Ces journées à moitié, au seuil de, ces journées à la peine, à peine vécues me désolent et je jure qu’on ne m’y reprendra plus. Demain, ce sera très différent. Ces journées à moitié, au seuil de, ces journées à la peine, à peine vécues, me désolent et je jure qu’on ne m’y reprendra plus. Demain, ce…
…sentiment de déjà-vu, mais où, je ne sais plus.
Ces journées à moitié, au seuil de, ces journées à la peine, à peine vécues me désolent et je jure qu’on ne m’y reprendra plus.
Rendez-vous à 9h15 aujourd’hui. 9h09, je m’assois. J’avais oublié les murs de couleur vive, l’écran qui projette en mute des vidéos sous-titrées, et le silence des corps en attente de. Debout dans l’agence, celui à l’entrée, calme et solide depuis ses deux mètres de haut et ses épaules carrées, qui vient voir celui assis à mes côtés Monsieur, c’est annulé le rendez-vous là, vous pouvez y aller. Vous travaillez vous ? Bah voilà, si vous travaillez, vous avez pas besoin de venir. Allez. Debout dans l’agence, celui d’un côté du comptoir qui dit J’ai fait le test pour faire la formation et j’ai eu 8/20. Debout dans l’agence, celle de l’autre côté du comptoir qui lui montre quelques minutes plus tard Là vous avez une offre de technicien frigoriste. Debout dans l’agence, celle qui arrive et lance mon nom. 9h39, Je suis vraiment désolée du retard, l’alerte n’a pas fonctionné, ah j’adore ma vie, suivez-moi.
Aujourd’hui, je me prépare deux fois : la première pour travailler chez moi, douche, un haut, un bas, piochés sans vraiment regarder, du moment que c’est assez souple pour supporter mes gesticulations interminables sur ma chaise ; la seconde pour aller en cours, je change de haut, de bas, brosse mes cheveux, j’applique minutieusement crème, fond de teint, poudre, couleurs sur les paupières, la bouche et mascara, je suspends à chaque oreille une boucle, place une bague à mon doigt. S’apprêter, un peu mais pas trop, s’aimer, un peu mais pas trop, l’exercice funambule de ma féminité.
Étendre le linge en chantant O sole mio, de plus en plus fort, de plus en plus grand. Se souvenir du bonheur de Marius et Jeannette et le laisser remplir mon appartement. Chercher O sole mio et Guédiguian, et retomber – oh ! – sur ce même auteur découvert quelques jours plus tôt.Il a donc un autre blog, “en jachère mais se réveillera un jour” dit-il. Faire revenir du riz, des oeufs, des poivrons et la chaleur des rêves d’enfant. Leçon à apprendre par cœur : prendre soin, toujours, de ces soleils-là.
Aujourd’hui, j’écoute d’une oreille distraite le podcast “à quoi servent les ruines ?” et je me demande, parmi tout ce qu’on a rêvé ou bâti, ce qu’il faudrait réparer, transformer ou bien tout simplement oublier.
Dans mes oreilles aujourd’hui, la voix comme une amie de Flavia Coelho au micro de Boomerang, les crissements de sa guitare quand elle reprend “La vie ne vaut rien”, et ce son délicieux quand elle entonne ravis, ravis de donner leur avis sur la vie.
Dans mes oreilles aujourd’hui, les mots de Joseph Pontus lus par carnetdemarseille.com :Tirer tracter trier porter soulever peser ranger / (…) / Et l’usine /Quand tu en sors /Tu ne sais pas si tu rejoins le vrai monde ou si tu le quittes
Dans mes oreilles aujourd’hui, la délégation ukrainienne défile aux Jeux Paralympiques d’hiver, par la radio, les échos du stade, l’orchestre de la cérémonie, et le silence j’imagine aussi.
De là, j’entends quelques moteurs, motos vrombir, voitures ralentir, redémarrer. Les feux du carrefour d’en bas, je ne les entends pas.
Dehors, plutôt gris : la terrasse aux dalles fissurées et cendres éparpillées, le ciel entassé de nuages, les pigeons rois du quartier, les toits sous leurs petites cheminées, les arbres du père lachaise loin, au coin, tirent eux vers le bleu noir.
Depuis le 7ème étage, aucun bruit. Les voisins travaillent, dorment, mangent, d’absence ou de silence je ne sais pas.
Devant moi, 10 onglets ouverts ici maintenant : mails, agenda, twitter, un blog à l’instant découvert, fiche wikipédia de « Skholè », bibliothèques, google doc, arte « on ne tue jamais par amour », salto, et recherche vrombir.
De tête, j’imagine les rues, les gens, des voix, des pas, mais je n’y suis pas, je ne peux pas dire.
Derrière moi, le secrétaire où je devrais m’asseoir, m’y mettre, lire les 22 pages d’ici ce soir (11ème onglet ouvert pour compter le nombre de pages restantes) ; le lit où j’ai mal dormi, rêvé d’empoisonnement ; le tapis de yoga utilisé le 3 février pour la dernière fois ; la bibliothèque Billy repeinte en vert ; la table de chevet débordante de livres entamés, jamais finis, toujours tentants.
Dans l’évier, la vaisselle à charger en machine, ça ne devrait pas être trop compliqué. Mais j’aime mieux l’écrire que le faire.
Dans l’immeuble d’en face, reflets d’antennes, d’autres toits et de Tour Eiffel.
D’un coup, deux pigeons se posent sur la rambarde, se tiennent droits, déterminés, scrutent puis s’envolent, inépuisables, affairés.
Déjà l’heure, d’y aller.
3 mars 2022, 13h30 à Paris
Proposition d’écriture de Emmanuel Vaslin, Thomas Baumgartner, Hélène Paumier et Pierre Ménard à l’occasion des 40 ans de la mort de Georges Perec, inspirée de sa Tentative d’épuisement d’un lieu parisien.
« Mode d’emploi : chacun(e) se poste dans un lieu de son choix et décrit, à la manière « infraordinaire », ce qu’il voit et perçoit, le banal, le quotidien, et le poste en série sur Twitter. Chacun des tweets est accompagné systématiquement d’un hashtag donnant le nom de la ville où il/elle se trouve (#Kinshasa #Malakoff #Paris #Bruxelles #Poitiers #Tours #Marseille #Montevidéo #NewYork #Montréal #Rome #Madrid #Tokyo…), et du hashtag de l’événement #Perec40. »
Aujourd’hui, Georges Perec est mort depuis 40 ans. Dans un entretien publié par Le Nouvel Observateur le 15 décembre 1965, il dit “essayer de comprendre comment le monde nous parle”. Dans un texte confié au Figaro en 1978, il dit : “je crois plutôt trouver — et prouver — mon mouvement en marchant”, il dit aussi : “je me comparerais plutôt à un paysan qui cultiverait plusieurs champs ; dans l’un il ferait des betteraves, dans un autre de la luzerne, dans un, troisième du maïs, etc. “. Mots lus aimés de Georges Perec : 100%.
Aujourd’hui difficile de. Aujourd’hui difficile de parler. Aujourd’hui difficile de parler de moi. Aujourd’hui difficile de parler de moi, quand on me lance “et toi, comment ça va ?”. Aujourd’hui difficile de parler de moi quand on me lance “et toi comment ça va ?”, j’aimerais mieux continuer d’écouter, d’interroger, de m’étonner, de rire avec, de tête-hocher, de sourcil-froncer, d’yeux-écarquiller, d’arpenter ces ailleurs familiers, de vivre dans les plis de ce qu’on me dit.
Aujourd’hui un compliment. C’est l’anniversaire d’A. que je connais depuis bientôt vingt ans. A., merveilleusement sensible au monde et aux gens. Je ne sais pas dire autrement, cette fois-ci. Chaque année, pour chaque personne, creuser dans les mots des manières de dire merci d’être toi, merci d’être ici. Et envoyer. Créer un petit paysage de ce qu’on voit. Un compliment, délicatement fabriqué avec des bouts d’avant, des bouts de l’autre, des bouts de soi, comme une cabane à habiter les jours de pluie, les jours sans voix.
Aujourd’hui froid. Clope du café, clope du réveil, clope à répétition pour repousser le moment de démarrer la journée. Clope prise dans l’interstice de la baie vitrée, le froid du jour se pose sur mes doigts et me donne envie, encore plus, de recroqueviller tout mon corps chez moi. Le soleil droit ne suffit pas à effacer le froid, le soleil ne suffit pas. Froid des échanges whatsapp, froid des échanges mail, froid des absences de réponse, froid des réponses sans courtoisie. Cherche chaleur. Froid au dedans des sentiments. Froid des fantômes du temps.
Chercher la douceur Aux branches des arbres en fleur Au rayon du soleil sur soi Aux musiques d’un film qu’on connaît par coeur Je cherche Je n’y arrive pas
C’est la fin d’un parcours de formation que j’ai entamé en septembre dernier. Le dernier module s’est déroulé lundi et mardi, il ne reste « que » les évaluations.
À l’heure de partir mardi soir, chacun·e résistait à sa façon : en rangeant lentement et soigneusement ses affaires, en ralentissant sa marche dans le couloir, en ouvrant de grandes discussions vouées à durer jusqu’à l’aube, en planifiant déjà les rendez-vous, les retrouvailles, des prochaines semaines et prochains mois.
Les deux jours, comme tout le parcours, avaient été incroyablement denses d’émotions et d’apprentissages. Et s’en aller, tourner cette page, c’était un point dans le temps. Un point qu’on avait envie de faire tout petit, tout insignifiant, ou transformer en trois petits points et « lire la suite ».
Pour clôturer, la conceptrice et formatrice du parcours a mis en place plusieurs choses dont une que j’ai envie de vous partager car je l’emporte avec moi.
Lors du premier module, nous avions répondu, en petits groupes, à ces questions :
-Ce qui sera important pour moi pendant ce « voyage » -De quoi j’ai besoin, de la part des autres, pour donner le meilleur de moi-même (sic) -Comment je peux contribuer à son succès -Ce qui pourrait être difficile pour moi -Ce qui facilitera mon chemin
puis inscrit nos réponses sur des paperboards.
La formatrice avait conservé les feuilles. Elle les a collées au mur de la salle ce dernier jour de formation et nous a invité.e.s à cocher parmi les réponses ce qui, pour nous, avait été vrai, atteint, vécu.
J’avais adoré prendre le temps de répondre à ces questions lors du premier module, et j’ai adoré prendre le temps de les revisiter lors du dernier.
Dans mon précédent job, j’ai à deux reprises porté des projets qui ont occupé tout mon temps, mon corps et mes pensées, et j’ai souvenir :
– au lancement du projet d’avoir frénétiquement arpenté le web pour savoir par où commencer. Je n’ai pas été déçue : ça déborde d’outils et de bons conseils pour lancer, planifier, structurer. Des rétroplannings, des matrices, des templates de comptes rendus de réunions, des critères et des indicateurs, d’innombrables codes couleur. Presque rien de tout ça ne résiste au réel du travail une fois qu’il est engagé, et on garde dans les archives de ses dossiers pas mal d’excels laissés en friche.
– à la fin du projet d’avoir ressenti un vide immense et vertigineux. Un apéro tapas avec les collègues pour célébrer et puis le lendemain, continuer comme si de rien n’était.
Planifier, on sait faire. Célébrer, on sait faire (même si on ne le fait jamais assez).
Mais il manque souvent un espace, un pas de côté, pour exprimer et nommer tout ce que le projet va représenter pour soi, pour nommer ses attentes et ses besoins, ses ressources et ses défis. Un espace à revisiter quand le projet se termine ou se transforme.
L’exercice de Lynne, je l’emporte donc avec moi pour mes projets en cours et à venir. Pas besoin d’y consacrer trois semaines d’intenses réflexions. Prendre un quart d’heure, une heure, le faire seul·e ou en conversant avec quelqu’un. S’offrir ça.
Et toi, est-ce que tu prends le temps de te poser ces questions-là ? De « te poser » tout court en fait ? En mettant de côté les petits problèmes de syntaxe, est-ce que ces questions te parlent ou est-ce que tu aurais envie de créer tes propres questions ?
Si tu veux partager tout ou partie de tes réponses pour l’un de tes projets, tu peux le faire en commentaire ci-dessous, j’ai hâte de te lire !