Voilà ce qui se passe quand tu réalises le fantasme de quelqu’un d’autre au lieu du tien.
J’ai eu mon père au téléphone pendant le week-end. Il voulait savoir comment s’était passée cette première semaine dans mon nouveau boulot, il me demande tout excité « comment c’est cette nouvelle vie ». Je lui précise que c’est pas vraiment une nouvelle vie hein. Je parle du bon accueil qu’on m’a réservé, puis de la fatigue, de la difficulté d’enchaîner les journées au bureau et les soirées en cours. « Ça fait beaucoup, je ne sais pas encore ce que ça va donner. » Je le sens déçu, le ton de sa voix change. Il y a de la compassion, mais pas seulement. « Oui, oui, c’est sûr, ça fait beaucoup. »
Ce job, c’est la classe à ses yeux, je sais qu’il est fier. C’est son fantasme à lui que je suis en train de réaliser. Je le savais en acceptant ce travail, je savais que j’allais exactement là où on m’attend, là où lui m’attend.
C’est son fantasme à lui, et à force de chercher la fierté dans sa voix, c’est devenu mon fantasme à moi.
Ma « nouvelle vie », c’était pas lundi 4…vraiment pas. C’était plein d’autres moments du calendrier, ces derniers mois tout particulièrement. C’était souvent des choix sans éclat dont personne ne pouvait se réjouir à part moi.
D’ailleurs, personne n’a le devoir de s’en réjouir pour moi (c’est très important ça).
Ma prochaine nouvelle vie, elle va commencer quand je renoncerai à cette chaleur dans ta voix, quand j’arrêterai de séjourner au pays des rêves qui ne sont pas les miens.
J’ai hâte de vous écrire depuis l’autre rive, une carte postale de mon pays.