Le clocher vu! vu! vu! dans les derniers virages, le son des gravillons sous les pneus, l’odeur folle de bonheur dès les premiers pas, le tilleul majestueux, familier, ombre douce pour nos déjeuners, et les jambes à courir de joie le jardin, le village tout entier. #espacescompris
Dans le miroir des toilettes du bâtiment, pas trop mal aujourd’hui. Dans celui de l’ascenseur en rentrant chez moi, quelle horreur. À la pause, je parle, parle, parle, on ne peut plus m’arrêter. Quelques jours plus tôt, je me demandais si j’avais quelque chose à dire à quelqu’un. Dans mes écouteurs, Chan chan surgit, avec l’envie de pleurer aux premières notes. Quelques minutes plus tard, sur le même morceau, l’envie de danser, je souris et remue mes hanches sur le siège du bus. Je lis d’affilée plusieurs articles d’un blog aimé, je n’avais jamais remarqué combien nos territoires sont proches. Il suffisait de regarder.
Après l’obsession des images, l’obsession de la page d’accueil. Trouver une mise en page, trouver des mots. Aujourd’hui, un sur deux. Un carrousel enfin pour arrêter de tourner en rond. Reste à dire ce qu’on trouvera ici, donner envie aux passants d’entrer et de s’y promener. Je vois l’erreur et je la fais quand même. Du temps passé sur tout ce qu’il y a autour, au lieu de faire ce qu’il y a au cœur. Au diable le SEO, les réseaux sociaux, les menus, les footers et les plugins. Pensée éclair : je dois faire les bonnes actions, celles qui comptent vraiment, écrire et cueillir. Cohérence zéro : je re-perds une heure à comparer trois outils de newsletter.
Hier me hante, je suis rentrée le cœur serré, sans trop savoir pourquoi. La météo du jour aggrave mon cas, il fait si beau, si chaud, il faudrait sortir, profiter, et quelque chose me retient là, me tient mauvaise compagnie. Quand je décide enfin qu’aujourd’hui ne sert à rien, qu’il n’y a rien à cocher, que j’ai le droit, ça va un peu mieux. Je m’offre une série policière danoise, puis le film Deux moi, je laisse le soleil tourner de l’autre côté, aujourd’hui je laisse hier passer.
Aujourd’hui, intervention sur les urgences psychiatriques, comment repérer, orienter, et dans des institutions malmenées, quelles marges, quel rayon d’action. Café sous le soleil avec deux camarades juste après, vices et vertus du travail associatif, névrotique psychotique état-limite et toi où tu te situes, je dis que j’écris, je n’aurais pas dû, ce n’est pas le bon endroit, le bon moment, les bonnes personnes à cet instant. Goûter en famille pour rencontrer le nouveau-né. Beau l’enfant, beaux les papiers-peints, beaucoup de monde, de mots, de blagues et de photos. Mon neveu, si grand maintenant, soudain m’étreint, et je me rappelle alors que je suis quelqu’un pour quelqu’un.
La petite étagère en osier, mal fixée au mur le long du lit, remplie de livres à voyager le soir sous la couette fleurie. Cabane à soi pour les rêves d’écrire. Un journal rangé dans un des tiroirs du bureau blanc, seule chose fermée à clé dans ma chambre d’enfant. #espacescompris
Les lits superposés, bureaux juxtaposés, la lumière dans les yeux à l’heure de se coucher, nos CD 2 titres empilés, nos rires et nos chamailles, un grand miroir pour ton grand reflet, nos vies côte-à-côte et trop serrées, ma chambre d’enfant, et la tienne aussi. #espacescompris
Aujourd’hui, j’ai vu trop tard le message vocal de l’amie M. Je la rappelle, elle voulait que je l’accompagne au cabinet infirmier car elle appréhendait, puis qu’on aille déjeuner. Une part de moi n’a pas très envie c’est vrai, et c’est trop tard, le rendez-vous est dans 10 minutes. Elle me dit non, t’inquiète, c’est pas la peine, ça va. Après avoir raccroché, je sais que je dois quand même y aller. J’envoie un texto, je pars, je te retrouve à la sortie. C’était le bon choix, j’arrive pile quand elle sort du cabinet, et on va déjeuner en terrasse, un air d’été, parler psy, politique, parentalité, vacances et bons petits plats. Le merlu patate et chou brille au soleil, comme notre amitié.
Aujourd’hui, les tout derniers. J’en vois le bout, je fais les dernières images, et je sens déjà que ça va me manquer, cette bonne excuse pour ne pas faire le reste – écrire, étudier, postuler pour un stage, ranger. Pourtant pas des tâches de super-héros. Ce soir, en cours, on parle du langage, oral, intérieur et écrit. Passion, j’ai mal aux poignets dans mes notes agitées. On parle aussi du pouvoir des images pour dire les émotions. Ces derniers mois, j’étais en lutte entre ce que j’ai appris en formation de coaching et ce que j’apprends en psychologie. Ici, aujourd’hui, ça se réconcilie.
Aujourd’hui, l’obsession avale ma journée. Les heures se perdent dans ma petite fabrique pour les images du site, plus rien n’existe, je veux finir, je dépouille gallica, je vais de plus en plus vite mais pas assez, je m’amuse et m’impatiente. Aujourd’hui, 45 visuels réalisés. Combien encore à faire ? Pendant ce temps-là, je n’écris pas. De fil en aiguille en cours ce soir, on en vient à évoquer le très beau film Her. Je pense à ce qui prend forme, ce qui prend de la place sans qu’on puisse le toucher.
Je me suis arrêtée net dans la rue. Mon téléphone en main, l’œil rivé sur l’écran, j’ai vu mes résultats et j’ai explosé de joie. Je n’ai pas pu retenir un grand éclat fanfaron, un rire de soulagement, au point d’effrayer un peu je crois les passants autour, et j’ai gardé, en reprenant mon chemin, cette mine radieuse, ce bonheur serré fort contre moi. C’était les résultats des examens du premier semestre, réussis, y compris celui que j’étais si sûre, si sûre d’avoir affreusement crabouillé. Le délice absolu des efforts qui ont payé, l’espoir qui se rapproche de passer en troisième année, le cœur battant, reconnaissant, frémissant.
Très gentiment, des proches m’ont félicitée quand je leur ai partagé, les jours suivants, la bonne nouvelle. Mais j’ai entendu une fois les mots “douée” et “talent”, et j’ai senti que ça piquait. Vraiment. C’était, sous les mots doux, valorisants, rayer d’un trait tout le travail engagé. Les heures enfermées à dépouiller des textes, à répéter à haute voix, à bloquer les notifications du téléphone, la jubilation de voir enfin les choses s’imbriquer, d’enfin tenir quelque chose, à 23h, au bout d’une journée entière à buter, la peur parfois de perdre pied, d’être absorbée, obsédée au point d’étaler du gel douche, au lieu du shampooing, sur ma tête, au point de lancer de l’eau à chauffer, sans eau dans la casserole, la tentation d’envoyer tout bouler, la beauté chaque matin de s’y remettre.
Ce travail-là, acharné, je le situe à peu près aux antipodes du talent et d’être douée. Je sais bien que ça n’était pas l’intention ni la pensée des personnes qui ont employé ces mots. À dire vrai, je n’en sais rien, peu importe. Ça m’a permis de sentir chez moi un changement profond de regard et d’esprit.
J’ai longtemps été friande de tests, questionnaires, exercices, programmes pour mieux me connaître, mes points forts, ma zone de confort, ma personnalité, mes talents, mes super-pouvoirs. Qu’on me dise qui je suis, qu’on me reconnaisse des qualités intrinsèques, indéniables, des prédispositions, des endroits d’excellence à l’intérieur, pour qu’on me dise quoi faire, où mettre mon énergie, dans quoi je serai la plus douée. Et au fond, j’attendais cela aussi des gens qui m’entouraient.
Aujourd’hui, je préfère largement qu’on reconnaisse mon travail, dans ses deux versants : ce que j’ai fait, le résultat, et ce que ça m’a demandé, le cheminement. Je préfère largement reconnaître mon envie, mon ardeur, ce qui me tient à cœur. Je préfère largement découvrir que je suis capablede travailler comme ça, et qu’en plus – fabuleux – ça porte ses fruits. Je préfère largement apprendre sur comment j’apprends, affûter mes trucs et astuces pour apprivoiser la flemme, le temps que ça prend, les nœuds dans la tête et dans les doigts. Et peut-être que la prochaine fois, je penserai même à mettre de l’eau dans la casserole.
Tu n’as pas besoin d’être doué·e ou qu’on te le dise. Fais ce qui te tient à cœur. Fais-le du mieux que tu peux. Fais-le vivre. D’avance, pour ça, tu peux te féliciter et serrer fort ce bonheur-là !
Aujourd’hui, l’obsession commence : je veux des images. Des images qui me parlent, qui me plaisent, qui donnent envie. Des images pour illustrer chacun des contenus sur le site. J’entre dans la spirale canva, je laisse mon goût guider mes choix. Au début, je ne sais pas. Et à force de dire oui, non, bien, berk, surtout pas, pourquoi pas, ça s’affine : je veux grosso modo d’un côté des images d’archives et de l’autre des textures. Et pour les petits contenus, choses cueillies, je veux du prêt-à-l’emploi, facile à répliquer, avec des bouts de papier, des bords pas nets, du déchiré. Pendant ce temps-là, je n’écris pas.
« Ça, je te l’ai dit, on met très longtemps à être connu du jour au lendemain »
Pourquoi il faut regarder la série Drôle sur Netflix ?
(Et spoiler alert, non pas parce que c’est drôle, ça l’est parfois mais c’est pas comme ça que je la définirais)
La série plonge avec passion dans une salle de comedy club, on sent presque la bière qui colle aux pieds et la sueur de celleux qui foulent la scène. On suit plusieurs comédiens de stand-up qui espèrent enfin percer, ou retrouver une gloire passée, ou bien oser pour la première fois se lancer.
Et on s’attache tôt ou tard, même dans les pires malaises, à tous les personnages, c’est la patte de Fanny Herrero, scénariste et showrunneuse de cette série, après l’avoir été sur Dix pour cent.
À voir absolument. Parce que ça parle d’écriture, de création, de travail et de persévérance, des mots qu’on triture et malaxe cent fois pour espérer sortir une petite phrase qui tient la route, de l’art si délicat d’un texte qui fera mouche, des journées funambules pour gagner sa vie sans perdre les espaces-temps dédiés à ce qu’on brûle de faire, du courage d’être mauvais, longtemps, très longtemps, avant d’être bon, de ce qu’on ose dire ici et pas là, de la reconnaissance qu’on attend d’untel précisément et qui ne viendra jamais, de ce qu’on détruit autour de soi, en soi, quand on ne crée pas, des proches qui soutiennent, malgré tout, des proches qui ne comprennent pas, des proches qui empêchent, du succès perdu, de repartir de zéro chaque fois, de la douleur de croire qu’on y arrivera plus, de l’addiction au souvenir de cette fois-là où on y arrivait, et du bonheur complètement fou de surmonter les jambes en coton pour se tenir là, face à, debout.
J’écris enfin un texte, newsletter, puis un autre, billet de blog. Fabuleuse satisfaction une fois que c’est écrit, et beaucoup moins de heurts à l’écriture, je sens l’effet des réels. Dans ma joie, j’en délaisse celui du jour. Je marche heureuse vers Oberkampf où je retrouve A. et E. – E. que je n’ai pas vue depuis sept ans. On papote comme si on s’était vues trois mois plus tôt, mystère des choses qui restent, résistent au temps. Je marche vers chez moi. Aujourd’hui, multiples retrouvailles.
Aujourd’hui, besoin de faire le ménage. Ce gros mouton de poussière qui squatte sous la pile de livres au pied du lit. Et ces toiles d’araignée que je tisse sur la toile. Page d’accueil, page à propos, et je m’emmêle les pinceaux avec la page de la newsletter, le post épinglé, la section about, et l’about de mon profil. Où dire quoi, et je me répète ici et là aussi, ça radote et ça veut plus rien dire, j’ai des nœuds plein les doigts, tout ça pour écrire que j’écris pour écrire. En comparaison, ce petit mouton de poussière peut bien bêler tant qu’il veut, ce n’est pas ça qui m’empêchera de dormir.