Le blues des projets qui prennent fin

C’est la fin d’un parcours de formation que j’ai entamé en septembre dernier. Le dernier module s’est déroulé lundi et mardi, il ne reste « que » les évaluations.

À l’heure de partir mardi soir, chacun·e résistait à sa façon : en rangeant lentement et soigneusement ses affaires, en ralentissant sa marche dans le couloir, en ouvrant de grandes discussions vouées à durer jusqu’à l’aube, en planifiant déjà les rendez-vous, les retrouvailles, des prochaines semaines et prochains mois.

Les deux jours, comme tout le parcours, avaient été incroyablement denses d’émotions et d’apprentissages. Et s’en aller, tourner cette page, c’était un point dans le temps. Un point qu’on avait envie de faire tout petit, tout insignifiant, ou transformer en trois petits points et « lire la suite ».

Pour clôturer, la conceptrice et formatrice du parcours a mis en place plusieurs choses dont une que j’ai envie de vous partager car je l’emporte avec moi.

Lors du premier module, nous avions répondu, en petits groupes, à ces questions :

-Ce qui sera important pour moi pendant ce « voyage »
-De quoi j’ai besoin, de la part des autres, pour donner le meilleur de moi-même (sic)
-Comment je peux contribuer à son succès
-Ce qui pourrait être difficile pour moi
-Ce qui facilitera mon chemin

puis inscrit nos réponses sur des paperboards.

La formatrice avait conservé les feuilles. Elle les a collées au mur de la salle ce dernier jour de formation et nous a invité.e.s à cocher parmi les réponses ce qui, pour nous, avait été vrai, atteint, vécu.

J’avais adoré prendre le temps de répondre à ces questions lors du premier module, et j’ai adoré prendre le temps de les revisiter lors du dernier.

Dans mon précédent job, j’ai à deux reprises porté des projets qui ont occupé tout mon temps, mon corps et mes pensées, et j’ai souvenir :

– au lancement du projet d’avoir frénétiquement arpenté le web pour savoir par où commencer. Je n’ai pas été déçue : ça déborde d’outils et de bons conseils pour lancer, planifier, structurer. Des rétroplannings, des matrices, des templates de comptes rendus de réunions, des critères et des indicateurs, d’innombrables codes couleur. Presque rien de tout ça ne résiste au réel du travail une fois qu’il est engagé, et on garde dans les archives de ses dossiers pas mal d’excels laissés en friche.

– à la fin du projet d’avoir ressenti un vide immense et vertigineux. Un apéro tapas avec les collègues pour célébrer et puis le lendemain, continuer comme si de rien n’était.

Planifier, on sait faire. Célébrer, on sait faire (même si on ne le fait jamais assez).

Mais il manque souvent un espace, un pas de côté, pour exprimer et nommer tout ce que le projet va représenter pour soi, pour nommer ses attentes et ses besoins, ses ressources et ses défis. Un espace à revisiter quand le projet se termine ou se transforme.

L’exercice de Lynne, je l’emporte donc avec moi pour mes projets en cours et à venir. Pas besoin d’y consacrer trois semaines d’intenses réflexions. Prendre un quart d’heure, une heure, le faire seul·e ou en conversant avec quelqu’un. S’offrir ça.

Et toi, est-ce que tu prends le temps de te poser ces questions-là ? De « te poser » tout court en fait ? En mettant de côté les petits problèmes de syntaxe, est-ce que ces questions te parlent ou est-ce que tu aurais envie de créer tes propres questions ?

Si tu veux partager tout ou partie de tes réponses pour l’un de tes projets, tu peux le faire en commentaire ci-dessous, j’ai hâte de te lire !

La peur d’imaginer

la peur
d’imaginer
sa propre vie
à contre-courant
comme un champ de ruines,
un roman

j’avais commencé
j’étais bien décidé

le samedi suivant
je n’avais pas la moindre idée

besoin de silence


Caviardage à partir de Philippe Lançon, Le lambeau (pages 30 et 31, Éditions Gallimard, Collection Folio)

À la chasse aux grands oui

Hier, certitude absolue après quelques jours de doute : je renonce à l’un des cours du soir auxquels je m’étais inscrite la semaine dernière. Un mail au bureau des inscriptions, un mail à mon groupe de travail, un mail aux enseignants : trois petits mails et c’était plié. Facile une fois la décision prise. 

Le cours s’annonçait passionnant, j’allais apprendre plein de choses sur comment on apprend justement, sur différentes modalités pédagogiques à mettre en œuvre, et sur la réflexivité et l’autoformation. Délice d’avance (je peux concevoir, mais en faisant un petit effort quand même, que ça ne procure pas exactement les mêmes sensations chez toi ;). Le cours était entièrement bâti en classe inversée, avec énormément de productions collectives et donc énormément d’heures à y consacrer. Et là, rien qu’à l’idée de programmer les teams et de saturer mon agenda, j’avais la nausée. C’est pas bon signe, m’a dit l’amie A. 

Entre délice et nausée, c’était pas tranché. Le bon moment pour utiliser ma toute nouvelle méthode de choix : un grand oui sinon rien. 

Ce grand oui sinon rien me vient tout droit d’une séance de coaching, starring pêle-mêle : ma super collègue qui se reconnaîtra, une plaque de fer du Moyen-âge, Yoga with Adriene, le son PAF, et « beaucoup beaucoup d’amour » répété à peu près trente-douze fois. Je te refais pas toute la séance – le film sortira bientôt -, en résumé : la condition sine qua non de ce « beaucoup d’amour » pour moi, j’ai décidé que c’était de m’en tenir, au maximum en ce moment, à des grands oui, à ce qui fait oui PAF (ah le voilà) sans explication, au ressenti brut : ça, je veux. Du 100%, du brûlant, exit la tiédeur et les oui-non-mais-tu-vois. 

S’en tenir aux grands oui sinon rien, ça m’a quand même semblé un peu luxe, voire un peu caprice. Et puis… à bien ressentir la chose, c’est au contraire la tiédeur qui m’a paru carrément luxe. Un luxe que, par moments, on ne peut plus se permettre. Il en faut du temps devant soi, de l’énergie en stock et des certitudes sur l’avenir pour laisser les oui-non-mais-tu-vois squatter ses journées !

J’ai pas bazardé d’un revers de main tout ce qui dans ma vie ne passe pas au tamis du grand oui. Il y a quelques réalités qui se règlent pas en trois mails bien tournés, et surtout il y a des coins où on tolère encore assez bien, il faut se l’avouer, la tiédeur. Mais j’ai envie d’être à l’écoute de ça. Je me suis remémoré quelques grands oui du passé, j’ai identifié quelques grands oui du moment, et j’ai décidé de partir avec la curiosité d’une enfant à la chasse aux grands oui, de prêter attention, et priorité, à ce qui dans mes projets, dans mes journées, et jusque dans les petits détails de mon quotidien, fait paf sans équivoque. Et de goûter tout l’espace que ça crée quand j’ai l’audace de laisser les trucs mi-délice mi-nausée sur le bas-côté.

Et toi, c’est quoi tes grands oui du passé et du moment ? Est-ce que ça fait paf ou wa ou ding ou fshh ?

Est-ce qu’il y a au moins un grand oui dans ta journée ? (c’est le oui qui doit être grand, pas la chose faite ou ressentie : moi j’inclus dans mes grands oui du jour ma séance de yoga, et regarder le ciel se lever avec mon café).

C’est quoi le premier oui-non-mais-tu-vois auquel tu pourrais renoncer ?

De battre mon cœur a commencé

J’ai les mains moites, le corps crispé et le cœur qui bat. Je ne vais pas sauter en parachute, ni monter sur scène devant trois mille personnes (pas aujourd’hui en tout cas). Mais c’est pour moi à peu près aussi épique, excitant et terrifiant que ça : j’écris ce premier post.

Depuis des semaines, j’hésite entre six noms de page facebook, deux types de montgolfières, trois polices d’écriture, une dizaine de verts, j’ai fait un nombre indécent de tests sur tinyletter et canva, j’ai re-visionné une vingtaine de vidéos très très bien pour trouver sa voix, son ton, créer sa newsletter, etc., et j’ai rouvert les cinquante-huit google docs où se loge depuis des années (aïe) ma ribambelle d’idées floues pour le jour où, enfin, je m’élancerai. 

Le jour où enfin. 

Tout ça part instantément en fumée alors que j’essaie d’écrire ce premier post. Je ne sais rien. Peu importe la montgolfière, peu importe les teintes de vert, peu importe tout ce que j’ai pu lire, écouter, prévoir, imaginer, mettre en mots-clés, je ne sais plus rien. Il y a un fond blanc et des lettres qui se collent et s’espacent, des mots qui s’enchaînent plus ou moins bien, des phrases qui se créent et surtout, il y a mon cœur qui bat. De peur, mais aussi de joie. Et les deux sont là, s’enlacent comme l’e-dans-l’o de mon cœur qui bat. 

Alors je veux commencer par ce bout-là, cet endroit où peur et joie s’enlacent, se lient, s’allient, inséparables, dès lors qu’on fait ce qui nous tient à cœur. Et te dire, s’il t’arrive aussi de te perdre entre des montgolfières et des google docs, que « le jour où enfin » n’est pas un jour où tu ressens moins de peur que de joie mais un jour où tu choisis de visiter cet endroit, cet e-dans-l’o, où l’on ne sait presque rien à part la chamade et les mains moites. 

J’ai attendu l’eurêka

Pendant des années, j’ai attendu l’eurêka, l’épiphanie, le grand dénouement qui allait me révéler avec précision le quoi, le comment, le pourquoi, avec confettis, feuille de route et mode d’emploi fournis, pour lancer ma boîte. Évidemment, ça n’est jamais venu. Des idées floues, des projections, des fantasmes en veux-tu en voilà, et pas l’ombre d’un chouïa d’action concrète à l’horizon. Résultat : la sensation de faire crever doucement mais sûrement mon petit coeur qui bat.

En janvier dernier, j’ai enfin compris, vraiment, qu’il faudrait faire, commencer, s’y atteler pour espérer y voir plus clair. Et que l’eurêka, s’il existe, ne se trouve pas niché dans un coin de ma tête. Je suis repartie de mon désir le plus simple et le plus ancien : l’envie d’un espace pour écrire, partager. Et pour le lancer de boîte, ça a l’air d’être un sport sympa, on verra.

Comme on ne se refait pas (du jour au lendemain du moins), j’ai tergiversé un mois de plus sur des petits détails et des grosses émotions pour repousser le premier pas.

Et maintenant, c’est parti, j’ouvre cet espace comme on part en voyage, sans savoir où ça va mais avec la curiosité et le goût de l’inconnu, des coups de tête et des coups de cœur.