Ce sont des amoureux de la beauté et du travail bien fait. Ils terminent l’Ecole Boulle, prestigieuse école des métiers d’art et du design, et passent leur dernière année à travailler sur une seule et même pièce. C’est sur cette pièce qu’ils seront jugés pour obtenir leur diplôme. On les voit se débattre avec de la résine qui n’a pas séché, du métal gâché, des problèmes d’angles et de gabarits, faire d’innombrables allers-retours entre leurs espoirs et la réalité. Ils savent et savourent le luxe que c’est de pouvoir passer une année entière sur le même objet.
Documentaire À l’école des mains d’or – à l’école Boulle de Laetitia Agostini (2016, 50min)
Je retire tellement de choses à les regarder et à les écouter. Ça résonne avec toutes mes obsessions pour le travail, le temps, la qualité, l’apprentissage, le rêve et la matière, l’oeuvre qui s’affranchit de l’idée, le geste qui transforme la pensée.
Voici quelques extraits :
« La vitesse je l’acquerrai après, avec l’expérience, moi ce qui m’intéresse c’est d’acquérir de la technique et de savoir faire les choses bien. »
« C‘est le dernier pied. C’est le pied qui est le plus dans l’esprit de mon projet, c’est le pied transparent. Je sais pas vraiment ce que ça va rendre. J’ai fait des rendus 3D avec les effets que ça pourrait faire la résine. Mais bon la 3D, ça reste une 3D, c’est pas la réalité. J’aimerais bien voir dans la réalité ce que ça va faire. »
« C’est l’excellence, vue comme l’expression d’une très grande solidarité, et d’un goût pour l’art et les choses bien faites, pour la qualité… c’est pas quelque chose qui se nourrit de passions troubles, de quelque chose qui aurait à voir avec la vanité. Pas du tout, c’est une excellence qui se nourrit d’une certaine forme d’humilité. »
« La main elle est l’outil qui dirige l’oeil et la pensée ».
« Ce qu’on amène à l’objet, ce qu’on veut y mettre de soi, ça nous amène à nous poser la question : mais qui on est ? qu’est-ce qu’on veut faire passer comme valeurs ? »
« Je sais que j’ai encore des cartes enfouies en moi que j’ai besoin de sortir, pour peut-être avoir le bon jeu ou pas. Mais voilà, je suis pas encore moi-même, il me faut un peu de temps pour dévoiler tout ça. »
Ils sont beaux dans cette quête infinie de leurs cartes enfouies. Je m’inspire de leur ténacité et de leur ingéniosité. J’ai un projet qui pour l’instant ne ressemble à rien, je ne sais pas encore du tout ce que ça va rendre, je vais travailler patiemment la matière et les formes, je vais essayer de m’entourer des meilleurs, et je vais laisser la main guider l’oeil et la pensée.