Mercred’incipit – Ici ça va

« Ici ça va. La maison n’est pas toute neuve mais elle est propre et les plafonds sont hauts. Au moment où Ema a ouvert la porte grinçante, dont le bois humide avait gonflé autour des gonds et de la serrure, il y a eu comme un grand silence de poussière et de souvenirs. Les tomettes usées du sol, les toiles d’araignée qui voilent les fenêtres, l’odeur de renfermé, je ne sais pas pourquoi j’ai ressenti de la tendresse pour cet endroit. C’est plutôt bon signe. Il faudra se l’approprier bien sûr, reconstruire quelque chose, mais une fois que nous aurons tout installé, je pense que nous ne serons pas trop mal. C’est toujours mieux qu’avant. Et puis il y a la lumière. Omniprésente. On dirait parfois qu’elle monte de la terre. Avec le bruit de la rivière. Qui lui sert d’escalier. »

Ici ça va, Thomas Vinau, Alma éditeur, 2012

Incipit d’une lecture en cours, chaque mercredi, sur une idée de la Bibliothèque Roz

La pratique des herbes fraîches

Dimanche, matin sous un ciel bleu, chanceux. Semaine ravagée d’effroi, de ruines. Et au milieu des voix du réel, celle de François-Régis Gaudry maintenant à la radio. Au début, c’est incongru, presque indécent, tant de légèreté, ce ton à côté. Avec son invité, il parle de vingt gousses d’ail ; il parle de la pratique des herbes fraîches. Je souris avec ces mots qui touchent ma peau. J’ai besoin d’écouter ça aussi. J’ai besoin ce matin de lire cette autrice sur sa résidence d’écriture, j’ai besoin de regarder ces photos d’arbres et ces illustrations de la famille souris, j’ai besoin de découvrir un poème et un deuxième, j’ai besoin de voir par la fenêtre ce vieil homme s’allonger, une main sous sa tête baignée de soleil pour une sieste, j’ai besoin d’écouter des gens débattre encore de cuisine et de pièces de théâtre. J’ai besoin de la pratique des herbes fraîches. Non pas ignorer le monde, mais continuer de le créer.