Aujourd’hui la sécurité c’est

Aujourd’hui la sécurité c’est tenir fermement mes clés en arrivant dans le local poubelles, prête à les planter dans l’œil de tout individu malfaisant qui surgirait. Personne n’a surgi, j’ai continué de serrer mes clés en remontant.

Aujourd’hui la sécurité c’est employer des mots plutôt délicats et littéraires pour masquer le fait que j’ignore à peu près tout du sujet dont on parle dans cette réunion. Personne n’a remarqué, j’ai continué de sourire en écoutant.

Aujourd’hui la sécurité c’est être désignée personne de confiance par celui qui va subir une petite intervention, et par ce signe-là, se sentir aimée. Personne de confiance, j’ai continué d’y penser toute la journée.

Aujourd’hui un mot en anglais

D’un coup la lumière est tombée, suivie de quelques gouttes. Franches, nettes, menaçantes. Le tonnerre n’a pas tardé, suivi de grands éclairs, juste au-dessus de nos têtes. L’orage en ville vu d’un fauteuil, d’une fenêtre. À la fascination se mêlent un frisson ancestral, une peur lointaine, animale, ce sentiment d’être une bête. Minuscule, vulnérable, à l’affût du fracas, car on ne sait pas de quoi la terre est capable. Me vient ce mot en anglais, puisque le réel en réclame un : awe, sentiment d’admiration mêlé de crainte, terreur, émerveillement. Je jette un œil sur wikipédia. La page est illustrée d’un orage.

Aujourd’hui la toute première question qu’on va vous poser

Tu plaisantes ? C’est sans doute la toute première question qu’on me posera si je gagne aujourd’hui. 13 millions, moi qui ne joue jamais, sauf un astro poissons une fois par an. Qu’est-ce que tu comptes en faire ? sera sans doute la deuxième. J’y ai pensé d’un trait avec des euros casino dans les yeux. Très vite défilent trains, cargos, houle et roulis, paysages, et tracent un immense sourire sur mon visage. Pas très original. Heureusement que je n’ai pas gagné, je n’aurai pas à me soucier de l’originalité des toutes premières réponses à donner.

[espaces compris] le lieu de ma plus grande peur

Le lieu de ma plus grande peur ? Un lieu, un seul ? À 30000 pieds du sol, mains moites sur l’accoudoir, carlingue cercueil des pires cauchemars. À 7 mètres sous terre, tunnel traquenard, foule et mains moites sur la barre. Ma plus grande peur : un lieu, un seul. #EspacesCompris


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

Fragment d’aujourd’hui raconté en poésie

Inquiète
Pas en paix, pas en place
Cherche réconfort, sas et vestibule,
Où patienter, m’impatienter, m’attendrir
Toujours un hier, un demain
Hante, tourmente, ravit l’aujourd’hui
La belle inquiétude, entre les songes et le qui-vive
La belle inquiétude, absente et attentive
Prête à tout moment
Jamais disponible pour autant
La belle inquiétude réclame des mots et du silence
De place et du temps
Car n’est-ce pas là que tout commence ?

Aujourd’hui IL FAUT

Temps merveilleux, idéal pour buller au bord de l’eau, quelque part en France où sentir des pins ou du chèvrefeuille, déjeuner d’une tomate basilic, se laisser bercer par les heures et le vent. Mais il faut travailler, rester à Paris, devant l’écran, ouvrir le livre et continuer, envier le soleil par la fenêtre, repousser les douces rêveries, la tentation de prendre un sac à dos et un aller simple vers un ailleurs au goût d’été. IL FAUT l’écrire en grand car en petit, aujourd’hui, ça ne marche pas.

[espaces compris] le lieu où j’ai vu mon premier cadavre

La pente pleine de graviers, le bâtiment-bloc, le choix d’y aller, de poser ma bouche sur son front glacé, son visage déformé, son costume jamais vu, disparus son bleu de travail, ses joues chaudes et joviales, son odeur, son regard et ses histoires. #EspacesCompris


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

Aujourd’hui comment lui dire ?

Assise à mon secrétaire d’enfance, blanc écaillé par le temps, le même sous-main aux fleurs roses, au dehors les oiseaux en fête, le même tilleul flamboyant, majestueux s’approche de la fenêtre, au loin tondeuse dans un jardin, chien qui aboie. Le soleil perce. Quelques parfums transportent des années en arrière, mais il n’y a qu’ici, maintenant. Je ne peux pas réellement être autre part qu’ici, maintenant. Et pourtant. Comment lui dire, à cette petite fille, que tout sans cesse disparaîtra, et que tout sans cesse reviendra ? Un jour d’avril, avec au dehors les oiseaux en fête.

[espaces compris] le lieu de mon premier baiser

Après un cœur tracé sur nokia, grande cuisine, meubles en bois, lumières éteintes pour l’étreinte, dans l’ombre et la timidité, baiser nerveux et maladroit noyé dans nos sourires, puis le carrelage si froid, ses muscles, son tact et nos peaux collées ce soir-là. #espacescompris


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

Aujourd’hui table de

Sur mon secrétaire, se bousculent péniblement l’ordinateur, la trousse remplie de piles et de monnaie, le livre à lire, la tasse à ras bord de tisane, les trente carnets à trier, les feuilles en vrac – gribouillages téléphoniques, objectifs “du jour”, notes de réunion, horaires de train. Je rêve d’un bureau immense, grande table de travail, où m’étaler, où à la fois laisser vivre et ordonner le bordel. Depuis mon secrétaire, j’entends l’eau et les pales du lave-vaisselle tourner, tempêter. Je rêve de murs, de pièces, de limites et de frontières, d’un espace pour chaque fonction. Quand j’ai du mal à m’y mettre, je rêve de choses très matérielles comme solutions toutes faites à ma procrastination.

[espaces compris] la maison de mes grands-parents

…enfin, l’appartement de mes grands-parents.

En haut des marches essoufflées, double-séjour tapissé, fauteuils crapauds, soupière remplie de pastilles Vichy, buffet-table assortis, grosse TV pour déjeuner, cuisine bleu-formica, radio pour éplucher, livres et moquette, baignoire en coin, toilettes aux murs orange&noir fleuris, le sourire des derniers jours dans un grand lit.


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

[espaces compris] ma cour de récréation

Aux billes, aux funambules, à l’élastique, à la tomate : jouer partout de chaque rebord, chaque recoin, chaque racine, chaque faille dans le sol. Dans la grande cour, plus tard, jouer pas tout à fait, typologies, territoires, messes basses, regards en coin. #EspacesCompris


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

[espaces compris] la chambre de mes parents

Dans le salon, un canapé-lit gris vert indéfinissable, déplié chaque soir, replié chaque matin, l’habitude et les maux de dos ; et le samedi trop tôt, dans le noir, leur sommeil gâché par la télé allumée, mes dessins animés sous casque. Silence, images colorées. #EspacesCompris

à partir de la proposition d’écriture #espacescompris