retours entre leurs espoirs et la réalité. Ils savent et savourent le luxe que c’est de pouvoir passer une année entière sur le même objet.

Documentaire À l’école des mains d’or – à l’école Boulle de Laetitia Agostini (2016, 50min)

Je retire tellement de choses à les regarder et à les écouter. Ça résonne avec toutes mes obsessions pour le travail, le temps, la qualité, l’apprentissage, le rêve et la matière, l’oeuvre qui s’affranchit de l’idée, le geste qui transforme la pensée.

Voici quelques extraits :

« La vitesse je l’acquerrai après, avec l’expérience, moi ce qui m’intéresse c’est d’acquérir de la technique et de savoir faire les choses bien. »

« C‘est le dernier pied. C’est le pied qui est le plus dans l’esprit de mon projet, c’est le pied transparent. Je sais pas vraiment ce que ça va rendre. J’ai fait des rendus 3D avec les effets que ça pourrait faire la résine. Mais bon la 3D, ça reste une 3D, c’est pas la réalité. J’aimerais bien voir dans la réalité ce que ça va faire. »

« C’est l’excellence, vue comme l’expression d’une très grande solidarité, et d’un goût pour l’art et les choses bien faites, pour la qualité… c’est pas quelque chose qui se nourrit de passions troubles, de quelque chose qui aurait à voir avec la vanité. Pas du tout, c’est une excellence qui se nourrit d’une certaine forme d’humilité. »

« La main elle est l’outil qui dirige l’oeil et la pensée ».

« Ce qu’on amène à l’objet, ce qu’on veut y mettre de soi, ça nous amène à nous poser la question : mais qui on est ? qu’est-ce qu’on veut faire passer comme valeurs ? »

« Je sais que j’ai encore des cartes enfouies en moi que j’ai besoin de sortir, pour peut-être avoir le bon jeu ou pas. Mais voilà, je suis pas encore moi-même, il me faut un peu de temps pour dévoiler tout ça. »

Ils sont beaux dans cette quête infinie de leurs cartes enfouies. Je m’inspire de leur ténacité et de leur ingéniosité. J’ai un projet qui pour l’instant ne ressemble à rien, je ne sais pas encore du tout ce que ça va rendre, je vais travailler patiemment la matière et les formes, je vais essayer de m’entourer des meilleurs, et je vais laisser la main guider l’oeil et la pensée.

Le temps qu’il faut

J’ai entamé trois contenus différents ce soir, je ne sais pas par quel bout attraper l’un ni par quel bout lâcher l’autre, ils s’emmêlent, se font des noeuds, les mots sont las. Je jette un oeil en haut à droite de l’écran : 23h01, et là c’est moi qui suis lasse. Je peste : que de temps perdu, tu pourrais avoir déjà terminé si tu t’étais décidée. Dodo, ce serait plié.

« Que de temps perdu ». « Que de temps perdu ». Je m’arrête.

Cette errance-là, quand tu ne sais pas mais que tu essaies, ce n’est pas du temps perdu, c’est le temps qu’il faut.

Les mots qui se font la malle, les phrases qui veulent pas se mettre à l’endroit, et qu’est-ce que je voulais dire déjà : c’est pas du temps perdu, c’est le temps de le faire.

Et ça j’ai l’impression de l’oublier toutes les 2 minutes, façon Dory dans le monde de nemo.

On ne parlera jamais assez du temps que les choses prennent. Je reprends des études cette année, c’est passionnant et excitant, mais parfois comme hier soir : c’est juste le vide sous mes pieds. Le cours était difficile, le prof impatient, je ne comprenais rien, j’avais les larmes aux yeux d’orgueil et de fatigue. J’échangeais des regards SOS détresse avec d’autres qui ne comprenaient pas non plus, et je jalousais férocement ceux qui semblaient avoir une ampoule au-dessus de la tête.

C’est tout bête en fait. Je vais avoir besoin de temps : j’apprends. Est-ce que c’est du temps perdu quand on ne sait pas mais qu’on essaie ?

Personne ne t’attend

Je suis attendue à 9h30 au fond de la cour près de l’escalier E. Je commence un nouveau travail aujourd’hui. Il fait nuit noire dehors, c’est la belle saison. Je me suis levée un peu plus tôt que nécessaire pour pouvoir écrire. Niveau d’émotions au bord de ce premier jour : lave-linge essorage 1600 tours.

C’est un bon job, bon feeling avec les personnes rencontrées au fil du recrutement, bonnes conditions, bonnes missions, bonne réputation.

C’est tout bon.

Sauf que… (parce que la vie serait tellement moins drôle sans contestation).

On dit que l’entrepreneuriat peut parfois être une fuite amère du salariat. L’inverse est vrai aussi : le salariat peut devenir une fuite totale. On s’y réfugie pour éviter tous les regards inquiets, toutes les questions sans réponse. Pour éviter d’aller là où personne ne nous attend.

Il t’en faut du courage, toi qui crées et organises chaque jour ton activité (qu’elle soit entrepreneuriale, artistique ou autre), toi qui portes à bout de bras ton projet. Peut-être qu’aujourd’hui personne ne t’attend à 9h30 au fond de la cour près de l’escalier E, mais tu y vas quand même. Tu n’attends pas qu’on t’attende.

Ce matin, je t’admire plus que jamais.

Une idée est toujours mauvaise

En 2011, j’avais une idée de film. Je vous la fais courte : c’était l’histoire d’un vieux monsieur à Brest, veuf et un chouïa déprimé, qui ne sait pas nager. Il se rend pourtant chaque jour à la piscine municipale et grimpe jusqu’au plus haut plongeoir. Il est chaque jour rattrapé par le maître-nageur tantôt excédé tantôt pris de pitié. Ce n’est pas qu’il veut mourir, c’est qu’il veut plonger. Il voit régulièrement son fils et sa fille mais la communication est difficile, le lien distendu. A la télé, un jour, il découvre les plongeurs de falaises d’Acapulco et c’est décidé : direction le Mexique. Tout le monde essaie de l’en empêcher mais il plie bagage et le voilà traversant fièrement l’Atlantique. Je ne me souviens plus trop de ce qui se passe là-bas, mais il rencontre une dame qui cultive plein de grosses fleurs dans son jardin et qui lui offre la chaleur et l’espoir qui lui manquaient. Dans ma tête, c’était moins niais mais j’essaie de faire vite.

Le reportage sur les plongeurs d’Acapulco

Pour ce film, dont je n’ai finalement jamais écrit une ligne, je savais qui devait jouer mon vieux monsieur : Jean Rochefort. C’était lui, je le voyais, il n’y avait pas d’alternative possible. Il me fallait son élégance, et son comique malgré lui, sa douce folie.

Ce film, j’y songeais beaucoup. J’en parlais autour de moi, si bien que quand quelqu’un voyait Jean Rochefort à la télé ou au cinéma, puis quand il est mort, on me disait, on m’a dit tiens, j’ai pensé à toi.

Mais ce film, c’est resté une idée. Une idée sans travail, une idée délaissée.

Dans une émission radio, Christine Angot (dont je n’ai encore rien lu) parle de l’écriture, de son travail d’écriture. Elle en parle durement, paraît très énervée, et bizarrement c’est passionnant à écouter : « Toutes ces pages que j’écris les premiers mois, c’est une espèce de destruction de toutes les idées qui viennent. Qui sont toutes mauvaises. Une idée est toujours mauvaise. Toujours. Le principe de l’idée, c’est qu’elle est mauvaise. Donc : il faut les supprimer au fur et à mesure.« 

Je ne sais pas si une idée est toujours mauvaise, mais il s’agit bien, oui, de détruire les idées. Parce qu’une idée est toujours facile, toujours trop belle pour être vraie. On peut penser qu’elle brillera plus longtemps si on la met à l’abri de la lumière du jour. On la laisse dans un écrin, et on n’en fait rien.

J’essaie de ne plus trop aimer mes idées, parce que c’est tentant de les sacraliser, on finit par avoir cette peur absurde de les « gâcher » en essayant d’en faire quelque chose dans la réalité.

J’essaie d’apprendre à jouer avec mes idées. Choisir lesquelles sont pour moi, lesquelles seront pour d’autres (oui, parce qu’une idée qu’on a n’est pas toujours pour soi, qu’est-ce que c’est fourbe ces bêtes-là). Développer le goût de faire, de fabriquer. Se laisser suprendre par ce qui survient quand on plonge sans savoir nager, par ce qui surgit quand on lâche l’idée.

10 mètres de haut

Sauter (ou pas) d’un plongeoir de 10 mètres de haut. J’ai repensé à ce film formidable en préparant un contenu, et finalement il s’y substitue en attendant que mon texte soit fait.

Ecrire, je me rends compte que c’est vraiment pas sauter une bonne fois pour toutes, c’est remonter chaque jour sur le plongeoir.

https://vimeo.com/154583964
HOPPTORNET (TEN METER TOWER) – Axel Danielson & Maximilien Van Aertryck

Les droits imprescriptibles du créateur de contenu

1. Le droit de ne pas publier (évidemment il faudra quand même fournir un certificat médical ou une attestation de wifi perdu)

2. Le droit de ne publier qu’un lien, une citation, une photo, ou une onomatopée (au passage, c’est un délice rien que de les voir listées >> fr.wikipedia.org/wiki/Onomatopee)

3. Le droit de faire des mises en abyme (j’écris en parlant d’écrire)

4. Le droit de ne pas aimer ce qu’on a posté

5. Le droit d’aimer ce qu’on a posté

6. Le droit de se demander pourquoi mais pourquoi on fait ça

7. Le droit de se sentir à la fois excité·e et paniqué·e (voilà)

8. Le droit de publier un jour ici et un jour là

9. Le droit de se répéter (les obsessions, les marottes, les dadas vont pas pouvoir se planquer)

10. Le droit d’ajouter encore plein de droits à cette liste

inspiré des droits imprescriptibles du lecteur (Comme un roman de Pennac)

De toutes petites luttes

Pour quelques jours, je suis à la campagne. La maison s’est remplie petit à petit. De plus en plus de monde, de plus en plus de bruit. Il y a de l’amour, du vivant, des rires et plein de choses à faire tout le temps.

D’ordinaire, d’autres années, tout cela peut me détendre ou m’inspirer.
Cette fois, c’est différent.
Je me sens assiégée.
Je voulais consacrer un peu de temps à plusieurs projets et je n’ai pas réussi.

Je mesure à quel point j’ai besoin :

– de silence (toutes ces paroles sans trêve, toutes ces conversations qui tournent, avec parfois plus de bruit que d’écoute, ça me déborde complètement)

– d’un territoire (la porte de ma chambre est sans clé, elle est franchissable et franchie souvent ; j’ai pas encore lu Une chambre à soi mais je sens que je vais pas tarder)

– de continuité (un peu de temps devant soi, un temps sans interruption qui permet de se déplier délicatement)

Ça demande plus de force que ce que je croyais d’exiger tout ça pour soi. Il faut affirmer, réclamer, défendre, inlassablement. De toutes petites luttes que personne ne voit.

J’avais lu un article intéressant sur la créativité et les routines bien huilées de certains artistes. L’auteure nous invitait à identifier ce qui nous met en train pour travailler et donner le meilleur de nous-mêmes (sic). Je n’y ai jamais vraiment réfléchi, je ne sais pas si telle musique ou telle bougie d’ambiance me donnerait davantage d’élan pour créer, ou si tel enchaînement de micro-actions me propulserait vers la version de moi la plus créative. Mais impérativement, j’ai besoin de silence, de territoire et de continuité.

Et d’une connexion internet.

Et toi, de quoi as-tu besoin pour créer ? Les commentaires sont ouverts !

Un train dans la nuit

J’ai eu ma période Truffaut. J’avais vu et revu beaucoup de ses films, pas tous mais pas mal quand même. En cherchant une idée pour le contenu du jour, je suis allée sur wikipédia et j’ai cliqué sur « article au hasard » (en haut à gauche, si jamais toi aussi tu veux jouer à ça, attention c’est addictif). Wiki me sort la fiche d’un film, j’ai pensé au cinéma (oui j’ai l’esprit fulgurant comme ça). Et j’ai repensé à ce fameux passage dans La nuit américaine de l’ami Truffaut :

« Ecoute Alphonse, viens, tu vas rentrer dans ta chambre, tu vas relire le scénario, tu vas travailler un petit peu, et tu vas essayer de dormir. Demain, c’est le travail, et le travail est plus important. (…) Je sais, il y a la vie privée, mais la vie privée elle est boiteuse pour tout le monde. Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse, il n’y a pas d’embouteillages dans les films, il n’y a pas de temps mort, les films avancent comme des trains tu comprends, comme des trains dans la nuit. Les gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est fait pour être heureux dans le travail, dans notre travail de cinéma. Salut Alphonse, je compte sur toi.« 

Je vous mets la vidéo pour le plaisir d’écouter Truffaut, son timbre et son débit, et de voir Léaud en robe de chambre.

Je me souviens encore de l’émotion la première fois que j’ai entendu ça. Je devais avoir 14 ou 15 ans, mes rêves étaient peuplés de cinéma. Je réécoute cet extrait, et je le trouve toujours très puissant. La nuit américaine, c’est un film sur la fabrication d’un film, jour après jour, qui se fait malgré les mélodrames qui gravitent autour, c’est un film sur le travail, l’artisanat, sur un rêve qui persévère dans la matière.

Et j’aime cette idée de l’ouvrage (que ce soit un film, un livre ou tout projet que tu entreprends) qui avance inéluctablement comme un train dans la nuit.

Qui fend l’obscurité et qui n’attend pas la vie. Qui ne peut pas attendre que tout le monde soit prêt, disposé ou confiant.

Cet ouvrage qui te dit calmement, fermement : demain, c’est le travail et je compte sur toi.

Ce défi, c’est l’un de mes trains dans la nuit. Il faudra écrire quelque chose même si personne n’est là pour le lire, même s’il n’y a pas assez de temps, même si on ne sait pas par où commencer. Il faudra écrire parfois un peu malgré soi, coûte que coûte. Parce que ça n’attend pas.

Celleux qui créent des trucs

Aujourd’hui, j’ai découvert que plusieurs auteurs se regroupaient autour d’un projet mondial nommé « bibliothèque du futur » : ils écrivent des livres qui ne pourront pas être lus avant l’année…2114. L’un des participants, écrivain norvégien, explique : “It’s such a brilliant idea, I very much like the thought that you will have readers who are still not born – it’s like sending a little ship from our time to them.

Je ne comprends pas cette initiative. Les livres sont déjà pour moi des liens magiques noués à travers l’espace et le temps, déjà promis à ceux-qui-ne-sont-pas-encore-nés, ils sont pour toujours à découvrir, pour toujours surgissants de l’ombre et du silence, mais ils sont d’abord offerts aux vivants, maintenant. Je ne comprends pas qu’on veuille les évincer du présent, les plonger dans ce sommeil de belle au bois dormant.

Bon, il y a aussi une histoire d’arbres qui poussent et qui vont servir à imprimer les livres, apparemment le tout forme un greenartwork dont le sens et la beauté clairement m’échappent. Voilà, je préfèrerais que ces auteurs rejoignent notre délicieux défi des 90 jours de contenu.

Je suis convaincue que l’enjeu c’est plutôt de donner partout et au plus grand nombre la possibilité et l’envie de lire, je vais donc en profiter pour saluer toutes les bibliothèques non pas « du futur » mais bien ancrées dans l’ici et l’aujourd’hui.

Je vais aussi en profiter pour saluer et remercier tous ceux qui créent des trucs et tentent de les partager. Des peintures, des dessins, des spectacles, des poèmes, des articles, des romans, des nouvelles, des collages, des musiques, des sons, des vidéos, des podcasts, des sculptures, etc.

En fait, je sais pas si avez conscience du bien et de la beauté que vous amenez.

Il y a quelques mois, j’étais dans le bus en chemin pour le bureau, j’écoutais ce morceau que j’adore « I’d love to change the world » de Ten Years After, et je me souviens d’avoir pensé : la vie est plus belle grâce à des gens qui ne se sont pas arrêtés à « oh c’est trop risqué », « j’y arriverais jamais » ou « pfff, à quoi ça sert ? ». La vie se remplit de magie grâce à tous ceux qui créent. Ce matin-là, ma vie était plus belle grâce à cette musique que des gens ont eu le coeur et le courage de créer, travailler et partager.

Ma vie est enchantée, embellie, amplifiée par des mots, des mélodies, des voix, des images, des couleurs, des lumières, des gestes et des tracés. Et je suis reconnaissante, tellement reconnaissante, envers tous ceux qui les mettent maintenant dans le monde des vivants. Merci à toi qui crées et qui n’attends pas 100 ans pour nous le montrer.

Jouer avec tes défauts et tes difficultés

Aujourd’hui j’ai ouvert la newsletter de women who do stuff et fait une délicieuse découverte : « Jacqui Kenny aka Agoraphobic traveller est agoraphobe et anxieuse. Elle a beaucoup de mal à sortir de son appartement londonien sans faire des crises d’angoisse épuisantes, alors pour voyager, elle se promène sur Google Street View et en tire des clichés magnifiques comme celui pris au Chili depuis son ordinateur. »

J’adore. Je vous partage pas ça pour dire qu’il faut rationaliser ses angoisses, ses blocages et s’y résigner. Du tout, du tout. L’anxiété n’est pas un mode de vie acceptable.

Mais j’adore parce que ça me rappelle deux choses :

– qu’on peut faire des trucs à partir de qui on est maintenant, là où on en est, à cet instant. Qu’il n’y a pas besoin d’attendre d’être « guérie ».

– que nos « défauts » ou difficultés peuvent être des sources incroyables d’inspiration et de création quand on arrête de leur dire ta gueule à longueur de journée et qu’on regarde comment on peut jouer avec au lieu de lutter contre.

Et toi, avec quoi tu pourrais jouer ?