Aujourd’hui fallait pas que j’achète de livres, j’en ai vingt cent non lus qui s’entassent sur la table de chevet, la commode et la bibliothèque. J’avais dit la veille : un défi d’un mois sans acheter de livres ? bonne idée tiens. Aujourd’hui je fonce à la librairie et demande l’ouvrage recherché. La libraire s’accroupit pour l’attraper, aïe, oula, attention je descends. Je ris avec elle, ça me fait pareil. Elle ajoute c’est l’âge ça, je perds toute mon élasticité. Je réponds Ah moi, ça a toujours été comme ça, je crois que l’élasticité, je l’avais pas dans le package initial. Elle rit avec moi On peut pas tout avoir hein. Elle demande mon nom, puis dans un grand sourire me dit Avec vos points fidélité, ça vous fera 1,75 €, le livre en coûte 17. J’ai pas d’élasticité, mais de la chance, ça oui.
Étiquette : contraintes d’écriture
Aujourd’hui une belle image
Je me lèverai à 7 heures précises comme prévu, je boirai mon café en regardant le vent souffler sur mes bambous, en écoutant le monde se découper en petites phrases dans ma radio, je tartinerai de confiture une tranche de pain complet sans y penser, je ferai vingt minutes de yoga pour sentir mon corps, vivant, exister, je prendrai une douche et mon élan, j’irai travailler en bibliothèque, m’entourer de livres et de gens concentrés, il me rejoindra à l’heure du déjeuner, on se posera des questions qui n’intéressent que nous, on n’aura pas envie de se quitter, on s’enlacera et on sentira nos corps, vivants, exister. Je sentirai son corps, vivant, exister. C’est avec cette image, impossible, que je m’endors ce soir.
Aujourd’hui petite satisfaction personnelle
Aujourd’hui, nous sommes déjà demain. J’avais deux jours de retard sur les réels que je rattrape ce mercredi (16 mars). Petite satisfaction personnelle, je n’en profite pas pour abandonner, me dire que c’est la preuve, une fois de plus que, je prends plutôt plaisir à chercher quelques lignes, même laborieusement, pour jouer le jeu, et je n’y mets que peu d’enjeu : ça n’a pas besoin d’être utile ou beau, juste vrai. Ou presque.
Aujourd’hui moment de solitude
Aujourd’hui je n’ai vu personne, et personne ne m’a vue. Je devais travailler et au lieu de ça, j’ai lu, sans pouvoir m’arrêter. Envoûtée par ce livre atroce et magnifique, My Absolute Darling, lourd dans mon cœur et dans mes mains. Je déjeune devant The bookshop sur Arte, un film un peu raté mais pas complètement, qui se termine ainsi : “Comme elle avait raison de dire que personne ne se sent jamais seul dans une librairie.”
Aujourd’hui il a dit
Aujourd’hui il a dit des mots comme ça va, fini de dîner, contrat, je ne sais pas, analphabète, consulat, week-end, Okinawa, télétravail, 15 minutes à vélo, première semaine de mai, à bientôt. J’ai dit des mots comme rien de spécial, examens, résultats, fière de moi, appartement, Paris, je ne sais pas, mois d’août, c’est chouette, première semaine de mai alors, aller manger, je t’embrasse. Huit ans et 13000 km nous séparent. Comme c’est bon de l’entendre. On a dit des mots mais je ne suis pas sûre qu’on se soit parlé.
Aujourd’hui facile facile
Aujourd’hui ce serait facile d’ignorer le réveil, de serrer les paupières et la couette. Facile facile oui mais je ne me pose pas la question. Je suis debout dans ma cuisine et j’attrape ce café. Une heure plus tard, je suis dans cette petite salle pleine à craquer, à faire courir le stylo plume sur mon carnet ligné, en laissant des blancs quand c’est allé trop vite, quand je ne sais pas épeler. Déjà vécu cent fois depuis deux ans : ce sentiment délicieux d’être à la fois perdue et au bon endroit.
Aujourd’hui blanc
Blanc du chou-fleur que je nappe de béchamel, blanc de la couette en coton que j’étends, et je retrouve un peu dans ces odeurs les dimanches d’enfant. En français, smell et feel ne se disent pas autrement.
Aujourd’hui sentiment de déjà-vécu
Ces journées à moitié, au seuil de, ces journées à la peine, à peine vécues me désolent et je jure qu’on ne m’y reprendra plus. Demain, ce sera très différent.
Ces journées à moitié, au seuil de, ces journées à la peine, à peine vécues, me désolent et je jure qu’on ne m’y reprendra plus. Demain, ce…
…sentiment de déjà-vu, mais où, je ne sais plus.
Ces journées à moitié, au seuil de, ces journées à la peine, à peine vécues me désolent et je jure qu’on ne m’y reprendra plus.
Aujourd’hui debout dans
Rendez-vous à 9h15 aujourd’hui. 9h09, je m’assois. J’avais oublié les murs de couleur vive, l’écran qui projette en mute des vidéos sous-titrées, et le silence des corps en attente de. Debout dans l’agence, celui à l’entrée, calme et solide depuis ses deux mètres de haut et ses épaules carrées, qui vient voir celui assis à mes côtés Monsieur, c’est annulé le rendez-vous là, vous pouvez y aller. Vous travaillez vous ? Bah voilà, si vous travaillez, vous avez pas besoin de venir. Allez. Debout dans l’agence, celui d’un côté du comptoir qui dit J’ai fait le test pour faire la formation et j’ai eu 8/20. Debout dans l’agence, celle de l’autre côté du comptoir qui lui montre quelques minutes plus tard Là vous avez une offre de technicien frigoriste. Debout dans l’agence, celle qui arrive et lance mon nom. 9h39, Je suis vraiment désolée du retard, l’alerte n’a pas fonctionné, ah j’adore ma vie, suivez-moi.
Aujourd’hui féminité
Aujourd’hui, je me prépare deux fois : la première pour travailler chez moi, douche, un haut, un bas, piochés sans vraiment regarder, du moment que c’est assez souple pour supporter mes gesticulations interminables sur ma chaise ; la seconde pour aller en cours, je change de haut, de bas, brosse mes cheveux, j’applique minutieusement crème, fond de teint, poudre, couleurs sur les paupières, la bouche et mascara, je suspends à chaque oreille une boucle, place une bague à mon doigt. S’apprêter, un peu mais pas trop, s’aimer, un peu mais pas trop, l’exercice funambule de ma féminité.
Aujourd’hui leçon à apprendre par cœur
Étendre le linge en chantant O sole mio, de plus en plus fort, de plus en plus grand. Se souvenir du bonheur de Marius et Jeannette et le laisser remplir mon appartement. Chercher O sole mio et Guédiguian, et retomber – oh ! – sur ce même auteur découvert quelques jours plus tôt. Il a donc un autre blog, “en jachère mais se réveillera un jour” dit-il. Faire revenir du riz, des oeufs, des poivrons et la chaleur des rêves d’enfant. Leçon à apprendre par cœur : prendre soin, toujours, de ces soleils-là.
Aujourd’hui il faudrait réparer
Aujourd’hui, j’écoute d’une oreille distraite le podcast “à quoi servent les ruines ?” et je me demande, parmi tout ce qu’on a rêvé ou bâti, ce qu’il faudrait réparer, transformer ou bien tout simplement oublier.
Aujourd’hui pensée parasite
Je charge sur le site d’anciens contenus, je les relis et les relie entre eux. Au début, jaillit la joie de les retrouver, la fierté même parfois. Puis, une petite pensée familière s’invite, et traîne avec elle son cortège de pensées parasites. Ça ne sert à rien, personne n’a besoin de lire ça. Tu ne seras jamais capable de t’y remettre, d’écrire autant, aussi régulièrement. Et tu ne sais même pas ce que tu veux faire, de quoi tu veux parler. Tiens, précisément, de cela. Finalement, il n’y a que des échos.
Aujourd’hui oreilles
Dans mes oreilles aujourd’hui, la voix comme une amie de Flavia Coelho au micro de Boomerang, les crissements de sa guitare quand elle reprend “La vie ne vaut rien”, et ce son délicieux quand elle entonne ravis, ravis de donner leur avis sur la vie.
Dans mes oreilles aujourd’hui, les mots de Joseph Pontus lus par carnetdemarseille.com :Tirer tracter trier porter soulever peser ranger / (…) / Et l’usine /Quand tu en sors /Tu ne sais pas si tu rejoins le vrai monde ou si tu le quittes
Dans mes oreilles aujourd’hui, la délégation ukrainienne défile aux Jeux Paralympiques d’hiver, par la radio, les échos du stade, l’orchestre de la cérémonie, et le silence j’imagine aussi.