J’ai écrit ça un jour sur un papier brouillon, je ne me suis jamais souvenue de quand ça datait ou du contexte duquel cette phrase avait surgi.
Mais c’est vrai sans arrêt, c’est vrai aujourd’hui. Il commence à me faire chier mon idéal.
J’ai cet idéal dans la tête : à quoi devrait ressembler ce que j’écris, ce que je dis, ce que je fais, qui je suis. Et j’ai cette peur dans le coeur : décevoir, toujours être en-dessous, à côté, pas assez. Comme un souffle court.
Petite, je me suis imaginée tout ce que je deviendrai, et c’était beau et c’était grand. J’avais pas de petits rêves, tout allait devoir être époustouflant.
En grandissant, j’ai eu l’impression de passer mon temps à décevoir cette petite fille. Ce que j’écris, ce que je dis, ce que je fais, qui je suis : merde, merde, merde, merde, c’est carrément à des années-lumière de cet idéal soigneusement tissé.
Alors il commence à me faire chier mon idéal.
Mais au lieu de penser à la petite fille que j’étais, un jour j’ai enfin pris le temps de penser à la vieille dame que je pourrais devenir.
La vieille dame, elle vient pas m’emmerder avec des histoires d’idéal. Elle veut juste des histoires. Elle veut pouvoir y songer au coin de feu (oui, je serai une vieille dame dans un conte anglais), s’y blottir avec ce sourire radieux. Celui de la vie vécue. Elle sait qu’on s’est bien amusé, qu’on a essayé, qu’on a appris, qu’on a voyagé, qu’on a savouré. Elle est dense de tout ça. Elle serait tellement déçue si je ne lui laissais à la fin qu’un idéal. Elle s’en fout si c’était pas parfait. C’était.
Alors, j’ai choisi : je préfère décevoir la petite fille plutôt que la vieille dame.