Tu n’as pas besoin d’aller mal pour dire non. Tu n’as pas besoin de te justifier. Tu n’as pas besoin d’avoir des soucis. Tu n’as pas besoin d’une bonne excuse.
Ces dernières semaines, j’ai dit non, à plusieurs sollicitations, répétées, et un peu sourdes à mon tout premier non. (Les détails sont pas hyper importants : c’est pour un groupe dans lequel je me suis pas mal investie en 2022). Donc je dis non, pour telle tâche, telle autre, telle autre et telle autre. Gros challenge pour mon muscle atrophié du “non”.
Je me sens quand même un peu obligée de dire que la rentrée est très dense pour enrober le grand méchant “non”. C’est semi-vrai. Ça resterait possible de caler ici ou là les heures pour faire ce qu’on me demande, mais l’enjeu pour moi c’est la dispersion, j’ai déjà trop de balles en l’air, besoin d’alléger, de simplifier. Je dis donc que la rentrée est drôlement chargée. Je sens qu’il me faut une excuse.
J’ai croisé une camarade, elle aussi trop sollicitée, au point d’en être dégoutée. Elle me dit, haletante et énervée : “j’en ai marre, j’ai pas que ça à faire, j’ai trois enfants, le cursus, le boulot… C’est pas ma priorité”. Je lui ai tout de suite répondu, wow wow wow, qu’elle n’avait pas besoin de se justifier, qu’elle avait le droit de ne pas avoir le temps ou l’envie, sans fournir en PJ le détail de son agenda. Car moi, je n’ai pas trois enfants ni un boulot à plein temps, et pour autant je ne veux pas investir mon énergie, mes pensées, mes soirs et matins à cet endroit, précisément, là, maintenant. J’ai le droit ? Faut-il forcément trois enfants pour dire non ?
Quelques jours plus tard, on me re-sollicite pour une autre tâche. Je dis que je ne pourrai pas. Et on me demande “ça va ? tu as des soucis ?”. Sur le fond, c’est gentil je crois. Mais je me demande : faut-il aller mal pour être dispensée, faut-il avoir des soucis pour avoir le droit dire non ? J’ai connu les années avec de très bonnes excuses, les proches malades, les deuils : le joker absolu, la garantie d’un non socialement légitime, sans négociation. Et là, ça va bien. Bon sang, ça va bien, des projets qui mettent en joie, qui mettent la barre haut parfois, et pas de drames autour.
Pas de drames. J’ai le luxe de choisir à quoi je dédie mon temps. Je me réserve des heures concentrées, le téléphone banni, toute entière dévouée à la tâche que je mets ce jour-là en priorité. Je me réserve aussi des heures vides, des heures qui flânent, des heures rêveuses et paresseuses, et des espaces pour dire oui à ce café, ce dîner, cette balade, ce truc chouette improvisé. Je me réserve des incertitudes, de la place dans le paysage intérieur, de l’horizon devant, des moments où, qui sait, je pourrais bien avoir l’élan d’écrire ici, faire ces choses qui ne servent à rien mais qui font du bien. Pour une fois, dire non parce que ça va. Ça va bien, merci.