une syllabe

avoir une ma
la bonne
la mauvaise

dire ma
celle qui me donna
le jour
la tête
les jambes
les pieds

les râles ont débuté
dans la deuxième
non troisième semaine de juin

tu te rappelles, je me rappelais
tu te rappelles, je me rappelais

c’était tout comme
l’acharnement du soleil

nos minuits en clarté

je l’appelais
ma tête crachait
son nom

son nom
je ne m’en sers plus

râles suspendus

entre tous
j’ai enterré ma
le jour
la tête
les jambes
les pieds

nos minuits le midi
ce n’est pas se reposer
il faudrait récrire tout cela

dire ma
d’avoir une ma
je restais
muette
avec une syllabe sur les bras

Poème fondu à partir des pages 20 et 21 de Molloy de Samuel Beckett (Les Éditions de Minuit, 1951/1982)

cette nuit-là

– je ne dis pas
je dis

le peu nuit
– quoi faire, ni où aller
la fatigue, les affres, une voix
– ce que ça veut dire
tous ces bruits
– ce qui s’y passait
entre deux soleils
– ce que ça veut dire
parler, au loin, trembler

comme un bruit de tonnerre
empêché

ce qui reste
en vain peut-être
de tous les murmures
les sommeils

la terre
voire l’aube des petits sentiers

mais je ne serai pas toujours
cette nuit lointaine

cette nuit-là

démesurée

_

Poème fondu à partir des pages 18 et 19 de Molloy de Samuel Beckett (Les Éditions de Minuit, 1951/1982)

3 trucs bien – jours de mai

mercredi 1er mai
la réponse de Claire Bretécher, la netteté de son « rien ! » (à 3’11)
commencer un poème fondu
l’orage interminable

jeudi 2 mai
le journal du regard de Pierre Ménard
la pluie
les mots de Pessoa « Le vent qui passe, la nuit qui fraîchit / Sont autre chose que le vent et la nuit » cités par Guillaume Vissac

vendredi 3 mai
l’apéro au soleil avec M.
les rues, le café que je fréquentais quand j’habitais ce quartier dix ans plus tôt
rentrer avec le bus et mes écouteurs, sentir ma colère comme une force

samedi 4 mai
revoir ce documentaire glaçant, La gueule de l’emploi, la toute-violence
lire enfin le magistral Bartleby le scribe
la newsletter de Philippe Castelneau et les carnets d’avril de Thierry Crouzet

dimanche 5 mai
écrire des poèmes fondus
publier un poème fondu
comparer des traductions de Bartleby

lundi 6 mai
n’être que deux au bureau
me plonger dans une tâche répétitive, qui me prend la journée et m’évite de douter
« l’aventure moderne #3 : l’interruption » d’Anne Savelli

mardi 7 mai
arriver en retard au bureau, sans conséquence
la perspective délicieuse de tous ces jours devant
ce vers de Roberto Juarroz : Vivre commence toujours maintenant

mercredi 8 mai
être là, devant l’église Saint-Ambroise et ses arbres en fleur
voir A. qui m’offre judicieusement Depuis toujours nous aimons les dimanches de Lydie Salvayre
les chats vs. la science dans la newsletter Absolument tout

jeudi 9 mai
enfin, le soleil
voir le formidable Moi, Daniel Blake de Ken Loach
les mots « « j’aurais tant aimé cependant / gagner pour vous pour moi perdant / avoir été peut-être utile / c’est un rêve modeste et fou… » (J’entends, j’entends) » dans « Une ville au loin »

vendredi 10 mai
guinguette et bords de Marne
l’apaisement de l’eau, des arbres
et la lenteur de nos pas

samedi 11 mai
In the mood de Glenn Miller, petits commerces et façades de l’avenue Daumesnil, avant le bois et le rocher
les œufs mayo à partager
ménage ponctué de pauses sur la terrasse

dimanche 12 mai
parcourir des offres d’emploi
parcourir des annonces immobilières
bourrasque soudaine qui met tout le monde debout, silencieux, à sa fenêtre

lundi 13 mai
aimer mon corps plein de bon sens qui voudrait faire demi-tour sur le chemin du bureau
avancer ce que je peux
rire des erreurs fantaisistes d’un transcripteur automatique qui transforme nos séances d’intervention en sketchs surréalistes

mardi 14 mai
la pluie
le déca à la fenêtre, en rentrant du bureau
le point de travail du soir avec M. qui me redonne de l’énergie malgré presque 3 heures intenses et de gros sujets

mercredi 15 mai
le matin, les mots de Thomas Vinau : La pluie est une forme de justice
le midi, les mots de Antonia Pozzi : Les choses ont déjà
trop souffert
de ma rancœur

le soir, les rires du groupe et ces mots d’un camarade : c’est un travail de sous-bois

jeudi 16 mai
radio, journal, mon matin souverain
pas de cheffes en fin d’après-midi, un sentiment d’espace
préparer avec M. notre prochaine séance dans l’intervention

vendredi 17 mai
à la radio, F.F. Coppola dit l’art est une manipulation du temps
papillonner en télétravail, presque sans culpabilité, puis m’amuser sur une tâche qui pourtant me rebutait
les mots el tiempo va disponiendo de María Dolores Cano

samedi 18 mai
les mots N’avoir plus de forces, c’est une force de Guillaume Vissac
lire
rire en écoutant ici Fredrik Backman

dimanche 19 mai
les radis au sel avec X. et T.N.
une grande balade dans le parc voisin, se délecter ensemble des arbres vifs et du soleil sur nos visages
les mots de X. : l’usage de Paris

lundi 20 mai
soleil, tomates et mozarella avec P. et M.
saveur des mots inconnus sur les panneaux d’une exposition sur l’art de la table au XVIIème
s’abriter à temps avant la grande pluie

mardi 21 mai
sommet de la tour eiffel dans le brouillard
malgré le trac et la fatigue, petit plaisir devant le bâtiment rue B. pour notre intervention
une conférence bien utile sur zoom le soir

mercredi 22 mai
arpenter des rues d’une autre époque, celle d’un ancien boulot, sept ans plus tôt
douceur du soir, soleil et vieilles pierres, dire à P. une pensée pour toi, pour nous
dîner avec A. et E., des larmes, des confidences, de l’amitié

jeudi 23 mai
télétravailler une partie de la journée
écouter l’audio de la session d’intervention du 21, et entendre tant de choses pas entendues en salle
énième point de travail avec M., toujours utile

vendredi 24 mai
me réveiller et me dire je suis en vie
lire ensuite dans le journal de Guillaume Vissac « In the morning of life, you die. You do not die in the evening » (Marguerite Young)
les bonnes nouvelles de T.B.

samedi 25 mai
avoir quelque part où aller dès le matin
journée simple avec M. et C.
un air très doux par la fenêtre

dimanche 26 mai
me réveiller ailleurs
matinée de chasse aux cadeaux
la joie de M. et C.

lundi 27 mai
les mots faire confiance au corps
l’ovation pour Nadal après sa défaite
revoir pour la 3ème fois peut-être En guerre de Stéphane Brizé

mardi 28 mai
des gradins installés pour les JO, qui me mettent bizarrement en joie
les grands arbres du mardi matin
au bureau, trouver un peu de sérénité en me disant c’est décidé, je pars

mercredi 29 mai
m’habituer (un peu) à cette pluie sans fin
un fondant au chocolat offert par E.
les blagues de J. sur notre probable état – catastrophique – en juillet pour faire le rapport d’intervention

jeudi 30 mai
douceur de la première demi-heure au bureau sans cheffes
oser dire j’ai besoin qu’on voit ensemble, je ne vois plus rien
apéro de travail sous la pluie avec M.

vendredi 31 mai
des remerciements pour mon travail
notre check check avec A., ses mots et son écoute
imaginer un instant mon futur moi