Le divan est plutôt une banquette, d’un rouge profond, avec un coussin pour la tête, et une serviette pour les pieds chaussés. Je m’y installe et je ne sais par quel procédé je choisis ce sujet plutôt qu’un autre pour commencer, quand deux ou trois autres me trottaient encore dans la tête une seconde plus tôt quand j’étais debout juste avant de m’allonger. Je dis quelque chose. Je choisis de dire quelque chose. Je dis aussi que je n’ai rien à dire en société. La voix qui reste là, qui ne part pas, m’invite à distinguer : n’avoir rien à dire et ne pas avoir envie de parler. J’entends et je crois que ça me laisse un peu bouche bée. Je dis des choses encore. C’est l’heure. Je sors le chèque de mon porte-monnaie, lui tends et me voilà déjà dans l’escalier, la rue, le métro. De nouveau debout. Adossée aux portes du wagon, quelques morceaux obsessionnels dans les écouteurs, je laisse résoner cette histoire de rien à dire et pas envie de parler. Ça me travaille mais je n’y comprends rien. Aujourd’hui, le prix à payer, c’est aussi ça.
Étiquette : contraintes d’écriture
Aujourd’hui rues
Le bus est en service partiel, on nous débarque à Arts et Métiers. Je cherche avec mes kilos de livres et d’ordi sur le dos une alternative, en bus de préférence. Ces derniers mois, j’ai le temps, le luxe, des trajets longs et lents qui m’offrent le spectacle des rues et des ciels de Paris plutôt qu’une suite précipitée de tunnels et de quais. J’approche d’un autre arrêt : zut, aucun bus ne fait la traversée vers l’autre rive, une manifestation. Tiens, je m’en souviens maintenant, celle des psychiatres hospitaliers. Je ne râlerai pas tant je me réjouis qu’ils occupent la rue et leur souhaite d’être entendus. Je me résous à prendre la ligne 4, que j’évite d’ordinaire soigneusement, et descends au carrefour d’Odéon. Des souvenirs d’une autre époque et l’odeur des crêpes me saisissent en haut de l’escalier. Arrêt : click and collect de Gibert. Arrêt : impression de 13 articles, 200 pages environ. Terminus : le bâtiment de toutes mes soirées, ma quasi deuxième maison cette année. Au milieu, les rues et les ciels de Paris, à pied. Je m’aperçois que je ne le fais presque plus, marcher et les aimer autrement que par une fenêtre vitrée. Merci aujourd’hui pour ces rues, plaisirs imprévus.
Aujourd’hui détails au plafond
Rendez-vous dans l’affreux bar aux fauteuils en cuir rouge et aux murs miroirs. J’arrive peu préparée, je me dis que si ça doit se faire, ça se fera. Lâcher la bonne élève toujours prête, rêvant d’être parfaite, me fait du bien. Je réponds comme ça vient, je n’ai pas prévu de questions, j’écoute, je parle. Je cherche quand même mon désir au milieu de tout ça. Comment faire pour “y tenir”, quand on décide de “lâcher” ? Je ne connais pas cet endroit funambule, où l’on peut s’engager, désirer quelque chose ardemment, sans pour autant chuter dans des abysses de pression, d’anticipation, de crispation. Aujourd’hui, j’écoute, je parle, je cherche mes réponses en levant les yeux, comme on cherche vainement des détails au plafond.
Aujourd’hui armé comme le béton
Je marche à ses côtés, dans les pentes du petit parc. Armé de patience et d’un parapluie qui n’aura pas servi, il se prête au jeu d’un cache-cache réclamé par M. et C. que nous gardons ce week-end. Je sais qu’il souffre un peu, son genou le blesse, le ralentit. J’ajuste mes pas. Nous faisons mine de chercher, ici et là, derrière cet arbuste, ce muret, cette allée, lentement. Je prends le temps d’aimer ce moment, et surtout d’être éblouie par ce ginkgo éclatant, radieux soleil dans l’automne gris et froid comme le béton.
Aujourd’hui une bonne chose de faite
Avant-hier, on sollicite mon avis sur un rapport, j’émets quelques réserves sur la façon dont une page est tournée, on m’invite à rédiger une alternative. Craignant de repousser, de buter, je m’y mets, une fois n’est pas coutume, de suite et ponds la page au plus vite, dans l’heure qui suit la réunion. Aah. Une bonne chose de faite. Hier, on me remercie, pour la tournure plus habile, bien reformulée. Ooh. Une chose bonne de faite. Aujourd’hui, un autre on me dit que l’argumentaire ne tient pas. Aïe. Une bonne chose de faite à refaire.
Aujourd’hui tête pleine de
Aujourd’hui, tête pleine d’idées sans mots. Je voudrais écrire et surtout publier, revenir habiter ce lieu, je regrette tout ce que je n’ai pas noté ces derniers mois. Il faut tout noter tout le temps, faire des réserves, ne pas croire qu’on se souviendra. Des idées il y en a, la tête oui pleine de ça, mais les mots me glissent des doigts. J’ai peur de ne plus savoir, de ne plus savoir aimer les je-ne-sais-pas.
[espaces compris] mon endroit préféré au salon
Les oreilles attentives d’un fauteuil gris moelleux, où lover mon corps las, où creuser des heures pleines de films, où boire mille tisanes fumantes, où voir la vie des autres, la pluie cogner, les soleils du matin flamboyer, et dans la nuit les lumières résister. #EspacesCompris
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à partir de la proposition d’écriture #espacescompris
Aujourd’hui j’étais un animal quand
Je décide d’écrire à nouveau, chaque jour. D’essayer du moins. Par où commencer quand on a si longtemps arrêté. Le temps, le vide, créent un trop-plein d’attentes et d’exigences. Il faudrait, pour un retour, créer quelque chose d’éclatant, se distinguer. Leçon supplémentaire pour l’avenir : le régulier dégonfle cet orgueil, donne au réel plus de palettes pour exister, du bon, du moins bon, du très mauvais, la douceur de faire avec les jours sans. J’étais un animal tapi, craintif du jeu et du dehors, je sors aujourd’hui voir si l’hiver peut devenir printemps.
Aujourd’hui séduction de
Aujourd’hui, je prépare à la dernière minute une interview, je prépare trop tard, et quand même je prépare un peu trop. Je ne veux pas d’un truc très édité, très pensé car si c’est joli dans l’idée, je trouve ça moins intéressant à lire ou écouter : on risque de se laisser un peu séduire par soi-même, au détriment de l’écoute de l’autre et de ce qui est présent. Je ne veux pas non plus d’un truc sans queue ni tête, sans cadre, sans intention, sans respect pour celui ou celle qui se prête au jeu. Mystère des choses qu’on évite et dans lesquelles on s’entête : je fais les deux. Quelque chose de trop pensé, qui ne laisse pas place à l’imprévu, à la pensée qui se construit à deux, aux silences, au spontané. Et quelque chose d’en même temps trop décousu, on ne sait pas où ça va, d’où ça part, pas de fil. Mystère des choses (impar)faites : je trouve malgré tout ce moment très réussi. J’ai adoré et me réjouis de bientôt recommencer.
[espaces compris] ma cuisine
Décor de pain, pommes, tisanes, bocaux et grands couteaux jamais utilisés. Plan de travail abîmé. Premier rôle pour la machine à café, d’un bouton séisme à répétition. Frigo fier d’arborer des cœurs crayonnés et titrés : « joyeux noël tata tait la meilleur tata du monde entier ».
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à partir de la proposition d’écriture #espacescompris
[espaces compris] ma chambre d’étudiante
Surface carrée pour un lit, des livres, un bureau, cuisine quasi dinette, douche et toilettes, parfait, trop parfait, balcon taillé pile pour tenir debout, assise, fumer, rêver, surtout ne pas travailler. Les toits à perte de vue, et ces livres… pas lus. #EspacesCompris
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à partir de la proposition d’écriture #espacescompris
[espaces compris] le lieu qui m’a le plus marquée à l’étranger
À pied, à vélo, aux heures libres, s’enivrer des champs d’agrumes, buffles d’eau, paysage obsédant, règne vert, pics de karst dressés vers le ciel voilé, plongés dans le fleuve miroir. Jour après jour de l’étrange au familier.Parler de gestes et de regards. Guangxi #EspacesCompris
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à partir de la proposition d’écriture #espacescompris
[espaces compris] le lieu où je me suis perdue
En plein Paris, plein soleil, dans un silence un choc un printemps, nos corps retrouvés, mon cœur perdu, au milieu des jeux des arbres frémissants, brouhaha, ma nuque et ton baiser, deux mois avant la fin de toi, de ton visage de tes mains et des soleils parisiens. #EspacesCompris
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à partir de la proposition d’écriture #espacescompris
Aujourd’hui un projet
Aujourd’hui je m’y tiens. Un projet, un seul : étudier. Je m’y remets sans mal, et à peine le choix fait, la passion revient. Je laisse les bribes d’écriture de côté. Je laisse les autres projets en sourdine exister. Sous les arbres, je vois soudain comme ces projets sont familiers. En psychologie, comme en écriture, tout devient matière, à sentir, penser, travailler. En psychologie, comme en écriture, cette même question comme une rengaine : qu’est-ce qu’on en fait ? Créer du possible, de nos impossibles, de nos silences, de nos impasses, de nos inachevés.