Des cabanes de phrases

C’est un jour particulier, une date. Est-ce encore un anniversaire ?

Un jour où j’ai l’impression qu’écrire est interdit, que seul le silence est requis. On peut écrire en silence pourtant, c’est drôle comme j’entends le silence étendu à tous les mots qu’ils soit tracés ou dits. Est-ce qu’on se tait quand on écrit ?

J’ai écrit toute la journée malgré tout. Mon journal s’est transformé en pages du matin, du midi, du soir et de l’après-midi. Des minutes. J’ai écrit tout ce que je n’arrivais pas à faire. J’ai écrit tout ce que j’ai réussi à faire. J’ai écrit ce que j’ai lu. J’ai écrit des choses bêtes et des choses importantes et peut-être bêtes aussi. J’ai écrit que je ne ressentais rien. Est-ce qu’on ne ressent rien si on ressent le besoin de l’écrire ?

J’ai commencé un billet pour ici, j’ai imaginé ma prochaine newsletter, je n’ai fait ni l’un ni l’autre. Est-ce qu’imaginer-commencer suffit ?

J’ai découvert cet extrait de Comanche de Caroline Diaz et après ça, j’ai su que je n’avais pas ce courage, pour l’instant, d’écrire. D’aller . Est-ce que ça viendra ?

J’ai relu plusieurs des phrases de Lisa Olivera :
Not rushing toward clarity or meaning might be some kind of medicine.”
“I’ve never been more okay with being lost. Maybe that’s the only way to be.”

J’ai regardé la belle photo d’où elle écrit, et j’ai rêvé de cette cabane dans les arbres.

J’ai repensé à Alice Zeniter qui parle d’”habiter des cabanes de phrases”, en citant Victor Pouchet.

« J’imaginais que je récoltais des mots, que tous ces mots formaient des phrases, et dans ma tête toutes ces phrases formeraient non pas des lignes mais des volumes, des murs de phrases, des cabanes de phrases, des cheminées de phrases où faire des feux pâles dès l’automne, des feux de phrases en bois qui crépitent fort. Et aujourd’hui encore, je reviens souvent dans cette cabane de phrases. Si elle tient bien contre le vent, et si les bûches de phrases brûlent comme il faut, on peut s’y réfugier dans l’hiver quand plus aucun mot ne nous vient et que la forêt nous semble si grande. »
Victor Pouchet, Autoportrait en chevreuil

Si grande.

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