Ce que c’était

fermer les yeux
savoir où l’on va

mais je ne sais pas

je confonds les pôles
le soleil et la nuit
mes mouvements
et la masse du rocher

je me repose

c’est un petit commencement
une façon elliptique de parler

 Poème fondu à partir des pages 24 et 25 de Molloy de Samuel Beckett (Les Éditions de Minuit, 1951/1982)



3 trucs bien – jours d’avril

lundi 1er avril
lire dans le désordre Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger ? de Coline Pierré et Martin Page
me préparer une petite fiche à consulter au boulot pour les moments de grand doute
les oiseaux, concert du soir après la pluie

mardi 2 avril
la première session de travail de notre intervention
les arbres verts-vifs dans le soleil du matin
relire ma petite fiche d’encouragement avant d’aller au boulot l’après-midi

mercredi 3 avril
avancer, tâche après tâche, en essayant de rester mentalement dans une zone respirable, vivable
ciel et lumière à l’heure d’aller au cours du mercredi
les rires du groupe

jeudi 4 avril
tenir bon dans un rendez-vous avec ma cheffe qui pourrait me laisser sans voix
la séance de partage le soir, riche de résonances, les mots « lâcher l’envie d’être utile, on ne peut qu’écouter« 
enfin, rentrer

vendredi 5 avril
visite médicale d’embauche, et en parlant de ma reprise d’études, entendre l’infirmier me dire ah peut-être que vous viendrez travailler ici
voir P. pour un apéritif d’anniversaire
revoir l’excellent film Un autre monde, qui me rappelle pourquoi je fais ces études-là

samedi 6 avril
déjeuner avec A. M. A. et A., les voir parents
après des heures à parler projets de déménagement, le plaisir pourtant de retrouver Paris en rentrant
céder au sommeil massue

dimanche 7 avril
brunch avec P. M. B. M et C.
grands axes de Paris, déserts
plaisir de relire mon journal filmé sans caméra d’octobre à décembre 2023, y ajouter une entrée

lundi 8 avril
rester sourire quand je boue à l’intérieur
trouver encore un peu d’énergie pour le rendez-vous de travail du soir avec M.
me coucher

mardi 9 avril
intervention le matin
lire Touché de Pascalle Monnier dans une cafétéria déserte et son courant d’air
« avec mes mots qui ne seront jamais des mots » dans ce poème de Barbara Auzou

mercredi 10 avril
écouter Amalric lire Touché à la maison de la Poésie
journée sans cheffes au bureau
sortir la valise de l’armoire

jeudi 11 avril
m’installer dans le train, 35 minutes après avoir fermé la porte du bureau
retrouver P. sur le quai à l’arrivée : soleil et joie immenses
me sentir un peu revivre

vendredi 12 avril
les mots de S. au téléphone le matin sur notre travail ensemble
avancer bien bien toute la journée malgré ma crainte de ne pas réussir à télétravailler d’ici
ce bon sentiment du soir, fière de mon travail et déjà dans l’herbe du jardin

samedi 13 avril
quelque chose qui ressemble au début des grandes vacances
jouer avec T.N. X. O. et A. dans la petite cour avec des gâteaux, pansements et pommades imaginaires
voir P. revenir en forme et requinqué de son passage par les urgences

dimanche 14 avril
ruée de vaches
la vue toujours sublime depuis le chemin du haut, ouvrir grand les bras et les poumons
l’arrivée de T.B et T.B.

lundi 15 avril
regarder les enfants dessiner sous l’œil patient de T. B.
préparer l’apéro avec P.
O. qui répète « je veux toi » au moment de rentrer

mardi 16 avril
le câlin d’O. de C. et de P. avant de partir
réussir à stopper mes larmes dans le TER
le car qui va très vite dans la nuit-forêt entre deux gares

mercredi 17 avril
le soir, descendre l’escalier pour quitter le bureau
les mots d’A.
retrouver une todolist de décembre 2013 qui pourrait peu ou prou être celle du jour

jeudi 18 avril
faire mes pages du matin, enfin
retrouver mon sourire, un peu
les mots entendre l’axe de la terre, l’axe de la terre dans ce poème d’Ossip Mandelstam, et me murmurer l’axe de la terre, l’axe de la terre

vendredi 19 avril
les soleils persistants
rire quand même au déjeuner
le point de travail avec M. le soir, que je n’aurais jamais eu le courage de faire seule

samedi 20 avril
rattraper mon journal des jours nivernais
ranger mes papiers, nettoyer le filtre de vidange du lave-linge, faire des choses comme ça
écrire la dernière page de mon zibaldone, qui aura donc duré du 22 avril 2023 au 20 avril 2024, presque un an jour pour jour sans le vouloir

dimanche 21 avril
Samuel sur Arte
le coup de fil de P.
me concocter un programme de 12 semaines de mini-protocoles créatifs

lundi 22 avril
écrire pour mon protocole 1 jour 1, et me murmurer quelques-uns de ces mots au carrefour du canal
rester droite pendant ce point RH où on me note de 1 à 5 sur chaque mission de ma fiche de poste
faire une écoute le soir

mardi 23 avril
la session d’observations le matin pour notre intervention
ne pas aller au bureau ce jour-là
notre super check avec A., son écoute précieuse et la beauté des pas, des actions, des questions

mercredi 24 avril
la visio avec les assistantes sociales
la séance du mercredi soir, les mots d’une de nos encadrantes « ça prend du temps »
l’écoute de M., ses mots et notre étreinte pleine de confiance

jeudi 25 avril
ce restaurant japonais exigu, tenu par un vieux couple aux gestes délicats : havre
partir enfin du bureau
au partage, les mots « la bonne écoute, c’est votre présence »

vendredi 26 avril
télétravailler
faire un fondant au chocolat après avoir éteint le téléphone pro
le travail du soir avec M. : déplier ensemble notre rapport à l’intervention

samedi 27 avril
faire mon brillant hebdo
déjeuner avec P., une île flottante majestueuse avant la pluie
les mots « I used to think my dreams would lead to happiness but now, it almost feels like this choice between the two » dans la série Mon petit renne

dimanche 28 avril
finir et publier un collage qui traîne depuis des mois
nettoyer le filtre du lave-vaisselle et les portes de placards de cuisine, faire des choses comme ça
les mots “Only parts suffer — not the whole” cités par Lisa Olivera

lundi 29 avril
le message de T. B.
déjeuner dehors et exploser mon temps de pause
les mots « enregistrer ce qui part, part sans cesse, mais n’est pas encore parti » de Wright Morris cités par Florence Trocmé

mardi 30 avril
la session d’intervention le matin, les voir développer la discussion entre eux
ma petite heure de liberté avant de repartir pour le bureau
rentrer tard sous la dernière pluie d’avril