Aujourd’hui comment lui dire ?

Assise à mon secrétaire d’enfance, blanc écaillé par le temps, le même sous-main aux fleurs roses, au dehors les oiseaux en fête, le même tilleul flamboyant, majestueux s’approche de la fenêtre, au loin tondeuse dans un jardin, chien qui aboie. Le soleil perce. Quelques parfums transportent des années en arrière, mais il n’y a qu’ici, maintenant. Je ne peux pas réellement être autre part qu’ici, maintenant. Et pourtant. Comment lui dire, à cette petite fille, que tout sans cesse disparaîtra, et que tout sans cesse reviendra ? Un jour d’avril, avec au dehors les oiseaux en fête.

[espaces compris] le lieu de mon premier baiser

Après un cœur tracé sur nokia, grande cuisine, meubles en bois, lumières éteintes pour l’étreinte, dans l’ombre et la timidité, baiser nerveux et maladroit noyé dans nos sourires, puis le carrelage si froid, ses muscles, son tact et nos peaux collées ce soir-là. #espacescompris


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

Aujourd’hui table de

Sur mon secrétaire, se bousculent péniblement l’ordinateur, la trousse remplie de piles et de monnaie, le livre à lire, la tasse à ras bord de tisane, les trente carnets à trier, les feuilles en vrac – gribouillages téléphoniques, objectifs “du jour”, notes de réunion, horaires de train. Je rêve d’un bureau immense, grande table de travail, où m’étaler, où à la fois laisser vivre et ordonner le bordel. Depuis mon secrétaire, j’entends l’eau et les pales du lave-vaisselle tourner, tempêter. Je rêve de murs, de pièces, de limites et de frontières, d’un espace pour chaque fonction. Quand j’ai du mal à m’y mettre, je rêve de choses très matérielles comme solutions toutes faites à ma procrastination.

[espaces compris] la maison de mes grands-parents

…enfin, l’appartement de mes grands-parents.

En haut des marches essoufflées, double-séjour tapissé, fauteuils crapauds, soupière remplie de pastilles Vichy, buffet-table assortis, grosse TV pour déjeuner, cuisine bleu-formica, radio pour éplucher, livres et moquette, baignoire en coin, toilettes aux murs orange&noir fleuris, le sourire des derniers jours dans un grand lit.


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

[espaces compris] ma cour de récréation

Aux billes, aux funambules, à l’élastique, à la tomate : jouer partout de chaque rebord, chaque recoin, chaque racine, chaque faille dans le sol. Dans la grande cour, plus tard, jouer pas tout à fait, typologies, territoires, messes basses, regards en coin. #EspacesCompris


à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

Le dictaphone

Journée très productive, comparée aux soixante dernières. Je me remets enfin plus sérieusement aux lectures dans le cadre de mes études, délaissées en m’occupant de ce site à me perdre dans des détails labyrinthiques, et en me faisant de fausses promesses « demain, demain, toujours demain ». En fin de matinée, j’ai ouvert la fonction dictaphone, j’ai lancé à voix haute « journal d’études, jour 1 » et j’ai simplement dit en long et en large (9 minutes, beaucoup trop long, beaucoup trop large) que je m’y remettais, et quel livre j’attrapais. Et je crois que toute la journée, j’ai tenu – malgré la difficulté à me concentrer, les passages ardus du texte, la tentation de plutôt scroller à l’infini sur Twitter – grâce à cet audio que j’avais fait et qui d’une certaine manière m’obligeait. Ce soir, j’ai rouvert le dictaphone, très fière de pouvoir dire « j’ai bien avancé ! » (6 minutes quand même, toujours trop long). Je ne sais pas si je publierai ces audios, ça me paraît inintéressant, mais dans le même temps, je sais aussi combien on peut se sentir seul·e quand il faut avancer et qu’on a du mal, et j’ai trouvé parfois beaucoup de réconfort à lire ou écouter des personnes qui partageaient, jusque dans les moindres détails, leurs tentatives, leurs élans, leurs processus.

[espaces compris] la chambre de mes parents

Dans le salon, un canapé-lit gris vert indéfinissable, déplié chaque soir, replié chaque matin, l’habitude et les maux de dos ; et le samedi trop tôt, dans le noir, leur sommeil gâché par la télé allumée, mes dessins animés sous casque. Silence, images colorées. #EspacesCompris

à partir de la proposition d’écriture #espacescompris

[espaces compris] mon premier lieu de vacances

Le clocher vu! vu! vu! dans les derniers virages, le son des gravillons sous les pneus, l’odeur folle de bonheur dès les premiers pas, le tilleul majestueux, familier, ombre douce pour nos déjeuners, et les jambes à courir de joie le jardin, le village tout entier. #espacescompris

à partir de la proposition d’écriture #espacescompris